Xyrop - Mot-clé - meneur de jeu2024-02-29T08:30:42+00:00urn:md5:a569525ea7dae80655214b43ebf9d4d9Dotclear[Tactique de maîtrise] Scénario basé sur un diagramme d'Ishikawaurn:md5:41f4822b50fe8fbf25a2385a097a59de2018-05-03T13:56:00+02:002020-05-10T17:00:39+02:00LudoxconseilsJdRJeu de rôlemaîtrisermener une partiemeneur de jeuMJPratiqueTactique de maîtrisetactique de maîtrise<p>Très souvent, les scénarios que l'on peut trouver dans le commerce contiennent des phases narrativement simplistes où le meneur doit faire en sorte que s'accumulent les péripéties, les revers pour les personnages-joueurs. On trouve un inventaire des difficultés envisageables, disponibles pour le meneur de jeu. Ainsi le voyage est agrémenté de péripéties telles que : la caravane est attaquée par des brigands, un dromadaire se blesse, un puits est à sec, etc.</p>
<p>Ces péripéties apparaissent au final aux joueurs comme dictées par l'arbitraire du meneur de jeu ou de l'auteur du scénario. Il existe cependant une manière simple et efficace de faire survenir ces péripéties d'une manière extrêmement logique, qui donnera l'impression aux personnages-joueurs qu'ils sont les seuls responsables de la situation insoluble dans laquelle ils se retrouveront.</p>
<p>Cette tactique de maîtrise est basée sur un détournement d'usage d'un outil appelé diagramme d'Ishikawa, et ce billet reprend, tout en la détaillant et en l'approfondissant, l'une des sections (diapositives 12 à 16) de la présentation disponible <a href="https://blog.xyrop.com/public/Gamemastering/Atelier_Masterclass_Tuez_vos_PJ.pdf">ici</a>.</p> <h2>Le diagramme de quoi ?</h2>
<p>Le diagramme d'Ishikawa est un outil de gestion de la qualité industrielle. Lorsqu'une défaillance dans la qualité d'un produit est détectée, le diagramme d'Ishikawa sert à inventorier les causes de cette défaillance, en les organisant dans un diagramme en arête de poisson. Ce diagramme permet de visualiser ainsi les causes de défaillance, organisées de la plus évidente, qui sera proche de la "colonne vertébrale du poisson", jusqu'à à la plus lointaine - séparée de la défaillance par plusieurs liens de causalité de plus en plus ténus - qui sera perdue dans les ramifications.</p>
<p>Les causes de défaillances du diagramme d'Ishikawa sont réparties en différentes catégories :</p>
<ul>
<li>Matériaux (matières premières) entrant en jeu</li>
<li>Matériels utilisés, les machines et équipements</li>
<li>Méthodes, processus et tactiques mis en œuvre</li>
<li>Main-d'œuvre, les tiers intervenants</li>
<li>Milieu, l'environnement général pour l'accomplissement de l'objectif qualitatif</li>
</ul>
<p>On peut éventuellement y ajouter les catégories :</p>
<ul>
<li>Mesure, à savoir les évaluations et appréciations réalisées</li>
<li>Management, la manière dont la Main d’œuvre s'est trouvée encadrée et pilotée</li>
</ul>
<h2>Quel rapport entre qualité et une intrigue de JdR ?</h2>
<p>Sauf cas particulier, les joueurs visent en principe une forme de succès dans le cadre des scénarios auxquels ils participent via leurs personnages. Rien que la survie du personnage est déjà une forme de succès.</p>
<p>Ces objectifs des joueurs peuvent tout à fait être considérés comme une forme de qualité du résultat produit par le déroulement de l'intrigue / de la partie :</p>
<p>La qualité totale est atteinte lorsque la caravane arrive à sa destination dans les temps prévus, sans pertes humaines ni de marchandises. Lorsque ce n'est pas le cas, alors le résultat du processus "intrigue" est de qualité partielle (la caravane est en retard et il y a eu plusieurs morts dans l'escorte), de mauvaise qualité (la caravane est arrivée en retard, trois chameaux chargés des marchandises les plus précieuses se sont perdus dans une tempête de sable, et certains membres de l'escorte véhiculent une maladie contagieuse), voire pas atteint du tout (la caravane n'est jamais arrivée, tous les personnages-joueurs sont morts ou capturés par les nomades cannibales).</p>
<p>La défaillance qualitative est donc un déroulement de la partie qui aboutit à un résultat insatisfaisant pour les personnages-joueurs (qui ne remplissent pas leurs objectifs).</p>
<h2>Objectifs et arbitraire du meneur de jeu, défis pour les joueurs</h2>
<p>De son côté, le meneur de jeu est là pour opposer des défis aux personnages-joueurs : dans une certaine mesure, la défaillance qualitative est son objectif.</p>
<p>Évidemment, il n'est rien de plus facile pour le meneur de jeu que de fixer arbitrairement une situation d'échec du scénario, mais un tel comportement est sans intérêt et même contre-productif : le MJ est là pour challenger les joueurs pour qu'ils s'amusent, et non pour leur imposer l'arbitraire frustrant d'un démiurge mesquin.</p>
<p>Bien au contraire, pour confronter les personnages-joueurs à un défi, il faut d'abord leur laisser une chance, et même de nombreuses chances. Les chances que des personnages-joueurs seront parfois, mais pas nécessairement, en mesure de saisir représentent autant de défis intellectuels et/ou émotionnels pour les joueurs eux-mêmes. Pour cela, il est efficace d'encourager les personnages-joueurs dans leurs entreprises, ceci <del>même</del> surtout quand celles-ci apparaissent intéressantes à court terme mais sont contre-productives à long terme compte tenu de ce que sait le meneur de jeu sur les véritables causes des difficultés.</p>
<p>Pour donner sa pleine efficacité à cette tactique et supprimer toute sensation d'arbitraire, il est essentiel de <ins>donner du pouvoir</ins> aux personnages-joueurs : de les mettre dans la position de décisionnaires ou à tout le moins d'acteurs essentiels pour gérer les causes de défaillance qualitative (au sens de risques pouvant mener à l'échec de leurs objectifs).</p>
<p>Ainsi, il devrait être loisible au personnage-joueur, chef de la caravane en butte à des impératifs calendaires, d'imposer un pas rapide au convoi. Un tel pas rapide permet effectivement, à court terme, d'avancer plus vite et de réduire le temps du voyage. Cependant, à moyen terme, la fatigue s'installera plus vite chez les membres de la caravane, tout comme les risques de blessures, tandis qu'à long terme l'eau consommée plus rapidement pourrait venir à manquer vers la fin du voyage. Ces nouvelles causes potentielles d'échec devront être à leur tour gérées.</p>
<p>Bref : le meneur de jeu aura ainsi donné à ce personnage-joueur "<em>la corde pour se pendre</em>".</p>
<p>À un niveau "méta-jeu", les joueurs auront conscience des opportunités saisies, de celles qu'ils auront laissé échapper, et de leurs échecs à anticiper des difficultés : réussites et échecs survenant progressivement, les joueurs ne manqueront pas de se tenir eux-mêmes pour principalement responsables du déroulement favorable ou au contraire défavorable de l'intrigue.</p>
<h2>Brainstorming</h2>
<p>Le diagramme d'Ishikawa détourné lui permet de poser les objectifs des personnages-joueurs en partant de l'hypothèse que ceux-ci ne seront pas remplis à la fin de l'intrigue, et de se créer une liste des causes et leviers, des plus proches aux plus lointains, qui auraient pu contribuer à cette situation de non-qualité / non-atteinte de ces objectifs.</p>
<p>Ainsi, reprenant l'exemple de la caravane, le meneur de jeu pourrait décider que les causes les plus immédiates de défaillance dans chaque catégorie sont les suivantes :</p>
<ul>
<li><strong>Matériaux</strong> (matières premières) : les cordages et bâches utilisés pour emballer les marchandises sont trop fragiles et ont une tendance à céder au cours du voyage ;</li>
<li><strong>Matériels</strong> : l'instrument pour s'orienter dans le désert est faussé et indique une direction imprécise, les selles sont inconfortables pour les voyageurs, il manque des couvertures pour les nuits fraîches, les gourdes d'eau sont trop petites ou trop peu nombreuses ;</li>
<li><strong>Méthodes</strong> : le rythme imprimé à la caravane est trop soutenu ce qui fatigue les bêtes, le chemin planifié passe par une zone trop difficile à franchir ;</li>
<li><strong>Main-d'œuvre</strong> : un faux marchand envoie régulièrement des pigeons voyageurs pour informer un groupe de bandits de la progression de la caravane, le guide fait des erreurs d'orientation ;</li>
<li><strong>Milieu</strong> : le désert est parcouru de tempêtes de sable, les puits du parcours envisagé sont à sec, la température est insoutenable le jour (trop chaud) et la nuit (trop froid), le sable s'insinue partout, les scorpions et serpents se glissent dans les affaires des caravaniers ;</li>
<li><strong>Mesure</strong> : le poids des marchandises a été sous-évalué, les bêtes de somme avancent moins vite que calculé, les quantités de vivres sont insuffisantes ;</li>
<li><strong>Management</strong> : ceci est surtout de la responsabilité des personnages-joueurs, qui feront leurs propres erreurs, n'en doutons pas - il n'est donc pas nécessaire de l'indiquer.</li>
</ul>
<p>Si la mission de la caravane aboutissait à un échec, une analyse post mortem de cet échec dans le cadre d'une démarche qualité pourrait aboutir à un diagramme tel que celui-ci :</p>
<p><img src="https://blog.xyrop.com/public/Gamemastering/Images/Ishikawa/ishikawa1.png" alt="" style="display:table; margin:0 auto;" /></p>
<p>Quand ces causes se présentent spontanément (ou plutôt que le meneur de jeu les fait survenir directement ou mentionne leur possible apparition), les PJ s'empressent habituellement de prendre les contre-mesures qui s'imposent, souvent d'une manière relevant un peu du <em>méta-gaming</em>.</p>
<p>Pour éviter cela, inverser le diagramme d'Ishikawa permet d'imaginer les causes plus lointaines de ces différentes causes plus proches menant à l'échec de la mission des PJ. Dès lors, le MJ a tout le loisir de les exposer de manière très ouverte à leur sagacité, sans pour autant en faire apparaître les conséquences. Les PJ ainsi informés ne peuvent pas ignorer des faits qui <em>in fine</em> pourraient mener à l'échec de leurs objectifs. La subtilité de cette technique réside dans le fait que, le MJ se comportant de manière loyale et ne cachant aucune information importante, la survenance de l'échec ne résultera au final que d'un enchaînement de causalités aggravé par le défaut d'anticipation des PJ. Autrement dit : ça va mal se passer mais c'est entièrement la faute des joueurs !</p>
<p>Ainsi, dans le cas ci-dessus, le meneur de jeu va distiller les informations aux PJ relativement aux causes des causes d'échec potentielles de leur quête :</p>
<ul>
<li>"<em>Non loin de vous, deux artisans s'invectivent : - "Fils de putois, le fil de lin que tu m'as vendu est pourri ! Comment veux-tu que je travaille correctement ?"</em>". C'est la cause lointaine de la défaillance des <strong>Matériaux</strong>, bâches et cordes ;</li>
<li>"<em>Au moment de charger ses affaires, votre guide fait tomber son paquetage. Il l'ouvre rapidement et fouille parmi ses outils, puis referme le sac visiblement soulagé</em>". Le choc a endommagé l'astrolabe du guide, et celui-ci ne s'en est pas aperçu. "<em>'J'ai acheté des selles toutes neuves, je ne lésine pas sur la sécurité', vous confie le marchand.</em>" Ces selles neuves sont hélas trop dures et vont fatiguer les animaux et les voyageurs au début du voyage. "<em>Vous devriez vous méfier, les nuits du désert sont fraîches. J'ai depuis longtemps tout un stock de couvertures qui ne me servent pas, et dont je veux me séparer. Voulez-vous me les acheter ?</em>" Ces couvertures à première vue acceptables, ont été entreposées trop longtemps. Cette mauvaise conservation est la cause de ce qu'elles s'effilochent dès qu'on les déplie. Ce sont des exemples de causes lointaines de la défaillance des <strong>Matériels</strong> ;</li>
<li>"'''J'ai peur que nous ne soyons suivis par des pillards du désert. Peut-être devrions-nous forcer le pas ?', suggère votre guide." Ceci aggraverait la fatigue des hommes et des bêtes, et la présence des pillards peut donc pousser les PJ à commettre une erreur de <strong>Méthode</strong> ;</li>
<li>"<em>Le caravanier pousse un juron en perdant aux dés. Un autre membre du convoi s'étonne : 'Qu'est-ce qu'il joue, celui-là ! J'aurais juré qu'il était sur la paille, et le voici à dépenser sans compter !</em>'" Le caravanier a reçu de l'argent pour trahir la caravane et informer des brigands de sa progression. Le besoin d'argent et son appétit du jeu du marchand est la cause de sa trahison, défaillance de <strong>Main-d'œuvre</strong> ;</li>
<li>"<em>Une jeune enfant émaciée, aux lèvres parcheminées, s'approche de toi et caresse l'outre d'eau à ta ceinture avec un regard de convoitise. 'Messire, il n'a pas plu de toute la saison, et mon petit frère se meurt de soif...</em>'" Si la région n'a pas connu de pluie pendant toute la saison, alors les arrêts aux puits prévus sur le chemin de la caravane seront probablement insuffisants pour ravitailler les caravaniers en eau. La cause lointaine des puits à sec est donc annoncée, encore faut-il que les PJ anticipent. C'est une cause de défaillance du <strong>Milieu</strong> ;</li>
<li>"<em>Non, ne forçons pas le pas pour échapper aux pillards, nous risquons de fatiguer les bêtes. Perdons-les plutôt en traversant les rocailles. Cela ne devrait pas prendre plus d'une heure.</em>" Au bout de plus d'une demi-journée, il faut se rendre à l'évidence, la région rocailleuse est beaucoup plus étendue que prévu. En outre, deux bêtes se sont blessé les pattes contre les rocs acérés, et la caravane entière est contrainte de se déplacer à leur vitesse moindre. La décision d'échapper aux pillards est la cause de cette erreur de <strong>Mesure</strong> dans la vitesse de progression.</li>
</ul>
<p>Synthétisées dans un diagramme d'Ishikawa inversé, les informations sur les causes proches et lointaines d'échec de la mission se trouvent dans les cadres verts :</p>
<p><a href="https://blog.xyrop.com/public/Gamemastering/Images/Ishikawa/ishikawa2.png"><img src="https://blog.xyrop.com/public/Gamemastering/Images/Ishikawa/ishikawa2.png" alt="" style="display:table; margin:0 auto;" /></a></p>
<h2>Conclusion</h2>
<p>Cette méthode permet au meneur de jeu de trouver facilement des manifestations, intégrées dans l'espace imaginaire partagé, des causes de défaillance de la mission des PJ.</p>
<p>En présentant clairement, loyalement et assez tôt dans l'aventure toutes les informations contenues dans les cadres verts, le meneur de jeu remet entre les mains des joueurs l'entière responsabilité du bon ou mauvais déroulement de l'aventure.</p>
<p>Lorsque les causes d'échec lointaines n'ont pas été détectées ou gérées en amont par les PJ, il suffit dès lors au meneur de suivre le diagramme qu'il a conçu : au cours de la partie, il devra narrer de manière objective les causes d'échec plus proches qui se seront réalisées faute de prise en compte par les joueurs.</p>https://blog.xyrop.com/post/2018/05/03/%5BTactique-de-ma%C3%AEtrise%5D-Sc%C3%A9nario-retors-gr%C3%A2ce-au-diagramme-d-Ishikawa#comment-formhttps://blog.xyrop.com/feed/atom/comments/46[Octogones 2017] Supports de conférenceurn:md5:d079287dd2e2ee74feb62f8f901eab942017-10-10T12:42:00+02:002017-10-10T12:09:23+02:00LudoxAide de jeumaîtrise stratégiquemaîtrisermener une partiemeneur de jeuOctogonesSalonStrategic gamemastering <p>Suite à la convention Octogones 2017 qui s'est tenue les 7 et 8 octobre 2017
au Double Mixte à Villeurbanne, voici les supports de chacun des ateliers
spécialisés "Mener des parties de jeu de rôle" qui y ont été présentés.</p>
<p><a href="https://blog.xyrop.com/public/Gamemastering/2017_10_08_Maitrise_Strategique.pdf">Support
de la conférence interactive "Maîtrise Stratégique" - Octogones 2017</a> (pdf
en français)</p>
<p><a href="https://blog.xyrop.com/public/Gamemastering/2017_10_07_Devenir_MJ.pdf">Support de
l'atelier "Devenir Meneur de Jeu" - Octogones 2017</a> (pdf en français)</p>
<p>Toutes questions et remarques sont bien évidemment les bienvenues en
commentaires ou par courrier électronique.</p>https://blog.xyrop.com/post/2017/10/10/%5BOctogones-2017%5D-Supports-de-conf%C3%A9rence#comment-formhttps://blog.xyrop.com/feed/atom/comments/49[Stratégie de maîtrise] Strategic Gamemastering traduit sur PTGPTB !urn:md5:f153727383024bc90bc69ea9fb57dbdb2017-07-06T11:11:00+02:002020-05-10T17:11:03+02:00LudoxCreative agendagamemasteringGMGM ToolsJdRJeu de rôlemaîtrise stratégiquemaîtrisermener une partiemeneur de jeuMJPTGPTBStrategic gamemastering <p>L'équipe de Places To Go, People To Be a eu la bonté (et le courage) de traduire en français intelligible mon <a href="https://blog.xyrop.com/index.php/post/From-RPG-theory-to-Gamemastering-Strategy">premier billet de la série "Strategic Gamemastering"</a>. Qu'ils en soient loués et remerciés !</p>
<p>Voici le lien vers la traduction du billet :</p>
<p><strong>"<a href="http://ptgptb.fr/la-maitrise-de-jeu-strategique" hreflang="fr">La maîtrise de jeu stratégique</a>"</strong></p>
<p>Les billets suivants de la série "Strategic Gamemastering" sont accessibles via les liens ci-dessous :</p>
<ul>
<li><a href="https://blog.xyrop.com/index.php/post/2014/08/29/Strategic-Gamemastering-part-2" hreflang="en">Strategic Gamemastering, part 2: Data organization and exploitation through the THACO</a></li>
<li><a href="https://blog.xyrop.com/index.php/post/2015/09/02/Strategic-Gamemastering-part-3-Flags-THACO-PlotHooks" hreflang="en">Strategic Gamemastering, part 3: Flags, THACO, and plot hook writing practices</a></li>
</ul>https://blog.xyrop.com/post/%5BStrat%C3%A9gie-de-ma%C3%AEtrise%5D-Strategic-Gamemastering-traduit-sur-PTGPTB#comment-formhttps://blog.xyrop.com/feed/atom/comments/40[Tactique de maîtrise] Le placement du MJ à la table de jeuurn:md5:30781b15e865f10fc93d9f355cad1ccb2017-06-22T07:00:00+02:002020-05-10T17:15:08+02:00LudoxconseilsConventionInteractionsJeu de rôlemaîtrisermener une partiemeneur de jeuMJPratiquetactique de maîtrise<p>Lorsque la table où va se dérouler une partie de Jeu de rôle est rectangulaire ou elliptique, le meneur de jeu devrait-il se placer en bout de table, ou bien au milieu de la table ? Querelle des anciens et des modernes ? Junte menaçant de renverser le MJ et de le déposséder de son fauteuil de président ? C'est bien ce qu'il convient d'examiner.</p> <p>La plupart des MJ que j'ai pu rencontrer au cours de ma vie de rôliste se placent spontanément en bout de table, présidant la partie de jeu de rôle comme s'il s'agissait d'un conseil d'administration. Beaucoup de joueurs eux-mêmes se placent spontanément en réservant la "présidence" au meneur de jeu. Mais d'autres préconisent un placement sur le côté long de la table.</p>
<p>Quelles en sont les avantages et inconvénients ?</p>
<h3>En bout de table</h3>
<p>La traditionnelle position en bout de table a pour avantage de protéger un tant soit peu de la vue des joueurs les sacro-saintes "notes" (pour les anciens) ou désormais (pour les modernes) l'écran de l'ordinateur portable ou de la tablette.
