Billet d'exception par rapport aux sujets habituels du blog : on va simplement parler de droit, et plus particulièrement de droit des licences libres applicable à l'informatique.
Après un bon nombre d'années à travailler sur les licences libres dans un cadre professionnel, et après avoir expérimenté les affres d'un contentieux "sale" relatif à des violations délibérées de licences libres, je suis arrivé à la conclusion que les licences libres et open source régulièrement utilisées dans le domaine de l'informatique ne sont pas adaptées à une situation de contentieux réel parce que leurs rédacteurs n'ont jamais été dans une position de devoir défendre leur titularité d'une oeuvre logicielle, ni le contenu de la licence libre qui lui est applicable devant une juridiction contentieuse.
C'est fort de cette expérience que j'ai rédigé une nouvelle licence libre, la Xyrop Open License (XOL) (en format markdown, une version texte .txt est également dispo en annexe de ce billet). "Oh grands dieux non !", direz-vous, en pensant à la prolifération des licences libres, et vous aurez bien raison car des licences libres, il y en a trop. Cependant, à la différence de la quasi-totalité des autres licences libres que vous pourrez trouver sur Internet, la XOL a été rédigée sur la base d'une expérience pratique de contentieux judiciaire (civil comme pénal) sur une licence libre pourtant censément très "solide", à savoir une licence GNU.
La licence XOL est une "licence de guerre". Elle a été conçue en réponse à tous les arguments, même les plus absurdes, qui peuvent être soulevés par des délinquants en col blanc pour éluder leur responsabilité dans leur violation délibérée d'une licence libre.
Les contraintes que je me suis fixé pour rédiger cette licence XOL sont les suivantes :
- la licence XOL doit être courte, claire et lisible ;
- la licence XOL doit être libre au sens de la définition de la Free Software Foundation (pourquoi "open" dans le nom alors ? Parce que XOL se prononce et pas XFL). Si elle est "open" au sens de la définition de l'"Open Source Initiative", c'est un bonus mais ce n'est pas l'objectif principal ;
- la licence XOL doit pouvoir être compatible avec le plus d'ordres juridiques possibles (droit anglo-saxon, Convention de Berne) tout en ayant la force obligatoire la plus importante possible quel que soit cet ordre juridique. Ceci implique que la licence prévoie des règles d'interprétation et de qualification juridique de sa nature contractuelle tout comme de ses droits et obligations ;
- la licence XOL doit mettre un accent tout particulier sur la paternité des auteurs et titulaires de droits sur le logiciel, car c'est cela qui constitue la valeur ajoutée de publier un logiciel sous licence libre : se faire connaître, démontrer son excellence technique, bref, recevoir les lauriers (gratuits) de son accomplissement - mais les recevoir quand même ;
- la licence XOL doit être copyleft (car la liberté logicielle n'est pas seulement un droit mais un devoir), y compris dans des usages de type SaaS, donc le code sous licence XOL doit demeurer sous licence XOL ;
- pour autant, la licence doit être la plus compatible possible avec toutes les autres licences libres existantes malgré l'obligation de réciprocité de sa clause de copyleft - tout tiers développant un projet sous une licence libre doit pouvoir intégrer un composant sous la licence XOL dans son projet sans être inquiété en termes de compatibilité, ni avoir à publier ce projet dans son ensemble sous la licence XOL dudit composant ;
- la licence XOL doit interdire les pratiques telles que la tivoisation ou tout autre comportement, acte ou omission qui priverait un bénéficiaire de l'exercice effectif des droits (i.e. les 4 libertés logicielles de la FSF) qui lui sont normalement conférés par la licence XOL ;
- la licence XOL doit prendre en compte les dernières évolutions technologiques et notamment l'alimentation de corpus destinés à entraîner des IA et autres "neural networks" avec du code source tout en évitant que ces pratiques ne "diluent" la titularité des auteurs de code ;
- la licence XOL doit prévoir une clause de licence de brevet aux fins d'exercer les droits qu'elle confère à ses bénéficiaires ;
- toute violation de la licence XOL doit pouvoir permettre au titulaire des droits de défendre ses intérêts de la manière la plus efficace, tout en faisant porter la charge de la preuve de l'absence de violation sur le bénéficiaire dont le titulaire considère qu'il est auteur d'une violation - dans les licences GNU v3, ce mécanisme est hélas incomplet parce qu'il ne prend pas du tout en compte la possibilité que l'auteur d'une violation puisse être de mauvaise foi. Ou bien que des tiers puissent avoir un intérêt à dissimuler la vérité, soutenir les violateurs de la licence, ou encore aider à porter atteinte au titulaire des droits du logiciel sous licence XOL, auquel cas la licence se charge de leur cas également ("with extreme prejudice" comme disent nos amis anglo-saxons).
Bien entendu, tous les commentaires sont - comme toujours - les bienvenus.