De fait, les écrans de jeu (que d'aucuns, sans doute habitués à jouer en extérieur, désignent sous le terme "paravent") sont plutôt conçus pour les extrémités de table.
Autre avantage de la position en bout de table : les joueurs éloignés du MJ peuvent plus facilement organiser leurs apartés et dialogues sans gêner les joueurs les plus proches du MJ.</p>
<p>Le bout de la table présente les inconvénients suivants par rapport au milieu de table, à savoir :</p>
<ul>
<li>une distance inégale entre MJ et joueurs, faisant varier le volume sonore auquel des joueurs différents peuvent interagir avec le MJ. Pour être entendu clairement de tous, le MJ doit parler au joueur le plus éloigné ;</li>
<li>une distance importante entre le MJ et le joueur le plus éloigné physiquement, ce qui est un inconvénient important et auquel il est difficile de remédier quand le cadre de jeu est bruyant, et qui, même dans un cadre calme, rend compliquées les interactions "en murmures" ;</li>
<li>le fait que les joueurs les plus proches du MJ bénéficient naturellement d'un avantage pour se faire écouter, et peuvent bien malgré eux parasiter la vue ou l'ouïe des joueurs situés derrière eux - les joueurs du fond pouvant par exemple manquer des détails de la gestuelle du MJ lorsqu'il interprète un PNJ.</li>
</ul>
<h3>En milieu de table</h3>
<p>La comparaison des distances d'interaction entre MJ et joueurs pour les deux options, en prenant une table rectangulaire de dimensions 2x1 donne le résultat suivant :</p>
<p><a href="https://blog.xyrop.com/public/Gamemastering/Images/Tables2.png"><img src="https://blog.xyrop.com/public/Gamemastering/Images/Tables2.png" alt="" style="display:table; margin:0 auto;" /></a></p>
<p>Il est aisé de constater que le placement au milieu du côté long de la table a pour avantage à la fois de <ins>réduire</ins> et d'<ins>égaliser</ins> la distance d'interaction entre MJ et joueurs.</p>
<ul>
<li>Les joueurs étant répartis autour du meneur de jeu, ceux-ci bénéficient d'une distance d'interaction qui varie peu et est en outre inférieure à la distance maximale dans le cas d'un MJ en bout de table ;</li>
<li>Le MJ a globalement moins d'efforts à faire pour se faire entendre des joueurs les plus éloignés. Il peut s'adresser à ceux-ci et ceux-ci peuvent lui répondre avec un volume sonore inférieur à celui du "MJ de bout de table" : tous les participants économisent leur voix, tout en entendant mieux le MJ - ce qui est en outre un avantage déterminant si la partie se déroule dans un environnement bruyant (convention, club, etc.).</li>
</ul>
<p>Mais ce placement a en outre d'autres avantages :</p>
<ul>
<li>le MJ a plus de place en largeur pour disposer son matériel, et peut plus facilement accéder au centre de la table (pour modifier une carte, poser un accessoire, etc.) ;</li>
<li>les joueurs peuvent tous voir les gestuelles du MJ sans se gêner les uns les autres ;</li>
<li><a href="https://blog.xyrop.com/index.php/post/Illustration-musicale-en-JdR">Si le MJ illustre musicalement ses parties</a>, il peut plus facilement garder la source de musique près de lui (et ainsi la contrôler de manière plus pratique) tout en s'assurant que la plupart de ses joueurs en sont équidistants.</li>
</ul>
<p>Les inconvénients du placement sur le côté long de la table sont les suivants :</p>
<ul>
<li>La répartition des joueurs dans un angle plus large requiert que le MJ sache tourner sa tête et son corps pour ne pas exclure les joueurs aux extrémités de la table. Pour interagir spécifiquement avec un joueur à son côté, le MJ devra prendre garde à se reculer légèrement de la table afin de ne pas exclure les autres joueurs de son interaction ;</li>
<li>L'écran de jeu est moins efficace pour soustraire les notes aux regards du joueur situé juste à côté du MJ ;</li>
<li>les joueurs situés aux extrémités de la table sont relativement éloignés l'un de l'autre ce qui peut limiter en partie leurs interactions (mais pas plus que ne l'est le MJ en bout de table du joueur à l'autre extrémité).</li>
</ul>
<h2>Conclusion</h2>
<p>La position "en milieu de table" présente des avantages plus nombreux, notamment dans la facilitation des interactions orales, que ceux de la position "en bout de table", avec des inconvénients auxquels il est également facile de remédier.</p>
<p><em><strong>La position "en milieu de table" correspond donc, selon moi, à l'état de l'art actuel de la maîtrise de parties de Jeu de Rôle dans une situation nominale.</strong></em></p>
<p>La position "en bout de table" devrait donc demeurer réservée à des cas bien particuliers, une configuration où les deux critères suivants sont cumulativement réunis :</p>
<ul>
<li>il est absolument impératif que le MJ préside ;</li>
<li>l'environnement de la partie est parfaitement calme et silencieux.</li>
</ul>https://blog.xyrop.com/post/2017/06/19/Placement-MJ#comment-formhttps://blog.xyrop.com/feed/atom/comments/63[Aide de jeu] Créer un univers de jeu de rôle : prérequis et méthodesurn:md5:5ce63cbe02f433a7960d2605b39fc9362017-03-19T11:41:00+01:002020-05-10T17:16:44+02:00LudoxAide de jeuauteurconseilscréationJdRJeu de rôlemaîtrisermeneur de jeuunivers<p>Ce billet présente des considérations méthodologiques pour la création d'univers de jeux de rôle, qui auraient dû - mais n'ont hélas pas pu - être présentées en détail dans la table ronde sur la création d'univers lors du Festival Au-delà du Dragon qui s'est déroulé à Montpellier les 18 et 9 mars 2017.<br />
Elles sont fournies ici à titre de référence et de complément, pour tout créateur potentiel d'univers de jeu de rôle qui souhaiterait en prendre connaissance.</p> <p>La création d'univers implique une démarche intellectuelle qui ne requiert pas nécessairement la création d'un jeu. Ainsi Margaret Weis et Tracy Hickman ont conçu l'univers de Dragonlance sur la base de leurs propres scénarios de JdR - sans modifier les règles de D&D.<br /></p>
<p>En revanche, il n'est pas possible de nier l'interaction entre univers et règles de jeu. Les deux se nourrissent l'un l'autre pour une raison de connexité très simple : les règles se veulent une simulation d'une certaine réalité, et l'univers se veut la description plus ou moins littéraire cette même réalité.<br /></p>
<h2>Les prérequis</h2>
<h3>La fibre créative</h3>
<p>Le premier de ces pré-requis est tout simplement d'avoir la fibre créative, l'envie de créer un univers, de le concevoir. Le mérite, la qualité du résultat sont indifférents puisque l'acte créateur renferme sa propre récompense en lui-même.<br /></p>
<p>Le point délicat n'est pas dans le fait de se lancer dans la création d'univers, mais dans le fait de choisir de divulguer l'univers à autrui. Divulguer sa création, c'est se confronter à ceux qui vont s'emparer de cet univers, prendre le risque du jugement, de la critique, de la remarque trollesque, et au pire de l'indifférence. Les joueurs de son propre groupe sont la plupart du temps bienveillants, mais les tiers peuvent avoir des attentes différentes que le créateur d'univers peut n'avoir pas anticipées.<br /></p>
<h3>Le talent et/ou le recul</h3>
<p>Dans cette optique, le deuxième pré-requis à l'acte créateur d'univers devient à mon sens d'avoir suffisamment de talent pour éviter la critique ou à défaut suffisamment de recul et d'autodérision pour la supporter et en prendre son parti (et améliorer ce qui peut l'être).<br /></p>
<h3>La conscience des particularités du JdR</h3>
<p>Le troisième pré-requis est la conscience constante et aiguë que l'univers d'un jeu de rôles n'est pas l'univers d'un roman ou d'un film.<br /></p>
<p>C'est le cadre d'une fiction incomplète, qui ne sera complétée que quand meneur et joueurs se seront emparés du cadre de jeu. Indiquer, dans le background d'un jeu, que mille ans avant la période de jeu, les rois-dragons portaient une couronne de 3 pouces de haut n'a d'intérêt que si ce détail revêt un véritable enjeu narratif, déterminant pour l'évolution ou la survie des personnages du jeu. Si ce n'est pas le cas, ce détail n'a absolument aucun intérêt en pratique sinon satisfaire l'ego du créateur.<br /></p>
<p>Pour la même raison, un univers de jeu n'appartient pas à ses créateurs, mais à ceux qui en sont les récipiendaires : les lecteurs, les joueurs, les meneurs.<br /></p>
<h3>L'apport de l'univers</h3>
<p>Le quatrième pré-requis est : cet univers doit apporter quelque chose que les autres univers n'apportent pas. Un univers qui se limite à renommer les elfes et les nains et à changer des détails cosmétiques ("ah non, mon univers est totalement original et n'a rien à voir avec le monde de Greyhawk. Il n'y a pas d'elfes. En revanche, il y a les faës, êtres minces et agiles qui aiment la nature, ont des oreilles pointues, ont une affinité avec la magie, et vivent très longtemps.") n'a a priori que peu d'intérêt tant pour les joueurs que les MJ potentiels.
Cet écueil peut sembler surmonté si les intrigues que propose cet univers se révèlent plus intéressantes : mais on sort dans ce cas de la création d'univers pour discuter de la création de scénario / d'intrigue. En effet, ces intrigues palpitantes auraient très bien pu se dérouler dans l'univers originel (sous réserve des questions de droits d'auteur et des notions d’œuvres dérivées).<br /></p>
<p>À l'inverse, un univers dont les thématiques apparaissent inédites (sans qu'elles le soient nécessairement : bien prétentieux celui qui croit connaître tous les JdR existants, même les vieilleries perdues du fin fond des cales du <a href="https://blog.xyrop.com/post/legrog.org" hreflang="fr">GROG</a>. Ainsi, pour la sortie de <a href="http://www.legrog.org/jeux/hellywood" hreflang="fr">Hellywood</a>, ou de <a href="http://www.legrog.org/jeux/edge-of-midnight" hreflang="fr">the Edge of Midnight</a>, qui s'est souvenu de l'ancêtre <a href="http://www.legrog.org/jeux/bloodshadows" hreflang="fr">BloodShadows</a> ? Pas grand monde, et ça n'a pas beaucoup d'importance au final) pourra apparaître plus "intéressant".<br /></p>
<h2>Création d'un univers à plusieurs</h2>
<p>La difficulté principale de la création commune consiste en la nécessité de dépasser l'opposition des contraires sur la totalité des points de l'univers à créer. Si des créateurs ont une sensibilité divergente sur un aspect de l'univers qu'ils créent, comment résoudre cette divergence ? Soit l'un cède, soit ils trouvent une autre idée, soit - plus délicat - ils parviennent à faire passer leurs deux idées à la fois via une synergie.<br /></p>
<p>Les deux premières options ont pour la première l'avantage de la rapidité, pour la deuxième, l'avantage du compromis.<br /></p>
<p>Elles ont aussi des inconvénients. La première a pour inconvénient le risque de disparition d'une idée au final meilleure que celle retenue (car ce ne sont pas toujours les meilleures idées qui sont gardées dans une création commune, mais souvent celles que leur auteur a suffisamment de personnalité pour imposer) - au risque d'affadir l'univers de jeu, de le rendre moins original, moins riche.<br /></p>
<p>La deuxième a pour inconvénient la création d'un dénominateur commun, qui implique une tendance à l'uniformisation, puisque seules les parties d'idées partagées par les auteurs vont survivre au débat créatif.<br /></p>
<p>C'est la troisième option qui est évidemment la plus profitable au groupe de créateurs, mais la création d'une synergie requiert de rebondir sur les idées les uns des autres pour faire émerger de nouvelles choses - et donc d'accepter l'évolution de ses propres idées. L'ego est donc nécessaire pour avoir envie de créer, mais les créateurs en commun doivent être en mesure de dominer leur propre envie d'imposer leur vision de l'univers pour permettre à une création commune d'émerger de manière synergistique. Cet acte de synergie créatrice est relativement simple à organiser, à tel point que des gens en ont fait des jeux.<br /></p>
<p>Ainsi, <em>Panthéon</em> de Robin D. Laws, publié chez Hogshead Publishing, jeu de rôle narratif où les joueurs interprètent des dieux présidant à la construction d'un univers, ou encore le jeu (mais pas de rôle) au principe proche <em><a href="http://www.clanwebsite.org/games/rpg/Dawn_of_Worlds_game_1_0Final.pdf" hreflang="en">Dawn Of Worlds</a></em> (gratuit).<br /></p>
<p>Ce dernier jeu est particulièrement intéressant, dans la mesure où il s'agit de la transposition ludique de l'acte de création d'univers med-fan, destiné à un groupe de joueurs et leur meneur de jeu. Au cours d'une partie de <em>Dawn of Worlds</em>, les participants deviennent les démiurges de leur propre monde de jeu. Il s'agit donc d'une création commune d'univers mise sous la forme d'un jeu dont les règles encouragent la synergie.<br />
Chaque élément de l'histoire du monde est créé par un participant à tour de rôle, y compris la carte du jeu, au prix d'un certain nombre de points. Chaque participant influence la création d'un univers entier au cours de quelques heures de jeu.<br /></p>
<p>Une fois l'univers créé, il est connu de tous les participants, ce qui leur permet de créer des personnages, et de jouer dans cet univers.<br /></p>
<h2>Les méthodes de création d'un univers de jeu de rôles</h2>
<p>Plusieurs écoles s'affrontent, mais il n'y a pas de bonne ou mauvaise méthode, tant que l'objectif final n'est pas perdu de vue, à savoir "<em><strong>créer un univers délibérément incomplet propre à accueillir les aventures de personnages qui le feront évoluer</strong></em>".<br /></p>
<p>Beaucoup de trucs traînent sur internet, et la plupart fonctionnent d'une manière comparable en proposant un de faire un <strong>Inventaire</strong> : commencer par décider de l'ambiance voulue, puis des pays, de la géographie, puis des plantes, des animaux, etc. avec des variantes dans l'ordre. Ses avantages immédiats sont son efficacité et sa rapidité. Elle présente cependant tous les inconvénients d'une absence de profondeur initiale : pas de réflexion sur l'écosystème, réflexion superficielle sur les multiples évolutions politiques qui ont abouti aux civilisations en place - il faudra que ce soit fait a posteriori par l'auteur (s'il le fait !).<br /></p>
<p>Une autre manière d'aborder la création d'un univers de jeu est <strong>Chronologique</strong> : créer l'univers à partir de rien, commençant par la cosmogonie, en décidant sa géophysique, puis en faisant évoluer la géographie, la faune, la flore, les peuples, les civilisations et leurs croyances, etc. Avantage : le monde est très cohérent et riche. Inconvénient : il devient très long de créer l'univers, puisqu'il faut penser à la chronologie de toutes les civilisations, leurs influences, etc. C'est la méthode proposée par le jeu <em><a href="http://www.clanwebsite.org/games/rpg/Dawn_of_Worlds_game_1_0Final.pdf" hreflang="en">Dawn Of Worlds</a></em> précité, et elle fonctionne précisément parce qu'il y a plusieurs cerveaux en jeu qui permettent d'éviter le tarissement des idées.<br /></p>
<p>La méthode <strong>Antéchronologique</strong> est hybride des deux premières. Celle-ci consiste à créer l'univers de jeu dans son état actuel, façon inventaire, et ensuite de décider des événements et causes qui ont mené à ce monde, du plus récent au plus ancien. L'avantage est de donner une profondeur à un univers initialement construit de toutes pièces. L'inconvénient est une prise de risque de blocage à savoir, l'écueil de la situation irréconciliable, où il n'est pas possible logiquement de concevoir comment une situation s'est créée.<br /></p>
<p>La méthode <strong>Comparative</strong> consiste à créer l'univers à partir d'un autre univers comparable, en changeant un ou plusieurs détails, et en répercutant la totalité des ramifications et conséquences de ces détails changés sur l'univers de référence (ex : il y a deux soleils, les nazis ont gagné la guerre, etc). Avantage : la méthode permet d'explorer très efficacement les thématiques voulues par l'auteur. Inconvénient : encore faut-il que les menus changements aient un impact suffisamment significatif sur l'univers en train d'être créé pour être suffisamment distinct et original de l'univers de référence. Sinon, l'intérêt de la création devient discutable puisque ces différences sont au final essentiellement cosmétiques.<br /></p>
<p>La méthode <strong>Dynamique</strong> fonctionne de manière très différente : il n'y a pas d'autre univers de jeu que celui que les joueurs explorent, et que le meneur (et les joueurs) improvisent au fur et à mesure du déroulement de la partie de JdR. Le meneur de jeu et/ou les joueurs fixent ensuite sur le papier les éléments de l'univers de jeu qu'ils ont défini progressivement. Son avantage est sa simplicité et sa faible préparation. Ses inconvénients sont qu'elle est forcément très dépendante de la fréquence des parties de JdR, et de l'inspiration soudaine du meneur et des joueurs.<br /></p>https://blog.xyrop.com/post/%5BAide-de-jeu%5D-Cr%C3%A9er-un-univers-de-jeu-de-r%C3%B4le-%3A-pr%C3%A9requis-et-m%C3%A9thodes#comment-formhttps://blog.xyrop.com/feed/atom/comments/43[Tactique de maîtrise] Le paradoxe des Points de Vieurn:md5:08368ed52354841b84d05f6044d328e92017-02-13T11:45:00+01:002020-05-10T17:18:09+02:00LudoxconseilsJdRJeu de rôlemaîtrisermener une partiemeneur de jeuMJpoints de viePVtactique de maîtrise<p>Ce billet est présente une réflexion sur la notion de points de vie (et de niveaux de vie) d'un personnage, et sur l'exploitation de ceux-ci dans les jeux de rôle.<br />
Il se clôt par la présentation d'une manière différente d'appréhender la gestion des chances de survie des personnages dans le cadre d'une partie de jeu de rôle.</p> <h2>Les mécaniques de points de vie</h2>
<p>D'après Gary Gygax, père du loisir qu'est le jeu de rôle, les points de vie (PV) représentent dans leur partie moindre la résistance physique innée du personnage et pour l'essentiel représentent sa "bonne étoile", sa faculté d'encaisser les coups accrue à raison de son aguerrissement, ou encore sa chance d'éviter que chacun de ses combats ne se révèle le dernier.<br />
Il explique l'accumulation progressive des PV avec l'augmentation du niveau de personnage comme la chance ou la grâce divine, ainsi que la capacité accrue du personnage expérimenté à détourner le coup potentiellement fatal qui aurait achevé un personnage de niveau moindre.<br />
Ce n'est alors que quand l'attrition des PV d'un personnage est trop importante, que sa chance tourne court, qu'il risque réellement de mourir.<br /></p>
<p>Reste que cette interprétation de l'accroissement des points de vie soulève un certain nombre de questions critiques :<br /></p>
<ul>
<li>dans ce type de jeu, à moins de mettre en place une mécanique supplémentaire (ex. <a href="http://www.legrog.org/jeux/conspirations/over-the-edge-2eme-ed-en" hreflang="fr">Over the Edge</a>), un personnage auquel il ne reste plus qu'1 point de vie est aussi frais en termes de capacité d'action qu'un personnage indemne ;</li>
<li>pourquoi, si les PV sont une manière de définir avant tout la chance, la grâce divine ou la capacité à éviter les coups, est-ce que leur total (sans compter leur récupération) est si fortement calqué, dans nombre de jeux, sur la seule constitution physique du personnage ?</li>
<li>comment articuler la capacité à dévier un coup fatal avec les armures ?</li>
<li>si les PV représentent essentiellement la grâce divine, un personnage pieux ne devrait-il pas disposer de plus de points de vie qu'un personnage impie ?</li>
<li>si les PV représentent essentiellement "la chance de s'en sortir", un personnage débrouillard ne devrait-il pas avoir plus de points de vie qu'un personnage moins dégourdi ?</li>
<li>si les PV représentent essentiellement l'intelligence du combat et l'agilité accrue permettant de transformer des coups mortels en égratignures, un personnage plus intelligent et plus agile ne devrait-il pas avoir plus de points de vie qu'un personnage bête et lourdaud ?</li>
</ul>
<p>Pour résoudre ces difficultés apparentes, des solutions mécaniques ont été développées, pour augmenter de manière générale la dangerosité de chaque combat dans l'espoir de redonner un enjeu narratif aux conflits armés contre le premier kobold / quidam venu, tout en préservant l'esprit du jeu (et donc le fait que les personnages risquent leur vie à chaque combat ou non selon l'ambiance voulue).<br /></p>
<p>Dans les jeux où la mort est omniprésente et où l'héroïsme implique souvent un risque extrême :<br /></p>
<ul>
<li>mettre un total de PV faible et qui n'évolue que peu (ex. <a href="http://www.legrog.org/jeux/appel-de-cthulhu/appel-de-cthulhu-6eme-ed-fr" hreflang="fr">l'Appel de Cthulhu</a>) ;</li>
<li>permettre qu'un personnage puisse mourir d'une blessure grave alors qu'il lui reste des PV (ex. <a href="http://www.legrog.org/jeux/aces-eights" hreflang="fr">Aces & Eights : Shattered Frontier</a>, <a href="http://www.legrog.org/jeux/hackmaster/5th-edition/hackmaster-basic-en" hreflang="fr">Hackmaster 5th edition</a>) ;</li>
<li>prévoir que les armes causent des pertes de PV extrêmement importantes par rapport au total de PV des personnages (ex. <a href="http://www.legrog.org/jeux/paranoia" hreflang="fr">Paranoïa</a>) ;</li>
<li>considérer que l'aléa important des dégâts d'armes s'explique par le fait que les dégâts infligés peuvent correspondre aux blessures que le personnage attaqué s'est lui-même infligées en évitant ou bloquant tant bien que mal le coup (ex. <a href="http://www.legrog.org/jeux/conspirations/over-the-edge-2eme-ed-en" hreflang="fr">Over the Edge</a>) ;</li>
<li>remplacer les PV par des niveaux de vie avec des effets particuliers limitant les capacités du personnage lorsque ses blessures sont trop importantes (ex. <a href="http://www.legrog.org/jeux/vampire-la-mascarade" hreflang="fr">Vampire</a>).</li>
</ul>
<p>Dans les jeux qui requièrent que les personnages aient une chance de survie afin d'inciter les joueurs à "faire agir leur personnage de manière héroïque", mais ne risquer qu'en apparence la vie de leur personnage puisque ces joueurs disposent de mécaniques de jeu propres à leur permettre d'éviter la mort de leur personnage :<br /></p>
<ul>
<li>distinguer l'encaissement des blessures proprement dites de la capacité de les éviter avec deux jauges distinctes (ex. <a href="http://www.legrog.org/jeux/star-wars-d20" hreflang="fr">Star Wars d20</a>, <a href="http://www.legrog.org/jeux/spycraft" hreflang="fr">SpyCraft</a>, <a href="http://www.legrog.org/jeux/fantasy-craft" hreflang="fr">FantasyCraft</a>) ;</li>
<li>remplacer les PV par une accumulation de désavantages ou "stress" au lieu d'une attrition (ex. <a href="http://www.legrog.org/systemes/cortex-plus" hreflang="fr">Cortex Plus</a>) ;</li>
<li>ajouter des moyens pratiques de regagner des points de vie, via les sorts / potions de soin / trousses médicales / cuves bacta / trop grande bonté du meneur, via le "second souffle" (ex. <a href="http://www.legrog.org/jeux/d-d4-dungeons-and-dragons-quatrieme-edition" hreflang="fr">D&D 4e édition</a>) ;</li>
<li>contrebalancer la relative vulnérabilité des personnages par des points d'intrigue (ex. <a href="http://www.legrog.org/jeux/buffy-the-vampire-slayer" hreflang="fr">Buffy Unisystem</a>, <a href="http://www.legrog.org/systemes/cortex-plus" hreflang="fr">Cortex Plus</a>), de destin (ex. <a href="http://www.legrog.org/jeux/warhammer/warhammer-2eme-edition/warhammer-2eme-ed-2eme-imp-fr-51337" hreflang="fr">Warhammer</a>), d'héroïsme (ex. certaines options de jeu dans <a href="http://www.legrog.org/jeux/pathfinder" hreflang="fr">Pathfinder</a>) qui permettent au personnage de "tromper la mort".</li>
</ul>
<p>En pratique, tous ces mécanismes sont d'autres manières de calculer ou d'exprimer l'attrition progressive des chances de survie du personnage, jusqu'à ce qu'il meure, parce qu'il :<br /></p>
<ul>
<li>a trop de blessures ;</li>
<li>est trop désavantagé ;</li>
<li>n'a plus de niveaux de vie disponibles ;</li>
<li>a bu toutes les potions de soins / utilisé tous ses sorts de guérison / vidé la trousse de secours militaire / a abusé de la bonté du meneur ;</li>
<li>a déjà dépensé tous ses points d'intrigue / de destin / d'héroïsme.</li>
</ul>
<p>En pratique, plus ça change, plus ça reste pareil.<br /></p>
<h2>Conséquences des mécanismes usuels</h2>
<p>Conséquence fréquente des mécanismes les plus répandus de gestion des points de vie : au début de la partie, les joueurs jouent leurs personnages comme des héros inconscients, qui se suspendant aux chandeliers, qui sautant de toit en toit, qui se jetant sur le côté en vidant les chargeurs de ses Colts 45. Pourquoi ne le feraient-ils pas, d'ailleurs ? En pratique, ils se savent invulnérables... du moins jusqu'à ce que leurs points de vie leur fassent défaut...<br /></p>
<p>Effet pervers : c'est précisément au moment du combat final contre le grand méchant, alors que les personnages ont toutes les raisons de vouloir se dépasser, que l'attrition de leurs PV est probablement la plus importante.<br />
Résultat : les joueurs réfléchissent à deux fois avant de sauter sur la tête de Vermithrax le dragon rouge, parce que : "<em>- Bon, c'est haut quand même, et puis il ne me reste que 8 points de vie, et j'ai très peu dans la compétence Acrobaties.</em>"<br /></p>
<p>Si le joueur continue de jouer son personnage comme un héros, continuant de prendre des risques considérables "sans filet" alors que l'attrition de ses chances de survie est presque complète, il est rare que les mécanismes du jeu le récompensent pour cette prise de risque : habituellement, c'est le meneur de jeu qui va lui donner un petit coup de pouce, pour l'encourager, pour pallier cette lacune.<br /></p>
<p>Même en dehors de toute situation extrême, la simple rixe avinée dans une ruelle sordide devient alors "une question de vie ou de mort" pour le personnage, l'importance narrative de ladite situation se trouvant en total décalage par rapport à l'importance narrative du personnage lui-même tel que représenté par son total maximum théorique de PV.<br /></p>
<p>Cette situation fait évidemment fortement réfléchir sur la notion même de jauges de santé / niveaux de vie / points de vie. Si le meneur de jeu est régulièrement contraint d'intervenir pour rééquilibrer les points de vie par rapport à la narration, est-ce que la conception usuelle des points de vie sert vraiment l'histoire interactive en train d'être créée ? Est-ce que les mécanismes des points de vie servent réellement l'intérêt de la partie ?<br /></p>
<h2>Une autre conception des points de vie</h2>
<p>D'autres concepteurs de jeu ont mené leur propre réflexion sur la nature des points de vie, pour leur affecter une fonction de régulation de la narration. Pour citer deux exemples, les points de vie ont été interprétés comme une faculté d'agir :<br /></p>
<ul>
<li>dans <em><strong><a href="http://www.legrog.org/jeux/heroquest/heroquest-2eme-ed-en" hreflang="fr">Hero Quest</a></strong></em>, où plus les personnages ont de PV, et plus ils peuvent accomplir de choses à leur tour de jeu ;</li>
</ul>
<ul>
<li>dans <em><strong><a href="http://www.legrog.org/jeux/extreme-vengeance/extreme-vengeance-en" hreflang="fr">Extreme Vengeance</a></strong></em> ou plus récemment <em><a href="http://zapti.free.fr/pirates/" hreflang="fr">Pirates !</a></em>, où un personnage ayant reçu trop de blessures ne peut plus agir jusqu'à la scène suivante.<br /></li>
</ul>
<p>Ces conceptions rapprochent donc les points de vie d'une "faculté d'action narrative", puisque le personnage est le véhicule par lequel le joueur va agir sur l'histoire et altérer son déroulement.<br /></p>
<h2>Ce que sont réellement les PV</h2>
<p>L'existence de conceptions aussi disparates des PV et de mécanismes aussi différents ne peuvent que conduire à s'interroger sur la véritable fonction des PV : <strong> en vrai, les PV, à quoi ça sert ?</strong><br /></p>
<p>Il ne faut pas être grand clerc pour s'apercevoir que les PV servent d'abord à satisfaire <strong>le joueur</strong> : il faut qu'il ait le temps de s'amuser avec son personnage, d'avoir une influence sur le déroulement de la partie via celui-ci.<br /></p>
<p>La mécanique des PV évite que le personnage ne meure de l'infection d'une griffure de chat, d'un panaris mal soigné, ou d'un coup de poing d'Eudes sur le nez. Sans cela, le joueur pourrait concevoir déception ou frustration en perdant son personnage dans une situation qui ne serait pas à la hauteur de l'importance narrative de ce personnage telle que perçue par les participants de la partie.<br /></p>
<p>Les mécanismes de PV permettent ainsi au personnage d'être à la hauteur des enjeux narratifs des scènes les plus importantes, et d'avoir une chance de s'en tirer.<br /></p>
<p>C'est à cette préoccupation d'éviter au joueur soit que son personnage n'ait pas d'importance narrative, soit qu'il n'ait pas le temps de donner cette importance à son personnage afin de lui permettre de répondre aux enjeux de l'intrigue, que répondent les inventions des "points d'héroïsme" et des PV comme "faculté d'agir dans une scène".<br /></p>
<p>Partant de ces conceptions, les PV aboutissent à un triple paradoxe :<br /></p>
<ul>
<li>quand les règles du jeu proposent peu de PV, ni la forte implication du personnage dans l'intrigue, ni l'investissement du joueur dans la partie ou l'interprétation de son personnage n'ont d'impact positif sur la survie de ce personnage ;</li>
</ul>
<ul>
<li>quand les règles du jeu proposent beaucoup de PV, ni l'absence d'implication du personnage dans l'intrigue, ni le faible investissement du joueur dans la partie n'ont d'impact négatif sur la survie de ce personnage ;</li>
</ul>
<ul>
<li>quand les règles du jeu font des PV une capacité d'action, le personnage ne peut plus mourir quelle que soit la situation - privant le joueur de la sensation du danger de perdre son personnage dans une situation dont les enjeux narratifs sont à sa hauteur.<br /></li>
</ul>
<p>Ce triple paradoxe survient à raison de la décorrélation entre, d'une part, l'implication dans l'intrigue du personnage, l'importance narrative des enjeux auxquels il est confronté, et d'autre part ses chances de survie à des situations dangereuses.<br /></p>
<p>Il suffit de le constater pour que la solution à ce triple paradoxe apparaisse d'elle-même :<br />
<strong>Recréer, dans les mécaniques des règles elles-mêmes, la corrélation entre l'importance du personnage pour l'intrigue et ses chances de survie.</strong><br /></p>
<h2>Créer la corrélation entre implication narrative et survie</h2>
<p>Il y a probablement autant de manières de le faire que d'auteurs de jeu de rôle et de meneurs de jeu.<br /></p>
<p>Le cœur de la question est cependant très simple : si tout l'enjeu des points de vie est de simuler le seuil d'importance narrative du personnage, pourquoi ne pas directement considérer cette notion comme telle ? Oublier les points de vie, et clairement noter sur la fiche du personnage une jauge destinée à mesurer son seuil d'importance narrative ?<br /></p>
<p>Reste à déterminer la valeur d'une telle jauge.<br /></p>
<p>Une manière simple de le faire est de se poser les questions suivantes : est-ce que les arcs narratifs dans lesquels ce personnage intervient sont intéressants, voire captivants pour les participants de la partie ? Est-ce que ce serait dommage que la mort de ce personnage empêche de dénouer l'écheveau de certaines intrigues en cours ?<br /></p>
<p>Si la réponse est oui, alors ce personnage ne devrait pas pouvoir mourir.<br /></p>
<p>Si la réponse est non, alors ce personnage devrait au contraire être en danger de mort.<br /></p>
<p>Ainsi, il est possible de concevoir une règle mécanique permettant de répondre à ces questions : en effet, les seuls spectateurs en mesure de juger de l'importance narrative, de la richesse des intrigues, sont les participants à la partie, c'est-à-dire les autres joueurs et le meneur de jeu.<br /></p>
<p>Afin d'encourager les joueurs à s'emparer de l'intrigue via leurs personnages, pourquoi ne pas les faire tous voter, à la fin de chaque partie, sur les personnages les plus impliqués dans la narration et/ou dont les arcs narratifs leur semblent les plus intéressants ?<br /></p>
<p>Le résultat de ce vote permettrait de déterminer un seuil d'importance scénaristique pour chaque personnage, qui bénéficierait alors d'une "<em>immunité scénaristique à la mort</em>" pour toutes les scènes ou situations dont le péril serait en deçà de ce seuil d'importance scénaristique, et risquerait de mourir dans les scènes dont le péril serait au-delà de ce seuil.<br /></p>
<p>Le personnage le plus intéressant du groupe pourrait tout simplement être immune à la mort pour la prochaine partie.<br /></p>
<p>Pour éviter la confiscation de cette immunité scénaristique par un joueur, et diminuer la compétition entre joueurs, des mécanismes supplémentaires pourraient être envisageables, comme par exemple le fait qu'aucun personnage-joueur ne puisse bénéficier deux fois de suite du même seuil d'importance scénaristique, ou bien que chaque arc d'intrigue partagé entre plusieurs joueurs leur accorde un seuil d'importance scénaristique plus élevé.<br /></p>
<p>D'autres mécaniques sont certainement possibles, par exemple le fait que les points de la jauge "seuil d'importance scénaristique" puissent être dépensés pour altérer l'intrigue ou sauver le personnage, ou encore acquis via des prises de risques réussies.<br /></p>https://blog.xyrop.com/post/paradoxe-PV#comment-formhttps://blog.xyrop.com/feed/atom/comments/64[Tactique de maîtrise] Les trois états du joueururn:md5:c68bd35dc167ad5e192c7fc819fba1252016-12-29T15:33:00+01:002020-05-10T17:21:34+02:00LudoxAide de jeuconseilsGamemasteringJdRJeu de rôlemaîtrisermener une partiemeneur de jeuMJTactical gamemasteringtactique de maîtrise<p>Actif, Réactif, ou Inactif. A chaque instant dans une partie de jeu de rôle, un joueur donné se trouve dans l'un de ces trois états de réceptivité au déroulement de la partie. Le présent billet a pour but de vous éclairer quant à ces états, leurs conséquences sur la manière de maîtriser une partie de jeu de rôle, et les techniques qui permettent de maintenir le plus longtemps possible les joueurs dans un état de réceptivité accru.</p> <p>L'interprétation de leur personnage-joueur et la mise en œuvre des règles sont les principaux vecteurs via lesquels les joueurs vont influer sur le déroulement de l'intrigue d'une partie de jeu de rôle.<br /></p>
<p>Les notions d'Actif, Réactif ou Inactif représentent l'état psychologique du joueur (la personne physique, et non le personnage) par rapport aux événements qui sont en train de se produire dans l'espace partagé imaginaire de la partie. Ces états s'articulent précisément avec l'influence créative que le joueur, via ses propres descriptions ou bien via les règles, est ou non en train d'exercer sur le déroulement de la partie.<br /></p>
<p><a href="https://blog.xyrop.com/public/Gamemastering/Images/3States/3States1.png"><img src="https://blog.xyrop.com/public/Gamemastering/Images/3States/.3States1_m.png" alt="" style="display:table; margin:0 auto;" title="Représentation des trois états (et du meneur" />)</a></p>
<h3>Actif</h3>
<p>Un joueur est dans un état <ins>actif</ins> lorsque la narration est focalisée sur son personnage. Le joueur actif est en train de parler, décrire ou interpréter son personnage ou ses actions, lancer les dés, calculer des dégâts, ou encore écouter une description faite par le meneur des conséquences de ses propres décisions.<br />
L'état Actif correspond donc peu ou prou à l'exercice effectif de son temps de parole par un joueur.<br />
Comme le jeu de rôle est pour l'essentiel un jeu de dialogue, où les participants ne parlent et n'agissent pas simultanément (en tant que joueurs), un seul et unique joueur à la fois peut se trouver "sous le feu des projecteurs".<br />
Par ricochet, cela signifie que si l'un des joueurs est actif, aucun des autres joueurs ne l'est simultanément : tous les autres joueurs sont donc soit réactifs, soit inactifs.<br />
Citation typique : "<em>Messieurs, par pudeur, reculez devant un tel outrage : Tybalt ! Mercutio ! Le prince a expressément interdit les rixes dans les rues de Vérone.</em>"<br /></p>
<h3>Réactif</h3>
<p>Un joueur est dans un état <ins>réactif</ins> lorsqu'il se tient prêt à intervenir dans la narration. Le joueur est très attentif à ce qui est en train de se passer dans la partie, et se trouve en "écoute active". Il se prépare à décrire les actions ou interpréter les paroles de son personnage en réaction à la situation, à interrompre une description faite par le meneur ou un autre joueur. Dans des jeux à "tour d'initiative", c'est bientôt à lui. Il n'est pas "sous le feu des projecteurs", mais peut ou va le devenir à tout moment.<br />
Pour autant, le joueur réactif est tout aussi investi dans la partie que le joueur actif : il doit rester concentré pour intervenir à bon escient, anticiper les paroles, faits et gestes des autres personnages-joueurs pour gérer les risques et maîtriser les conséquences.<br />
Citation typique : (interrompant le dialogue entre meneur et le joueur actif) "<em>J'ÉCLATE TYBALT D'UN COUP D'ARBALÈTE +3 !</em>"<br /></p>
<h3>Inactif</h3>
<p>Un joueur est dans un état <ins>inactif</ins> lorsqu'il n'est pas attentif au déroulement de la partie. Il a "décroché" et ne s'intéresse pas à ce qui est en train de se produire dans l'espace partagé imaginaire. Il ne se prépare pas à intervenir via son personnage ou les règles.<br /> Souvent, il est en train de lire les règles, une BD, ses e-mails, jouer sur son smartphone, ou s'assoupir. Il n'est pas "dans la partie", et il y a de bonnes chances que ce qui est en train de produire dans la partie l'ennuie, puisqu'il ne se sent manifestement pas concerné par ce qui est en train de se dérouler pour les autres joueurs.<br />
Lorsque c'est son tour de devenir actif, il est le plus souvent contraint de prendre quelques secondes (voire plus) pour se faire réexpliquer le contexte et pouvoir à nouveau "rentrer" dans la narration.<br />
C'est également ici que l'on comprend le vrai problème du téléphone mobile - lorsqu'un joueur répond à un message ou à un appel sur son téléphone mobile, il bascule instantanément vers l'état inactif, avec toutes les conséquences immédiatement délétères pour son immersion dans la partie.<br />
Citation typique : "<em>Attends, j'comprends pas, on est où, là ? C'est qui, le mec que tu veux éclater, déjà ?</em>"<br /></p>
<h2>Les délais de bascule</h2>
<p>Au cours de la partie, chaque joueur passe successivement de l'un de ces états à un autre, à tour de rôle.<br /></p>
<p>Cette bascule de chaque état vers le suivant est naturelle. Après que le meneur de jeu soit passé au joueur suivant, le joueur jusqu'ici actif va basculer vers l'état réactif car ce n'est plus à lui d'être sous les feux de la rampe.<br /></p>
<p>Le délai avant cette bascule de l'état actif à l'état réactif est d'environ 2 à 3 secondes, le temps que le joueur prenne la mesure de l'action qu'il vient d'entreprendre et s'aperçoive qu'il n'est plus "le héros de l'histoire" pour le moment.<br /></p>
<p>Devenu réactif, le joueur va rester concentré sur la situation pendant une poignée de secondes, focalisé sur l'influence de ses derniers faits et gestes sur la situation des autres joueurs et le déroulement de l'intrigue, prêt à rebondir sur ses propres actes et paroles et y apporter des précisions si nécessaire.<br />
En moyenne, le temps de concentration d'un joueur réactif est de 30 secondes. Certains joueurs sont plus attentifs, d'autres moins : cette durée variera selon les personnes et selon les situations en jeu (notamment si les "unités" sont maintenues : voir ci-après la section sur la règle des trois unités).<br /></p>
<p>À l'issue de cette période de réactivité, le joueur va basculer vers l'état inactif, pour une durée indéterminée, jusqu'à ce que ce soit de nouveau son tour de devenir actif.<br /></p>
<p>Schématiquement, le cycle de parole et de changement d'état fonctionne comme suit :<br /></p>
<p><a href="https://blog.xyrop.com/public/Gamemastering/Images/3States/3States_ingame.png"><img src="https://blog.xyrop.com/public/Gamemastering/Images/3States/.3States_ingame_m.png" alt="" style="display:table; margin:0 auto;" title="Les trois états dans une partie de jeu de rôle" /></a></p>
<h2>Les enjeux des trois états</h2>
<p>Tout l'intérêt de connaître et de comprendre ces trois états est d'optimiser le plaisir et le niveau de divertissement des joueurs.<br />
En effet, le temps d'une partie de jeu de rôle étant par nature limité, le temps de parole de chaque joueur est limité également. Plus il y a de joueurs, et plus ce temps de parole devra être divisé entre les participants. Si les joueurs se divisent en plusieurs groupes, le meneur de jeu devra également diviser ses descriptions en fonction de chaque groupe, aboutissant à diminuer encore le temps de parole effectif des joueurs.<br /></p>
<p>Forcément, chaque joueur a donc un intérêt à parler et agir le plus souvent possible, et que ces périodes soient les plus longues possibles. Ainsi, alors que le jeu de rôle est en temps normal coopératif entre les personnages-joueurs, les joueurs eux-mêmes sont en compétition les uns avec les autres, sinon pour interpréter le héros de la partie, du moins pour se sentir valorisés dans leurs paroles, décisions et actions.<br />
Les joueurs veulent se sentir actifs, apprécient de rester réactifs, et tolèrent mal de demeurer inactifs.<br /></p>
<p>L'objectif du meneur de jeu, selon toute vraisemblance, consistant à se divertir tout en divertissant tous les joueurs, le moyen de l'accomplir implique nécessairement de maintenir le plus longtemps possible chaque joueur dans un état d'investissement accru dans la partie, à savoir un état actif ou à défaut réactif.<br /></p>
<p>Or, comme un seul joueur peut se trouver actif à chaque instant de la partie, le meneur de jeu doit trouver un expédient pratique pour que tous les autres joueurs restent dans un état réactif et ne basculent jamais à l'état inactif.<br /></p>
<p>Les deux voies sont <ins>l'accélération du tour de jeu</ins>, et <ins>la règle des trois unités</ins>.</p>
<h2>Accélération du tour de jeu</h2>
<p>La première voie est la plus naturelle et la plus évidente à mettre en œuvre.<br /></p>
<p>Elle consiste à passer très vite d'un joueur à l'autre afin de les faire intervenir le plus souvent possible, de manière à revenir à chaque joueur en 33 secondes (cette durée est celle constatée par l'auteur comme constituant la durée moyenne de concentration d'un joueur non actif - cette durée varie selon les personnalités et facultés des individus, leur forme, leur état de santé ou de fatigue, etc.).<br /></p>
<p>Or, un échange entre un joueur et un meneur de jeu requiert environ 10 à 15 secondes, si ce n'est plus avec certains joueurs indécis. À 4 joueurs et un meneur, ce dernier devra impérativement s'assurer que chaque interaction avec un joueur dure au maximum 11 secondes, chronomètre en main. A 5 joueurs et un meneur, les interactions ne doivent pas dépasser 8 secondes !<br /></p>
<p>Par conséquent, cette tactique est souvent moins efficace dès que les joueurs sont 4. À 5 joueurs et plus, elle devient impraticable.<br /></p>
<p>Même à trois joueurs, cette tactique implique une discipline extrêmement rigoureuse pour le meneur de jeu, tandis que les joueurs doivent être en mesure de penser, réagir, décider, et énoncer leur action de manière très rapide. Les meneurs de jeu imposant un tel rythme aboutissent à des parties extrêmement intenses mais également éprouvantes en termes d'énergie pour eux-mêmes comme pour les joueurs.<br /></p>
<p>Il est donc difficile pour ne pas dire déraisonnable de maintenir une telle vitesse de tours de jeu sur toute la durée d'une partie.<br />
Généralement, le meneur tacticien préférera imposer ces accélérations lorsque les événements de l'espace partagé imaginaire ne permettent pas aux personnages de mener de longues réflexions.<br /></p>
<p>Afin d'économiser leurs forces et d'accélérer les tours de jeu, les meneurs utilisent en général quelques astuces :<br /></p>
<h3>Initiative changeante</h3>
<p>Uniquement applicable dans les jeux "à initiative", cette technique consiste, au prix d'une petite perte de temps commune au début de chaque tour de jeu, à faire relancer l'initiative à la totalité des personnages.<br /></p>
<p>Ceci mitige les bons comme les mauvais jets d'initiative, et rend les successions d'actions plus dynamiques que le jeu de l'oie où chacun sait précisément quand il va agir.<br /></p>
<p>L'inconvénient de cette astuce est qu'elle contraint le meneur à se remémorer un ordre de jeu différent à chaque tour de jeu - ce qui peut être déstabilisant et constitue encore une perte d'énergie.<br /></p>
<h3>Compte à rebours</h3>
<p>La deuxième astuce qui se prête très bien aux scènes d'action consiste à donner un temps extrêmement limité au joueur pour faire parler ou agir son personnage.<br /></p>
<p>Quand le tour vient de passer au joueur, le meneur de jeu lui explique la situation en quelques secondes, et compte à rebours en montrant sa main au joueur et en repliant ses doigts. Si le joueur n'est pas parvenu à faire parler ni agir son personnage de manière cohérente avant que le dernier doigt ne soit replié, le personnage aura perdu son tour, paralysé par l'indécision.<br />
Le meneur passe alors immédiatement au joueur suivant.<br /></p>
<p>Certains joueurs pourraient protester contre le fait qu'ils se sont mis à parler au moment où le meneur repliait son dernier doigt et passait au joueur suivant.
C'est l'occasion pour le meneur d'augmenter encore la pression, en prenant en compte cette action, mais en précisant la chose suivante : "<em>J'accepte exceptionnellement que tu agisses sur le fil, mais ce n'est pas juste pour les autres qui n'auront plus cette chance du reste de la partie. C'est donc la première et dernière fois que j'accepte une telle action.</em>"<br /></p>
<p>L'inconvénient majeur du compte à rebours est qu'il ne se prête que peu à des scènes de dialogue ou d'enquête - il est conçu pour des scènes dans lesquelles se produisent une succession rapide d'événements et actions.<br /></p>
<h3>Conséquences différées</h3>
<p>Une troisième astuce, qui se prête aussi bien aux scènes d'action qu'aux scènes un peu plus calmes, consiste pour le meneur à différer sa description des conséquences des paroles et gestes des personnages des joueurs jusqu'au tour suivant de chaque joueur.<br />
Certes, les dés ont été lancés, le résultat chiffré de l'action est connu par le meneur et par le joueur, mais la narration s'est arrêtée avant.<br />
A chaque fois qu'il revient vers un joueur, c'est seulement à ce moment-là que le meneur précise les conséquences de l'action précédente du joueur.<br /></p>
<p>Cette technique a deux avantages non négligeables :<br /></p>
<ol>
<li>Elle rallonge légèrement la durée de l'état actif du joueur et aide à le maintenir réactif. Ne connaissant pas immédiatement les conséquences des actes de son personnage, le joueur est laissé dans un état de "<em>cliffhanger</em>" à chaque tour de jeu et est contraint de se projeter dans son action suivante selon les conséquences qu'il anticipe en parallèle de la gestion des joueurs suivants par le meneur de jeu. Conséquence supplémentaire : le joueur jouera probablement plus rapidement au prochain tour.<br /></li>
<li>Elle laisse au meneur un peu plus de temps pour réfléchir aux conséquences des actions de chaque personnage avant de revenir vers son joueur.<br /></li>
</ol>
<p>Inconvénients de cette astuce :</p>
<ol>
<li>Celle-ci contraint le meneur à un effort de mémoire pour se souvenir précisément des actes de chaque personnage à chaque tour ;<br /></li>
<li>En outre, les joueurs très concentrés sur l'issue de leur action précédente et occupés à anticiper leurs prochaines actions peuvent parfois négliger d'écouter ce qui se passe autour de la table et commettre des erreurs.<br /></li>
</ol>
<p>L'axe d'accélération des tours de jeu, qui est la solution la plus logique pour maintenir les joueurs dans les états Actif et Réactif est donc une voie efficace mais :</p>
<ol>
<li>Coûteuse en énergie et en concentration pour le meneur de jeu, et éprouvante pour chaque joueur qui est soumis à une forte tension lorsqu'il devient actif ;<br /></li>
<li>Très difficilement applicable dès que les joueurs sont plus de trois, sauf à ce que le meneur et les joueurs soient en mesure de s'astreindre sur la durée à la discipline que requiert cet axe.<br /></li>
</ol>
<p>Schématiquement, le meneur force tous les joueurs à rester dans la zone "réactive" (en vert) du cycle de parole par l'accélération des échanges, au prix d'une dépense très importante d'énergie. Ainsi, avec 4 joueurs :<br /></p>
<p><a href="https://blog.xyrop.com/public/Gamemastering/Images/3States/3States_stressed.png"><img src="https://blog.xyrop.com/public/Gamemastering/Images/3States/.3States_stressed_m.png" alt="" style="display:table; margin:0 auto;" title="Les trois états et la contrainte de temps" /></a></p>
<p>Il existe une autre voie, complémentaire de l'accélération des tours de jeu, moins coûteuse en termes d'effort pour le meneur de jeu, qui est basée sur une forme de mutualisation des narrations individuelles.<br /></p>
<p>Cette voie utilise une règle bien connue des gens de théâtre : <ins>la règle des trois unités</ins>.<br /></p>
<h2>La règle des trois unités</h2>
<p>En théâtre classique, <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A8gles_du_th%C3%A9%C3%A2tre_classique" hreflang="fr">la règle des trois unités</a> permet de ramasser l'intrigue, de rendre la narration dense et efficace pour que le spectateur demeure intéressé par la pièce.<br /></p>
<p>Pour rappel, les trois unités sont les suivantes :<br /></p>
<ol>
<li>unité de temps</li>
<li>unité de lieu</li>
<li>unité d'action</li>
</ol>
<p>Transposée au jeu de rôle, la règle des trois unités accomplit précisément les mêmes objectifs qu'elle réalise en théâtre, de capter et de maintenir l'attention du joueur-spectateur, avec cependant un assouplissement.<br /></p>
<p>La partie de jeu de rôle a en effet cette particularité que son spectateur appartient à un public captif et bienveillant, qui est en outre également acteur de l'intrigue. Capter son attention et le maintenir dans l'état réactif est donc beaucoup plus facile que pour un public critique et non investi.<br />
Cependant, le joueur à la fois acteur et public attend que ses actes influent sur l'intrigue générale et celle des autres participants, et que les actes des autres participants influent sur l'intrigue de son propre personnage. En clair, il souhaite demeurer réactif, pouvoir agir et intervenir quand bon lui semble dans ce qui arrive aux joueurs "sous le feu des projecteurs".<br />
Il n'apparaît pas praticable d'imposer systématiquement les trois unités en jeu de rôles, deux s'avérant par expérience suffisantes.<br />
Si le meneur de jeu est contraint de se passer de l'une de ces trois unités, alors il lui est indispensable de conserver les deux autres unités entre le joueur actif et les autres joueurs afin de les maintenir dans un état réactif.<br /></p>
<p>Deuxième axe de la gestion des états des joueurs, cette tactique des trois unités ne prive nullement le meneur de jeu de la possibilité d'accélérer les tours de jeu. En revanche, elle lui permet d'économiser ses efforts pour maintenir les joueurs non actifs dans un état réactif.<br /></p>
<h3>Unité de temps</h3>
<p>L'unité de temps dans une partie de jeu de rôles est symbolisée par l'équivalence de l'écoulement du temps pour chaque personnage.<br />
Le temps de jeu est flexible : une succession d'événements rapides prendra plus de temps à narrer et à jouer qu'un seul événement d'une durée plus longue - par exemple, un combat prendra plusieurs tours de jeu, alors qu'un voyage de trois semaines prendra juste une phrase : "<em>Trois semaines plus tard, vous arrivez en vue du port de Saint-Malo</em>".<br />
Faire circuler le temps d'une manière différente pour des personnages-joueurs différents casse la cohérence temporelle entre ceux-ci, et remet en cause l'unité de temps. Si l'un annonce qu'il passe quelques heures à étudier un ouvrage, et que les autres décident qu'ils vont attaquer un convoi dès les prochaines secondes, alors le joueur du personnage plongé dans sa lecture va rester, par la force des choses, inactif pendant toute l'attaque du convoi - et probablement bien après.<br /></p>
<h4>Comment la maintenir ?</h4>
<p>Maintenir l'unité de temps dans l'hypothèse ci-dessus implique pour le meneur de jeu de trouver un expédient afin qu'une succession d'événements se déroule à la même vitesse pour le joueur dont le personnage souhaitait passer du temps à lire un livre.<br />
Dans l'exemple ci-dessus, le meneur de jeu pourra distiller progressivement les informations utiles recueillies par le lecteur, de tour de jeu en tour de jeu. Un meneur habile pourra même glisser dans ces informations des révélations essentielles (et dangereuses) sur le convoi que les autres personnages se préparent à attaquer, voire sont <strong>déjà</strong> en train d'attaquer.<br /></p>
<h3>Unité de lieu</h3>
<p>L'unité de lieu est peut-être l'unité la plus facile à appréhender, puisqu'elle est directement liée à l'une des hantises des meneurs de jeu : la séparation des personnages-joueurs en plusieurs groupes, ce qui multiplie les points de vue et les descriptions contextuelles, et diminue d'autant les temps effectifs de jeu des uns et des autres.<br />
Dans l'exemple plus haut, le personnage qui souhaite lire un livre ne le fait probablement pas au beau milieu de l'attaque du convoi, mais plus probablement à la bibliothèque. Le lieu d'activité des personnages étant différent (la route pour les uns, la bibliothèque pour l'autre), il n'y a ici pas d'unité de lieu.<br /></p>
<h4>Comment la maintenir ?</h4>
<p>Maintenir l'unité de lieu est aussi simple que de faire en sorte que les personnages ne se séparent pas physiquement en plusieurs groupes, ou, s'ils le font, que cette séparation physique n'empêche pas de les considérer comme dans un même lieu (par exemple un même hôpital bien que les chambres et étages soient différents, ou une même base spatiale, une même ville, etc), afin que l'unité de lieu participe à maintenir les joueurs non actifs dans un état de réactivité, dans la mesure où ils partagent le lieu où se déroule l'action du joueur actif.<br /></p>
<h3>Unité d'action</h3>
<p>Selon la règle de l'unité d'action, tous les événements doivent être liés et nécessaires jusqu'au dénouement de l'intrigue, les actions accessoires devant contribuer à l’action principale.<br />
Transposée au jeu de rôle, cela signifie que toute action d'un personnage-joueur doit avoir - potentiellement - une influence sur la situation immédiate (et donc les actions subséquentes) des autres personnages-joueurs.<br />
Dès lors que le meneur de jeu s'efforce de maintenir l'unité d'action, il maintient les joueurs non-actifs dans un état de réactivité parce que leurs prochaines actions apparaissent conditionnées par les actions des autres personnages-joueurs.<br /></p>
<h4>Comment la maintenir ?</h4>
<p>Maintenir l'unité d'action peut sembler plus complexe à première vue pour un meneur novice, car elle requiert la mise en œuvre de ses facultés d'improvisation et a un impact plus important sur l'intrigue.<br />
De manière pratique, le meneur souhaitant maintenir l'unité d'action doit, pour chaque action entreprise par un joueur, immédiatement imaginer et introduire dans sa narration (immédiatement ou non selon qu'il a recours à l'astuce des "<em>conséquences différées</em>" ou non), une conséquence directe ou indirecte de cette action sur la situation d'un ou plusieurs des autres joueurs.<br />
Ceci force nécessairement chaque joueur à demeurer concentré et attentif aux actes du joueur actif s'il veut continuer d'interagir efficacement avec l'intrigue via son personnage.<br />
Dans l'exemple ci-dessus des informations livresques à propos du convoi attaqué par les autres joueurs, le meneur de jeu pourrait trouver un expédient pour que les personnages se trouvent en contact. Par exemple via un cristal de communication, un téléphone mobile, un Service de Mortification Subite (le texto nécromantique qui s'imprime dans la chair du destinataire) ou autre, permettant au lecteur d'influer directement sur l'action, en bien comme en mal. Le téléphone mobile qui se met à sonner juste avant l'embuscade est un grand classique...<br /></p>
<h3>De quelle unité se passer ? Quelles unités maintenir ?</h3>
<p>La quasi-totalité du temps, <ins>ce sont les joueurs qui vont d'eux-mêmes briser l'une des trois unités</ins>.<br />
Le groupe se sépare ? L'unité de lieu est brisée.<br />
L'un des joueurs décide que son personnage enquête tandis que les autres dorment pendant nuit ? C'est l'unité d'action qui est atteinte.<br />
L'un des joueurs veut faire faire trois mois d'études intensives du haut-syldave à son personnage pendant que les autres joueurs entendent se contenter d'un livret de conversation basique ? C'est l'unité de temps qui est menacée.<br /></p>
<p>La réaction du meneur doit donc être automatique : dès que l'une des trois unités est menacée (ou brisée) par les actions d'un (ou plusieurs) joueur(s), le meneur doit tout mettre en œuvre pour conserver constantes les deux autres unités, quitte à altérer la structure de la narration, afin que les joueurs non actifs soient maintenus à l'état réactif.<br />
S'il n'y parvient pas, et qu'une deuxième des trois unités est menacée (ou brisée), le meneur dispose du délai standard (de 30 secondes en moyenne) pour rétablir au moins deux des trois unités avant que le dernier joueur ne bascule de l'état réactif à l'état inactif.<br />
Dans cette hypothèse, le choix des unités à rétablir appartient en totalité au meneur de jeu.<br /></p>
<p>Cependant, le meneur doit être conscient que chaque perte de l'une des trois unités a le plus souvent une cause narrative dans l'intrigue de la partie. Tant que cette cause n'a pas disparu ou n'a pas évolué suite aux actions des joueurs, il est probable que l'unité brisée ne puisse pas être rétablie ou seulement temporairement. Dans ce cas, le meneur devra passer via d'autres moyens de maintenir la réactivité des joueurs, jusqu'à ce que le nœud narratif soit résolu et lui permette de rétablir au moins deux unités sur les trois.<br />
Il pourra ensuite concentrer ses efforts sur le rétablissement de la troisième unité, mais ce n'est pas nécessaire et les joueurs pourraient ressentir cette cohésion forcée comme une limitation de leur champ d'action, ce qui n'est pas souhaitable.<br /></p>
<p>Schématiquement, le meneur ne contraint plus les joueurs à rester en zone "réactive" (en vert dans le cycle de parole), mais s'efforce de maintenir deux unités pour les joueurs se trouvant en zone "inactive" (en jaune orangé), Dans l'exemple ci-dessous, l'un des joueurs se retrouve inactif car les deux unités n'ont pas été maintenues pour son personnage pendant plus de 30 secondes :<br /></p>
<p><a href="https://blog.xyrop.com/public/Gamemastering/Images/3States/3States_managed.png"><img src="https://blog.xyrop.com/public/Gamemastering/Images/3States/.3States_managed_m.png" alt="" style="display:table; margin:0 auto;" title="Les trois états gérés via les trois unités" /></a></p>
<h2>Conclusion</h2>
<p>Les outils présentés dans ce billet permettent, au cours d'une partie de jeu de rôle, d'augmenter l'intensité de l'action en maintenant artificiellement les joueurs dans un état de concentration accru. Il faut néanmoins prendre garde à ce que la partie demeure un plaisir et un divertissement, et non une contrainte pour les joueurs.<br />
Pour cela, le plus efficace est de faire des pauses toutes les deux heures, destinées à reposer l'esprit des participants. Le meneur de jeu pourra en profiter pour reposer sa gorge endolorie, pour mettre à jour son <a href="https://blog.xyrop.com/index.php/post/2014/08/29/Strategic-Gamemastering-part-2">Tableau Holistique d'Analyse Conceptuelle et Organisationnelle</a> grâce aux derniers faits et gestes des personnages, et pour anticiper les scènes suivantes dans l'intrigue.<br /></p>https://blog.xyrop.com/post/2016/11/07/%5BTactique-de-ma%C3%AEtrise%5D-Les-trois-%C3%A9tats-du-joueur%2C-et-comment-les-exploiter#comment-formhttps://blog.xyrop.com/feed/atom/comments/65[Aide de jeu] Illustration musicale en JdRurn:md5:876ea1aa3cd01fbf8afbd3ba7190a48d2016-12-12T21:30:00+01:002020-05-10T17:23:58+02:00LudoxAide de jeuconseilsillustration musicaleJdRmaîtrisermeneur de jeuMJmusiqueRPG TheorysonsorisationTactical gamemastering<p>Nombreux sont les meneurs de jeu qui mettent un fond musical sonore dans l'espoir d'ajouter une certaine intensité à l'ambiance de leurs parties. Ils ont raison : la musique peut ajouter énormément à l'atmosphère d'une partie. En effet, le jeu de rôle est un loisir qui se base sur la communication, et la musique a cette force qu'<ins>elle s'adresse directement aux émotions de ceux qui l'écoutent</ins>. Cela signifie qu'un meneur de jeu habile peut se servir de la musique pour émettre directement un message qui sera perçu au niveau <ins>émotionnel</ins> par les joueurs, et non pas au niveau intellectuel abstrait auquel la plupart des échanges en JdR se produisent. Cette illustration musicale devient dès lors partie intégrante de la narration réalisée par le meneur de jeu.<br />
<br />
Cependant, rares sont les meneurs qui parviennent réellement à exploiter efficacement les morceaux qu'ils passent à leurs joueurs.<br />
Voici par conséquent une série d'explications et de conseils éclairant les points sur lesquels un meneur de jeu souhaitant ajouter de la musique à ses parties devrait porter son attention.<br />
La plupart de ces conseils ont d'ores et déjà été distillés au compte-gouttes sur <a href="http://couroberon.com/Salon" hreflang="fr">le forum de la cour d'obéron</a>. Ils sont ici repris, étendus et - je l'espère - enrichis, en un seul et unique article complet.<br /></p> <h2>Sonorisation vs. Illustration musicale</h2>
<p>Avant d'entrer dans le vif du sujet, il importe de poser une différence essentielle entre "sonoriser" et "illustrer musicalement" une partie de jeu de rôle, au niveau terminologique comme au niveau technique.<br /></p>
<p>"Sonoriser" consiste à passer une musique de fond, afin d'avoir un son plus ou moins mélodieux en arrière-plan de la partie. L'objectif du meneur qui "sonorise" est ostensiblement d'augmenter le divertissement des joueurs en intensifiant l'ambiance. A cette fin, le meneur de jeu qui "sonorise" met en pratque un album ou une compilation qui correspondent au thème, en espérant que l'ambiance à la table de jeu s'en trouvera améliorée. Son effort se sera ainsi limité à trouver la musique qui lui semble "coller" au thème. Ains, un tel meneur de jeu choisira habituellement une musique qui correspond à ses goûts et son propre sens de l'esthétique, voire tiré de la bande originale du film dont il est en train de mener le scénario.<br /></p>
<p>En revanche, lorsqu'il aura recours à des accessoires de jeu (cartes, parchemins, objets, costumes, dessin) pour augmenter l'immersion de ses joueurs, ce même meneur "<em>sonorisateur</em>" ne les présentera pas comme des approximations de l'ambiance qu'il veut obtenir, mais comme des éléments illustratifs exacts : c'est <strong>la</strong> carte du bar, c'est <strong>le</strong> parchemin qui vous est remis par le comte, c'est <strong>le</strong> McGuffin / fusil de Tchekov, c'est <strong>précisément l'</strong>uniforme des Stormtroopers qui se tiennent devant vous, voici un <strong>portrait fidèle</strong> de la fille du magnat corporatiste. Ces accessoires de jeu ne sont donc pas des approximations, mais des <ins><strong>illustrations</strong></ins> précises à destination des personnages-joueurs.<br /></p>
<p>Ce meneur traite donc différemment les accessoires de jeu et la musique, cette dernière étant au final plus une manière pour lui de faire apprécier la richesse de sa discothèque et ses goûts esthétiques qu'un outil au service de la partie.<br />
<br />
L<em>'illustration musicale</em> plutôt que la sonorisation se veut répondre à la même préoccupation de précision illustrative que les autres accessoires de jeu.<br />
Pour rappel, la musique véhicule par elle-même des messages émotionnels, et suscite également des émotions chez ses auditeurs. Les émotions véhiculées par la musique et reconnues au niveau intellectuel par les auditeurs viennent renforcer les émotions ressenties naturellement à l'écoute de la musique, et réciproquement (cf. Egermann, McAdams, <ins><a href="http://www.egermann.net/wp-content/uploads/2013/12/Egermann_2013_MP.pdf" hreflang="en">Empathy and emotional contagion as a link between recognized and felt emotions in music listening</a></ins>).<br /></p>
<p>D'autres études de psychologie ont d'ailleurs permis de montrer que les messages émotionnels véhiculés par des morceaux particuliers sont intelligibles par les auditeurs indépendamment de leur maturité ou de leur formation musicale (cf. Swaminathan, Schellenberg, <ins><a href="http://www.utm.utoronto.ca/~w3psygs/SwaminathanSchellenberg2015.pdf" hreflang="en">Current emotion research in music psychology</a></ins>).<br />
<br />
Or, dans le cadre d'une partie de jeu de rôle, les vecteurs quasi-exclusifs de communication utilisés par les participants sont la parole intelligible et l'écrit, qui pour l'essentiel stimulent les capacités de raisonnement des joueurs participants, à l'exclusion de leurs perceptions émotionnelles, qui demeurent alors sous-exploitées. La sonorisation ne visant qu'à poser une ambiance aboutit à cette même insuffisance de stimuli émotionnels. La musique devient un bruit de fond, et non un vecteur de communication utilisé par le meneur de jeu afin de fournir des informations de nature émotionnelle aux personnages-joueurs.<br /></p>
<p>Le but de l'illustration musicale n'est <strong>pas</strong> d'obtenir une approximation d'ambiance, mais d'utiliser la musique comme un outil de précision destiné à illustrer des scènes et l'emploi de la musique dans le cadre de la partie de jeu de rôle doit avoir pour fonction d'évoquer et/ou susciter des émotions chez les joueurs et d'augmenter ainsi leur intérêt pour la partie et leur immersion dans le jeu. C'est tout le sens de cet article, qui a pour ambition de fournir les clés de compréhension de l'utilisation de la musique à titre d'illustration.<br /></p>
<h2>Principes de base</h2>
<p><strong>L'illustration musicale doit être au service de la partie, et pas l'inverse.</strong><br /></p>
<p><strong>Le "service de la partie" est le divertissement des joueurs en tant qu'ils participent à la partie de JdR.</strong><br /></p>
<p><ins>Corollaires de ce principe, les écueils à éviter impérativement</ins> :<br /></p>
<ul>
<li>diffuser des musiques trop bien connues et appréciées des joueurs (ex: le thème d'Indiana Jones). Il est indispensable de s'en abstenir afin d'éviter que les joueurs ne décrochent de la partie pour se concentrer plus sur la musique que sur la partie ("<em>Ah, écoutez, c'est le moment où Indy poursuit les nazis dans le camion !</em>"). C'est divertissant, certes, mais ce n'est plus le divertissement des joueurs en tant qu'ils participent à la partie de JdR ;<br /></li>
<li>gêner la concentration des joueurs. Il est indispensable que l'illustration musicale soit une aide et/ou un support de la narration, et non un obstacle à celle-ci. Si la musique gêne la concentration d'un ou plusieurs joueurs, il faut impérativement l'arrêter ou en diminuer le volume.<br /></li>
</ul>
<p>Il existe <ins>deux grands cas d'illustration musicale</ins> :<br /></p>
<ul>
<li><strong>représenter l'ambiance du lieu</strong> : illustration de la musique perçue par les personnages-joueurs, qui appelle à une immersion immédiate des joueurs dans l'univers de jeu puisque ceux-ci écoutent directement la musique entendue par leurs personnages (par exemple un "ragtime" joué par un pianiste de bar alors que les personnages-joueurs pénètrent dans un <em>speakeasy</em> des années 20). Ce type d'illustration musicale ne véhicule pas nécessairement une émotion particulière ;<br /></li>
<li><strong>véhiculer une atmosphère émotionnelle</strong> : illustration de l'état émotionnel intérieur des personnages-joueurs, qui ne correspond pas à une immersion des joueurs dans l'univers de leurs personnages, mais intervient à un niveau "<em>méta-jeu</em>".<br /></li>
</ul>
<p>L'envie du meneur de jeu de passer telle ou telle musique à tel ou tel moment devrait être totalement indifférente : ce qui importe est que la musique illustre <ins><strong>parfaitement</strong></ins> la scène, ou bien que le le message émotionnel véhiculé par le morceau corresponde <ins><strong>exactement</strong></ins> à l'émotion que veut faire passer le meneur.<br />
Un morceau véhiculant l'émotion souhaitée plus intensément qu'un autre devra en principe être privilégié, même si le meneur préfère le deuxième au premier : ses goûts personnels ne devraient pas entrer en ligne de compte.<br /></p>
<p>En pratique, il vaut mieux s'abstenir de passer un morceau qui ne convient pas parfaitement à ce qui est recherché. Le risque serait, sinon, soit d'affaiblir l'identité musicale du scénario / de la campagne, soit de faire baisser l'impact des illustrations musicales futures, soit de troubler les joueurs, trois écueils à éviter absolument. Par conséquent, et en cas de doute, il vaut mieux maîtriser "<em>seul que mal accompagné</em>" musicalement.<br />
Ainsi, il importe de rappeler que préparer à l'avance une illustration musicale devrait juste être une manière pour le meneur de prévoir non pas les ambiances et scènes qui VONT survenir, mais celles qui RISQUENT de survenir.<br /></p>
<h2>Quand illustrer?</h2>
<p>Il ne serait pas raisonnable pour un meneur de jeu de préparer sa partie en disposant d'illustrations visuelles de toutes les scènes et de tous les PNJ, jusqu'aux plus mineurs, de sa partie de manière exhaustive (mis à part peut-être pour les jeux <a href="http://www.legrog.org/jeux/sketch" hreflang="fr">Sketch!</a> et <a href="http://www.legrog.org/jeux/everway" hreflang="fr">Everway</a> qui sont des exceptions où l'illustration visuelle sont justement des éléments essentiels de la narration voire de la mécanique du jeu), compte tenu notamment de la charge de travail considérable qu'une telle entreprise impliquerait.<br />
Et serait-il vraiment utile d'avoir une illustration de tous les bars, de toutes les rues, de tous les PNJ découverts par les joueurs ? Évidemment non ! La plupart des meneurs se limitent, avec raison, aux seules illustrations "qui comptent" : lieux importants, personnages significatifs, etc.<br /></p>
<p>L'illustration musicale suit le même principe. On n'illustre pas tout, mais uniquement ce qui est important, soit qu'il s'agisse de l'ambiance sonore découverte par les personnages-joueurs, soit que la musique véhicule un message émotionnel à destination des joueurs incarnés dans leur personnage.<br /></p>
<p>Comme l'illustration musicale porte sur ce qui est important, il est tout à fait possible voire souhaitable de laisser des "blancs", des périodes sans musique. En effet, en n'illustrant pas musicalement des scènes, le meneur de jeu laisse le temps aux joueurs de "reposer" leur écoute.<br /></p>
<p>L'illustration musicale ne saurait pas non plus être forcée. Si le meneur a prévu une musique pour une taverne, et que les joueurs n'y vont pas : tant pis, il ne la passera pas !<br /></p>
<p>En outre, si la partie a été illustrée par de la musique presque constamment, alors la mise en oeuvre d'un silence total peut aussi procéder d'un effet : une neutralisation de toute émotion dans la scène. Un meneur de jeu habile pourrait renforcer la crudité d'une scène qu'il veut choquante par l'absence totale de musique et la mise en oeuvre d'un simple bruitage se rapprochant du <em>sound design</em> : un craquement, un cri, un bruit mouillé, etc.<br /></p>
<p>Alternativement, un meneur peut aussi délibérément rechercher la "saturation" de l'oreille de ses joueurs pour créer un effet - mais il devrait s'agir d'un cas rare et très particulier, comme par exemple le bip sonar d'un sous-marin revenant périodiquement au long d'une partie à la "Octobre rouge" - car la répétition d'un morceau ou d'un effet sonore peut aboutir à amoindrir l'effet recherché par l'illustration musicale.<br /></p>
<p>Pour autant, tant que dure la scène à l'origine de l'émotion que le meneur souhaite véhiculer via la musique, il est possible, si le morceau s'y prête, de mettre le morceau en question en boucle jusqu'à la fin de la scène ou jusqu'au prochain changement d'ambiance. Un morceau se prête en général à une diffusion en boucle pendant une scène s'il répond aux conditions alternatives suivantes :<br /></p>
<ul>
<li>le morceau est constant en termes de style, d'ambiance et de volume sonore, permettant de le "boucler".<br /></li>
<li>le meneur de jeu a la possibilité d'arranger, voire de faire un montage/mixage de passages du morceau de manière à ce que celui-ci "boucle" naturellement, et c'est cette boucle qui sera passée.<br /></li>
</ul>
<p>Si l'une ou l'autre de ces conditions ne peut être remplie, alors il est préférable de passer la séquence voulue une seule fois avant de faire un fondu au silence.<br /></p>
<p>A cet effet, beaucoup de musiques de beaucoup de jeux vidéo se prêtent bien au passage en boucle, dans la mesure où elles sont théoriquement conçues pour passer plusieurs fois à la suite sans agacer le joueur.<br /></p>
<h2>Comment illustrer ?</h2>
<p>Au-delà de la nécessité intermittente d'employer des morceaux spécifiques pour illustrer des scènes particulières, il semble important de garder à l'esprit une cohérence thématique dans l'illustration d'une partie/scénario/campagne de JdR.<br /></p>
<p>Choisir un morceau de Rhapsody, par exemple "Land of Immortals" pour illustrer une scène d'action, puis choisir l'ouverture du "Carmina Burana" d'Orff pour une scène de combat, puis employer "Black Forest" de l'album Suspiria des Goblin pour une ambiance trouble et nocturne, c'est prendre le risque de ne plus faire que démontrer l'éclectisme de sa discothèque à ses joueurs, sans forcément apporter quelque chose de plus à la partie.<br />
Ces morceaux sont en effet suffisamment différents pour que le changement de style finisse par troubler les joueurs, plutôt que de leur apporter une expérience voulue "immersive" au niveau musical.<br /></p>
<p>Illustrer musicalement la partie / le scénario / la campagne n'est en effet pas exclusif d'un effort de détermination d'une <strong>identité musicale</strong> cohérente pour le scénario ou la campagne, qui présente un certain nombre d'avantages.<br /></p>
<p>Le fait de disposer d'une identité musicale pour le scénario ou la campagne permet en premier lieu d'optimiser l'immersion des personnages-joueurs sur la durée. En créant et en se tenant scrupuleusement aux principes qu'il aura définis en décidant de l'identité musicale de sa campagne, le meneur de jeu aboutira à ce que les joueurs "se reconnaissent" dans l'atmosphère de la partie, et s'immergent plus rapidement dans l'ambiance au niveau émotionnel. Une musique pourrait même servir de "générique de début" à la partie.<br />
En deuxième lieu, si le meneur de jeu a à disposition suffisamment de morceaux correspondant à l'identité musicale qu'il a définie, il peut, sans risquer de se tromper, sélectionner très vite des morceaux et même d'improviser une illustration musicale lorsque cela s'avère nécessaire.<br /></p>
<h4>L'identité musicale d'une œuvre composite</h4>
<p>Pour définir l'identité musicale d'une œuvre, il y a plusieurs méthodes, notamment :<br /></p>
<p>1 - Choisir un(e) mélodie/harmonie/type d'accord/cadence/rythme/jingle reconnaissable entre tous (Bernard Hermann pour la musique de "Psychose" ; Mozart et ses cadences parfaites ; en clef de sol les trois notes (avec un mordant sur la troisième) <em>fa4 ré4 do#5</em> répétées 3 fois, puis <em>fa4 ré4 fa5</em> à l'octave supérieure, puis à nouveau <em>fa4 ré4 do#5</em> avec un tenuto & trille sur la 3e note sont ainsi la signature mélodique de la série "Les Envahisseurs" ) ;<br /></p>
<p>2 - Employer des <ins><a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Leitmotiv" hreflang="fr">leitmotivs</a></ins> ;<br /></p>
<p>3 - Choisir une orchestration très particulière et immédiatement reconnaissable (Danny Elfman orchestré par Shirley Walker, par exemple).<br /></p>
<p>Souvent, le meneur de jeu qui prévoit une illustration musicale va mettre en oeuvre un mélange de toutes ces méthodes, dans des proportions variables.<br /></p>
<p>L'identité musicale tient souvent à bien peu de chose. Par exemple, l'identité musicale des films de la trilogie Matrix, telle que crée par Don Davis, est, outre certains leitmotivs (exemple, le thème de la résurrection, les chevauchements de gammes ascendantes concomitants aux défilements de caractères verts, les effets dissonants et métalliques au synthé a chaque apparition d'agent...) caractérisée par deux accords de treizième diminuée, séparés entre eux par une quinte diminuée, se font écho l'un à l'autre, d'un côté stéréophonique à l'autre (des effets de <em>pan/balance</em>, quoi...), avec des effets alternatifs de molto crescendo immédiatement suivis de molto diminuendo.<br /></p>
<p>C'est pas très beau à lire, mais il suffit de faire jouer ces accords par n'importe quels instruments exactement comme décrit ci-dessus, afin d'évoquer immédiatement l'univers des films Matrix, ceci alors même qu'aucune note précise n'a été définie : cette identité musicale est uniquement définie techniquement, par un jeu d'intervalles et d'accords.<br /></p>
<h4>Application du principe d'identité musicale dans l'illustration sonore des parties de JdR</h4>
<p>Il est difficile pour le MJ de définir une identité musicale sachant qu'il va probablement tirer ses extraits sonores et morceaux de sources très disparates. Notamment, il est impossible d'obtenir une cohérence mélodique, à moins de tirer tous les morceaux de la même source (la même BOF, la même symphonie, et avec un peu de chance le même compositeur qui fait des "copier-coller" d'un morceau à l'autre) : cette solution est adéquate pour des scénarii "one-shot", mais ne tient pas la distance, en raison de la probable répétition des pistes sur une longue durée dans le cas de campagnes.<br /></p>
<p>Il faudra nécessairement sur le long terme se résoudre à employer des mélodies différentes. La méthode consiste donc à aller chercher ce qui n'est PAS mélodique, afin de conserver néanmoins une cohérence à l'ensemble des morceaux qui seront utilisés.<br /></p>
<p>En premier lieu, il semble essentiel de s'atteler à l'<strong>orchestration</strong>, et privilégier des formations similaires, et si possible identiques, pour les différents morceaux qui seront utilisés pour illustrer musicalement les scénarii de la campagne. Il est également préférable, au niveau de l'orchestration, de privilégier des formations instrumentales qui "cadrent" avec l'univers choisi. Une musique de synthétiseur sera mieux adaptée à un univers de science-fiction, un air de clarinette jazzy plus appropriée pour une enquête dans les années 30, tandis que les guitares électriques devraient - en principe - être proscrites pour illustrer un univers médiéval qui ne connaît pas encore l'électricité.<br />
Cette règle peut souffrir des exceptions, à condition que ces exceptions servent l'intensité narrative et augmentent l'investissement émotionnel des joueurs : ainsi, un monde médiéval-fantastique ultra-violent et peu réaliste, faisant la part belle à des barbares huilés et des batailles sanglantes, pourrait très bien s'accommoder de musiques relevant du genre du "métal symphonique", voire "métal tout court".<br />
Aussi, la rupture délibérée de la cohérence de l'identité musicale peut accentuer l'émotion suscitée par une rupture brutale des lois fondamentales qui régissent l'univers décrit. Par exemple, une campagne apparemment historique uniquement illustrée par des orchestrations philharmoniques, quand soudain : un morceau au synthétiseur alors que des aliens technologiquement hyper-avancés apparaissent dans le scénario...<br /></p>
<p>En deuxième lieu, les <strong>leitmotivs</strong>. Le leitmotiv est habituellement une mélodie, mais compte tenu de ce que les meneurs de jeu ne sont habituellement pas compositeurs et n'ont pas un orchestre à disposition, le leitmotiv lors de l'illustration musicale sera le plus souvent lié à ce qui ne relève pas de la mélodie : l'orchestration, à la gamme tonale, la présence d'un instrument.<br />
Un leitmotiv devrait ainsi être utilisé lors que les trois conditions suivantes sont <ins>cumulativement</ins> remplies :<br /></p>
<ul>
<li>lorsque le lieu / thème / personnage auquel correspond leitmotiv est sous les feux des projecteurs ;<br /></li>
<li>lorsque la scène est importante pour les personnages-joueurs (qu'elle se rattache directement à l'accomplissement de leurs objectifs, l'exploration de leur historique, ou la mise en oeuvre de leurs facultés) ;<br /></li>
<li>lorsque l'orchestration et le mode du leitmotiv à disposition correspond au message émotionnel que veut véhiculer le meneur de jeu.<br /></li>
</ul>
<p>Ainsi exploités, la répétition des leitmotivs crée artificiellement une cohérence musicale, surtout quand il est difficile de conserver une même orchestration ou une même gamme modale. Le changement d'orchestration ou de mode devient alors signifiant, et non plus obstacle à la cohérence, et permet même l'introduction de nouveaux morceaux répondant aux règles d'orchestration et/ou modales du leitmotiv choisi.<br />
Un leitmotiv peut être quelque chose de très discret, pour influencer inconsciemment les joueurs : par exemple, chaque morceau qui passe lors de la présence d'un certain personnage, quel que soit son style, contient systématiquement des chœurs de femmes et d'enfants, alors qu'il n'y a jamais de choeurs dans aucun des autres morceaux passés quand ce personnage est absent. Le meneur de jeu entend par là suggérer aux personnages-joueurs que ce PNJ est en réalité un archange incarné sur terre, ce qu'ils n'apprendront qu'au bout de 30 parties...<br /></p>
<p>Pour un meneur de jeu ambitieux et désireux de gérer des leitmotiv mélodiques, l'écueil majeur à éviter serait de répéter de manière systématique exactement le même morceau, parce que son utilisation deviendrait trop artificielle et lasserait alors les joueurs.<br />
Les voies les plus pratiques pour utiliser efficacement les leitmotivs mélodiques sont les suivantes :<br /></p>
<ol>
<li>Recourir aux reprises de chansons, qui conservent une mélodie identique avec une orchestration différente. Par exemple, si le meneur de jeu a choisi la chanson "Mad World" comme leitmotiv mélodique pour un personnage, les différentes reprises de cette chanson pourront lui servir à illustrer musicalement les états émotionnels de ce personnage : l'original de Tears for Fears, très rythmé, lui permettra de suggérer la détermination, la reprise de Gary Jules suscitera la mélancolie, des extraits de la reprise par Zonaria pourra être utilisée pour illustrer un coup de folie ou une bagarre, tandis que la reprise de Twenty-One Pilots, minimaliste, pourra évoquer une certaine sérénité ;<br /></li>
<li>Exploiter les variations d'un thème dans les bandes originales de films (ou de jeux vidéo) "à séquelles" et dans les musiques internes de séries télévisées : on y trouve souvent des variations sur les thèmes principaux et secondaires, lorsque le compositeur aura essayé d'éviter le recyclage, ou bien dans le cas fréquent des changements de compositeurs, le suivant essayant de reprendre les thèmes du premier tout en y apposant sa patte (exemple : la bande originale du film <em>Predator</em> par Alan Silvestri et celle du film <em>Predators</em> par John Debney). Ceci aboutit souvent à des mélodies identiques ou similaires mais interprétées dans des orchestrations, styles et modes différents, ce qui est particulièrement utile pour un meneur de jeu souhaitant recourir à un leitmotiv mélodique.<br /></li>
</ol>
<p>Une option intéressante consiste également à laisser les joueurs décider du leitmotiv de leur propre personnage selon les mêmes principes, avec l'aide du meneur de jeu afin de ne pas rompre la cohérence de l'identité musicale de la campagne.<br /></p>
<p>En troisième lieu, le <strong>compositeur</strong> (et s'il y a lieu ses imitateurs et les membres de son école). Nombre de compositeurs ont des habitudes, des idiosyncrasies, des compulsions dans leur manière d'écrire leur musique. D'une œuvre à l'autre, les compositeurs reprennent même certaines de leurs phrases musicales, leurs cadences, leurs accords, et parfois même des mélodies entières.<br />
Pour vous en convaincre, n'hésitez pas à comparer les bandes originales des films "Willow" et "Avatar", toutes deux composées par James Horner, dont certains accords sont parfaitement identiques (mais James Horner est connu pour faire du copier-coller entre ses partitions, ce qui est plutôt pratique). Autre exemple, le "<em>Blood Theme</em>" de la série Dexter, composé par Daniel Licht, apparaît pour la première fois comme "pont" dans la bande originale du segment "<em>the library</em>" du film à sketches "<em>Necronomicon</em>", du même compositeur.<br />
Le choix d'un même compositeur (ou d'une même école / studio de production) apparaît donc comme une manière simple d'assurer une cohérence musicale à l'ensemble des illustrations musicales qui seront exploitées par le meneur, sous réserve que le style du compositeur n'ait pas trop évolué entre les différents morceaux choisis.<br /></p>
<p>En quatrième lieu, le <strong>ton</strong> peut recevoir une certaine attention. Conserver le même mode n'est pas indispensable, étant donné que l'on peut vouloir faire varier l'ambiance selon les scènes à illustrer musicalement. Il est en revanche préférable, dans ce cas, d'essayer de conserver un même ton (ou une harmonie basée sur la dominante) : par exemple, do majeur pour les ambiances heureuses, et do mineur pour les ambiances plus sombres, ce qui reste toujours des gammes de do (et donc sol majeur et mineur pour les mélodies basées sur les accords de la dominante). Idéalement, il serait souhaitable de conserver la même gamme tonale sur tous les morceaux passés. En pratique, à moins de disposer d'un orchestre, la plupart des meneurs devront se passer d'uniformité tonale, d'où l'importance de conserver une cohérence dans l'orchestration.</p>
<p>En cinquième lieu, <strong>tout le reste</strong>. L'harmonie, les cadences, les rythmes, les riffs de guitare, tout élément commun à de nombreux morceaux destinés à l'illustration musicale est un "bon point" supplémentaire pour créer une identité musicale et garder une cohérence sur la longueur.</p>
<h2>Comment choisir les morceaux ?</h2>
<p>Pour un univers de jeu donné, le meneur de jeu est censé travailler en amont le choix de ses morceaux en fonction des émotions qu'il estime qu'il aura à évoquer au cours de ses parties.<br />
Cependant, il est difficile de savoir de manière intuitive ce qui va correspondre exactement à ce dont la campagne/le scénario/la partie a besoin à un instant précis, de sorte qu'au final, le meneur de jeu sera amené à improviser.<br />
Paradoxalement cette improvisation sera plus fluide grâce à une bonne préparation de son "échantillonnage" de morceaux : si l'échantillonnage est large mais respecte des règles de cohérence interne définies par le meneur de jeu, alors ce dernier pourra aisément sélectionner "à la volée" des pistes additionnelles sans risquer de rompre l'identité musicale de sa trame narrative.<br />
Pour sélectionner les morceaux les plus appropriés, il importe de déterminer leurs caractéristiques évocatrices, visant à susciter des réponses physiologiques chez leur auditeur.<br />
A cet effet, l'étude Kawakami, Furukawa, Okanoy "<em><a href="http://icmpc-escom2012.web.auth.gr/sites/default/files/papers/520_Proc.pdf" hreflang="en">Musical emotions: perceived emotion and felt emotion in relation to musical structures</a></em>" met en évidence la relation entre d'une part les structures musicales et les émotions perçues et ressenties. Pour approfondir cette approche, l'étude de Gomez et Danuser "<em><a href="http://www.cs.tufts.edu/~jacob/250hcm/gomez.pdf" hreflang="en">Relationships between musical structure and psychophysiological measures of emotion</a></em>" fournit de précieuses informations sur le degré d'impact des différents paramètres musicaux sur les auditeurs, qui varie en outre selon la coloration émotionnelle positive ou négative du morceau.<br />
L'étude de Gomez et Danuser utilise le modèle Excitation (intensité de l'émotion ressentie) / Valence (qualité intrinsèque plaisante ou déplaisante de l'émotion). Ce modèle de qualification des stimuli émotionnels est certes contesté par certains chercheurs, mais suffisamment fidèle aux ressentis de la plupart des individus pour permettre une exploitation efficace dans le cadre de l'illustration musicale des parties de jeu de rôle.<br />
La traduction psychophysiologique de différentes structures musicales est présentée ci-après afin d'éclairer les choix potentiels de morceaux pour illustrer des scènes.<br /></p>
<h3>Mode</h3>
<p>Dans le cas d'un mode mineur, l'ambiance émotionnelle du morceau sera sombre/tendue, évoquant des émotions telles que peur, tristesse, mélancolie, rage, etc.<br />
Dans le cas d'un mode majeur, le message émotionnel du morceau sera au contraire lumineux/optimiste, évoquant des émotions comme la joie, le sentiment de triomphe, la fierté, la sérénité, etc.<br />
Il y a certes des méthodes musicales pour déterminer la gamme modale à partir des principaux accords du morceau, mais plutôt que d'entrer dans les arcanes du solfège, une petite "règle de pouce" :<br /></p>
<ul>
<li>Quand la musique semble "sombre" (exemple : le thème de Batman par Danny Elfman), ou empreinte d'une certaine mélancolie sous-jacente, avec une tension, alors elle est probablement en mode mineur ;<br /></li>
<li>Quand la musique n'est pas sombre, qu'elle est vive, solaire, optimiste, flamboyante, souvent dans le genre pompier : c'est probablement un morceau en mode majeur (exemple : le thème de Superman par John Williams).<br /></li>
</ul>
<p>Le mode majeur ou mineur a non seulement un impact déterminant sur l'émotion (positive ou négative) véhiculée, mais de surcroît <ins>altère la signification et l'impact pour l'auditeur d'autres structures musicales</ins> telles qu'une gamme ascendante ou descendante ou encore une accentuation (<em>marcato</em>) des notes jouées par les instrumentistes. Ainsi, l'accentuation (ou l'absence d'accentuation) des notes n'a rigoureusement aucun effet sur la nature positive ou négative de l'émotion véhiculée par le morceau, mais a un impact sur l'<ins>intensité</ins> de cette émotion.<br /></p>
<h3>Mélodie</h3>
<p><strong>Gamme ascendante</strong> : accentue les émotions évoquées par le mode majeur.</p>
<p><strong>Gamme descendante</strong> : accentue les émotions évoquées par le mode mineur.</p>
<p><strong>Répétition d'un fragment mélodique</strong> : attente, expectative. Si la répétition du fragment est accompagnée d'une densification progressive du spectre musical (nouveaux instruments, complexification du contrepoint) et/ou d'un raccourcissement progressif du fragment et/ou d'une augmentation du volume sonore (avec éventuellement l'apparition d'unisons aux octaves supérieures), le morceau fait lors passer une <ins>sensation d'imminence</ins> d'un événement. Un exemple de morceau visant à susciter cette émotion serait "<em>Clarence frags Bob</em>" (bande originale du film Robocop composée par le regretté Basil Poledouris).<br /></p>
<p><strong>Mélodie dont toutes les notes sont séparées par des intervalles de seconde</strong> : platitude, ennui. Un certain nombre de chants monodiques (plain-chant) entre le Ve et le VIIe siècle présentent cette structure mélodique.</p>
<h3>Tempo</h3>
<p>Plus le tempo de la musique sera rapide, et plus l'excitation émotionnelle (Arousal) sera importante, avec des effets un peu plus plus significatifs pour des émotions dont la valence est désagréable qu'avec des émotions dont la valence est agréable.<br />
Ainsi, un morceau en mode mineur à la gamme descendante aura d'autant plus d'impact que son tempo sera rapide. Il en va de même pour un morceau en mode majeur à la gamme ascendante, mais dans une proportion moindre.<br /></p>
<h3>Intervalles et accords</h3>
<p>Les effets psychophysiologiques des intervalles et accords sont, assez curieusement, transverses aux cultures humaines. Les intervalles (i.e. les notes sont jouées successivement) impliquent une sensation d'évolution entre deux états, tandis que les accords (i.e. les notes sont jouées simultanément) évoquent directement un état. J'indique ici la manière dont les intervalles et accords sont généralement perçus.<br /></p>
<p><strong>Intervalles de seconde augmentée dans chaque tétracorde de l'octave</strong> : ambiance orientale. Si en outre la gamme est essentiellement pentatonique (c'est-à-dire que la gamme ne comporte que 5 tons : par exemple "do, ré, mi, sol la"), alors l'ambiance sera extrême-orientale.</p>
<h4>Intervalles à valence positive.</h4>
<p>Les intervalles et accords présentant une valence positive sont consonants. La nature de l'émotion positive suscitée dépend directement de l'intervalle consonant en question.<br /></p>
<p><strong>Tierce majeure</strong> : joie, victoire, fierté.<br /></p>
<p><strong>Quarte juste</strong> : solidité, puissance.<br /></p>
<p><strong>Quinte juste</strong> : perfection.<br /></p>
<p>Tierce majeure, quarte juste et quinte juste sont les intervalles principaux du thème de Superman composé par John Williams, ce qui, évidemment, n'est pas un hasard.<br /></p>
<p><strong>Sixte majeure</strong> : clarté, élévation.<br /></p>
<p><strong>Octave (unison)</strong> : harmonie, absolu, transcendance (pensez au "Alleluia" de Haendel).<br /></p>
<h4>Intervalles à valence négative</h4>
<p>La plupart sont des dissonances. La nature de l'émotion négative suscitée par la dissonance dépend en revanche des autres caractéristiques de la musique dans laquelle cet accord dissonant s'intègre.<br /></p>
<p><strong>Seconde diminuée</strong> : angoisse, tourment, mélancolie. Les premières notes des "Dents de la mer" de John Williams vous rappelleront à quel point une mélodie présentant des intervalles de seconde diminuée peut susciter l'angoisse. Dans le cas d'un accord, la seconde diminuée est dissonante car les notes ne sont séparées que d'un demi-ton, et crée une forme de battement / ondulation.<br /></p>
<p><strong>Loups</strong> : un loup est une ondulation perceptible et désagréable, résultant d'un écart très faible entre deux notes jouées simultanément - encore plus faible que l'intervalle de seconde diminuée. Il donne immédiatement une impression de fausseté, d'inexactitude. Rares sont les compositeurs qui en usent à des fins psychophysiologiques, mais on peut citer en exemple Joseph LoDuca, qui les exploite dans la bande originale du film Evil Dead pour augmenter l'étrangeté des séquences de possessions démoniaques.<br /></p>
<p><strong>Triton (quarte augmentée ou quinte diminuée "du Diable")</strong> : l'<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Triton_(musique)" hreflang="fr">article de wikipedia</a> est très bien fait et explicite. Il s'agit d'un intervalle faisant exactement trois tons. Il n'est pas désagréable à proprement parler, mais semble "dur" à l'oreille.<br /></p>
<p><strong>Septième augmentée</strong> : l'accord de septième augmentée est un accord entre la note tonique de la gamme et la note sensible - souvent altérée par un dièse. L'intervalle et l'accord de septième augmentée suscitent immédiatement une tension importante en raison de l'écart des notes.<br /></p>
<p><strong>Intervalles plus grands</strong> : les intervalles séparés de plusieurs octaves, en l'absence de notes intermédiaires, créent un "vide" dans le spectre musical, et suscitent une tension, laquelle est directement proportionnelle au "vide" dans le spectre musical. Les compositeurs de musiques de films usent (voire abusent) de cet effet, en posant une basse très grave et en superposant une mélodie mineure et légèrement dissonante plus aiguë de quatre voire cinq octaves - le meilleur exemple doit en être le thème de Halloween composé par John Carpenter.<br /></p>
<p>C'est ici qu'il importe de préciser les effets du <strong>spectre musical</strong>. <em>Plein</em>, c'est-à-dire avec une orchestration constituée de multiples instruments aux tessitures complémentaires permettant d'éviter des intervalles trop importants entre des accords "chevauchant" plusieurs instruments, il aura tendance à véhiculer des émotions compatibles avec des scènes diurnes, l'évidence. <em>Minimaliste</em>, c'est-à-dire avec une orchestration comportant peu d'instruments dont les tessitures sont éloignées les unes des autres sur la gamme, le morceau aura plutôt une tendance à véhiculer une impression de scène nocturne, de discrétion.<br /></p>
<h3>Le cas particulier du volume sonore</h3>
<p>Le volume sonore a pour principal effet de faire varier l'intensité de l'émotion ressentie. Plus le volume sonore est important, plus l'intensité de l'émotion est forte.<br />
Cependant, dans le cadre d'une partie de jeu de rôle, à la différence d'un concert ou d'un opéra, la musique n'est pas le vecteur unique, ni même le vecteur principal de la narration. Il est donc essentiel pour le meneur de jeu de rester vigilant afin d'empêcher que la musique ne couvre ou ne trouble les échanges entre les participants à la partie.<br />
En outre, le meneur peut avoir besoin de diffuser une musique avec un certain volume sonore, surtout dans le cas où ce volume est la principale caractéristique qui donnera de l'intensité à la scène que le morceau a vocation à illustrer - mais cette situation peut aboutir à faire passer la musique avant la narration, et il n'est jamais exclu que la réaction spontanée d'un joueur (l'incertitude permanente des jeux de rôle) ne gâche l'effet voulu.<br /></p>
<p>Dans cette hypothèse, il est préférable pour le meneur de travailler l'articulation entre la narration et l'illustration musicale, en préparant par avance les morceaux qui seront joués et le texte qui sera dit par le meneur.<br /></p>
<h2>Articuler narration et illustration musicale</h2>
<p>Articuler narration et illustration musicale requiert avant tout de minuter précisément les structures musicales des morceaux envisagés. Ce minutage est <del>nécessaire</del> indispensable afin de savoir de combien de temps réel de jeu le meneur et les joueurs disposent avant le prochain changement de structure musicale modifiant sa valence, son excitation, ou encore la nature de l'émotion suscitée.<br /></p>
<p>A titre d'illustration (musicale, hu hu hu), prenons <a href="https://www.youtube.com/watch?v=lLjwkamp3lI" hreflang="en">le deuxième mouvement de la <em>Symphonie n°94 en sol majeur dite "la Surprise"</em> de Joseph Haydn</a>. Au début de ce mouvement, qui a donné son nom à la symphonie (après 33 secondes dans l'interprétation dont le lien est fourni), la deuxième exposition de la mélodie principale donne lieu à un accord fortissimo propre à réveiller tout auditeur endormi, et qui peut avantageusement constituer l'illustration musicale d'un coup de théâtre soudain et stupéfiant.<br />
Pour utiliser efficacement ce morceau dans une narration, le meneur doit "caler" ses descriptions et éventuels échanges avec les joueurs afin d'éviter que celles-ci ne soient interrompues au mauvais moment par la survenance de cet accord : il sait que précisément 33 secondes après le début du morceau, les joueurs vont ressentir de la surprise.<br /></p>
<p>Autre exemple plus moderne, "<em>Careful with that axe, Eugene</em>" des Pink Floyd, met en place pendant plusieurs minutes une ambiance tendue (à cause de l'intervalle important entre basse et mélodie, spectre large peu comblé par les autres instruments) et languissante (des accords au rythme binaire de basse séparés d'une octave, soutenant une mélodie plutôt descendante en mode mineur) soudainement brisée par un roulé et un cri déchirant (un peu avant la 5ème minute), qui augmente encore l'excitation à valence négative du morceau.<br />
Ce morceau laisse plus de temps au meneur pour poser ses descriptions avant la survenance du changement de structure qui modifie la valence et/ou l'excitation du morceau et/ou les émotions véhiculées par la musique.<br /></p>
<p>Par conséquent, pour caler sa narration, le meneur de jeu doit avoir préparé son utilisation des morceaux musicaux, en connaissant (soit qu'il ait des fiches, soit qu'il ait une bonne mémoire) chaque changement important de valence, d'excitation, et/ou de nature de l'émotion suscitée - et la nature de ces changements.<br /></p>
<p>S'il parvient à identifier rapidement un morceau qui conviendrait et présenterait les changements de valence / excitation dont il a besoin, le meneur de jeu peut même parvenir à <strong>improviser</strong> l'illustration musicale d'une scène.<br /></p>
<h2>Aspects pratiques</h2>
<p>Mais assez de théorie ! Voyons comment mettre en pratique les informations ci-avant.</p>
<h2>Sources musicales</h2>
<p>Premier travail du meneur de jeu, sélectionner les sources musicales de ses illustrations, pour trouver celles qui correspondent aux émotions qu'il souhaite véhiculer. Évidemment, tout est possible, mais voici les différents avantages et inconvénients de certaines sources musicales.</p>
<h3>Musiques de compositeurs divers et variés (modernes ou non)</h3>
<p>Avantages : Évocatrices, de notoriété variable (certaines sont assez réussies et pourtant bien obscures, ce qui permet d'éviter l'effet de reconnaissance par un joueur), elles sont également la base de l'inspiration pour d'autres musiques de films. Tiens, par curiosité, n'hésitez pas à comparer "<em>Uranus, the Magician</em>" du compositeur Gustav Holst avec le morceau de John Willliams qui illustre l'abordage de la corvette corellienne par le Star Destroyer impérial au début du film "La Guerre des Étoiles".<br /></p>
<p>Inconvénients : Ces musiques sont la plupart du temps des morceaux qui contiennent leur propre narration, et sont donc peu propices à l'accompagnement. Les plus réussis de ces morceaux seront probablement connus des joueurs, sans compter qu'il peut toujours se trouver dans un groupe de joueurs un mélomane pour lequel Holst, Wagner et Mahler (ou bien Daft Punk, Mitch Murder et Betamaxx) n'ont pas de secret.<br /></p>
<h3>Chansons</h3>
<p>Avantages : habituellement relativement constantes dans leurs valence & excitation, c'est probablement le seul avantage en termes de transmission d'émotions qu'on peut leur trouver.<br /></p>
<p>Inconvénients : si l'on met de côté leur notoriété, à moins de tomber sur une version purement instrumentale, les chansons sont des musiques qui accompagnent déjà la narration constituée des vocalises du chanteur. Utiliser une chanson revient donc faire parler (en chant) quelqu'un d'autre pendant que le meneur et les joueurs parlent eux-mêmes, ce qui est contre-productif et contradictoire avec l'objectif de véhiculer une émotion.<br />
Cet inconvénient est nettement diminué lorsque la langue du chanteur est inconnue des joueurs.<br />
Échapper totalement à cet inconvénient est possible :<br /></p>
<ul>
<li>lorsque la chanson est précisément celle écoutée à ce moment dans l'univers de jeu par les personnages. Dans cette hypothèse, elle n'est pas utilisée pour véhiculer une émotion ;<br /></li>
<li>lorsque la chanson sert de "générique" à une partie à la manière d'une "série télévisée".<br /></li>
</ul>
<h3>Musiques de films et séries télévisées</h3>
<p>Avantages : Les musiques de films et séries télévisées sont particulièrement évocatrices, et ont d'ores et déjà été conçues pour l'accompagnement d'une narration. Pas étonnant dans ces conditions que de très nombreux meneurs de jeu privilégient fortement ces sources musicales pour l'illustration de leurs parties de jeu de rôle.<br /></p>
<p>Inconvénients : Les musiques de films et séries ont un défaut principal qui découle précisément de leur principale qualité. Celles-ci sont en effet d'ores et déjà conçues pour l'accompagnement d'une narration, mais cette narration est préexistante : ce sont les événements du film, de la série. Ce qui va se dérouler au cours de la partie de jeu de rôle ne correspondra donc pas nécessairement aux changements de valence et d'excitation du morceau utilisé pour illustrer musicalement la partie.<br />
Autre inconvénient, les musiques de films et séries sont souvent aussi célèbres que les œuvres vidéographiques dont elles sont extraites. Pour éviter que les joueurs ne reconnaissent une musique tirée d'une telle source, le meneur de jeu devra se débrouiller pour trouver des bandes originales de qualité provenant d’œuvres méconnues par ses joueurs. Or les films et séries méconnus le sont souvent pour de bonnes raisons (médiocrité ou manque de budget, les deux pouvant aller de pair) et leurs bandes originales sont pour ces raisons plus difficiles à trouver.<br /></p>
<h3>Musiques de jeux vidéo</h3>
<p>Avantages : les musiques de jeu vidéo ont parcouru énormément de chemin depuis l'époque de <em>pong</em> et ses effets sonores d'ondes en dents de scie ou les ritournelles en 8-bit. Les grosses productions de studios s'inspirent des orchestrations du cinéma, tandis que les applications de jeux mobiles un peu évoluées présentent parfois des musiques étonnantes de qualité.<br />
Deuxième avantage, et non des moindres : quand elles n'ont pas vocation à illustrer une cinématique, la plupart des musiques de jeu vidéo "bouclent" sans changement notable de valence / excitation / émotion. Cela signifie que leur durée n'est pas un problème si la scène avec les personnages joueurs dure plus longtemps que prévu, et le meneur peut les "laisser tourner" tant qu'il a besoin de véhiculer l'émotion qu'elles suscitent.</p>
<p>Inconvénients : les musiques de jeu de qualité demeurent encore l'exception plutôt que la règle, et les plus réussies deviennent vite notoires et surexploitées. Compte tenu de ce qu'il l'aura entendu de nombreuses fois, un joueur de jeu vidéo reconnaîtra très facilement une musique venant d'un jeu auquel il a joué. Enfin, comme ces musiques "bouclent", la tentation sera grande pour le meneur de jeu de choisir la voie de la facilité et de se mettre à "sonoriser" plutôt qu'"illustrer musicalement".</p>
<h3>Musiques sur Internet</h3>
<p>On trouve maintenant de nombreuses sources dédiées à l'écoute de musique sur Internet. Je ne mentionnerai pas Youtube, Deezer ou Spotify qui reprennent des catalogues de musiques appartenant aux catégories précitées.</p>
<p>Parlons donc de :</p>
<h4>Tabletopaudio.com</h4>
<p>Avantages : ces musiques sont non seulement conçues pour l'accompagnement, mais en outre spécifiquement pour l'accompagnement de parties de jeux de rôle, avec un classement thématique très utile. La plupart des musiques proposées, qui "collent" assez bien à leur classement thématique, ont en outre l'avantage de boucler. Le "soundpad" proposé par le site web permet également de bruiter les parties et de faire du sound design en temps réel (sous réserve d'avoir pris le temps d'écouter le caractère approprié des bruitages). Enfin, les musiques ne présentent pas de notoriété particulière.<br /></p>
<p>Inconvénients : le nombre limité de musiques disponibles, qui sont d'un mérite esthétique variable, et qui ne peuvent pas être utilisées sans connexion Internet. Comme celles-ci bouclent, attention à ne pas céder à la tentation de les laisser tourner en fond sonore en perdant de vue les objectifs de l'illustration musicale.<br /></p>
<h4>Soundcloud.com</h4>
<p>Avantages : le nombre de musiques disponibles sur Soundcloud est très important, et surtout nombre d'utilisateurs mettent des "tags" sur les musiques appropriées pour l'illustration de parties de jeu de rôle, à titre d'exemples : les tags "<em>roll20</em>" et "<em>soundscape vision</em>". Vous pouvez ainsi préparer des playlists thématiques en piochant dans les morceaux mis à disposition par les autres utilisateurs.<br />
Avantage très intéressant de soundcloud, la visualisation de l'avancement de la lecture des morceaux sous forme d'ondes, qui permet d'anticiper <ins>visuellement</ins> les changements de structure musicale et "surprises" à la Haydn.<br /></p>
<p>Inconvénients : la qualité et l'esthétique des morceaux sur Soundcloud est très variable, le meilleur y côtoie le pire d'une piste à l'autre. En outre, tous les morceaux ne sont pas téléchargeables - ce serait même l'exception - ce qui rend indispensable de demeurer connecté à Internet pour utiliser ce service pendant une partie.<br /></p>
<h4>Les sites de musique libre (par exemple Jamendo.com)</h4>
<p>Avantages : avantage immédiat et le plus évident des musiques libres, c'est leur liberté d'usage. Téléchargeables pour la plupart, ceci rend possible leur emploi dans une partie de jeu de rôle "offline". Le nombre de celles-ci est également tout à fait respectable, ce qui donne du choix aux meneurs de jeu.<br /></p>
<p>Inconvénients : inconvénient majeur de la musique libre, un fréquent manque de qualité esthétique. Ceci est d'autant plus fâcheux que ce sont bien les qualités esthétiques d'une musique qui aident de véhiculer une émotion. Hélas, rares sont les musiques qui se distinguent du lot sur des sites comme Jamendo.com.<br /></p>
<h3>Jouer les pistes</h3>
<p>Après avoir étudié les sources ci-avant et choisi les morceaux qui lui semblent les plus appropriés pour véhiculer ou susciter les émotions qui illustreront les scènes de sa partie, le meneur de jeu doit s'interroger sur la manière pratique de les faire entendre à ses joueurs pendant la partie. Il existe plusieurs solutions, qui ont leurs avantages et leurs inconvénients.<br /></p>
<h4>Sources de diffusion</h4>
<p>Le meneur de jeu dispose de nombreuses possibilités de sources principales pour diffuser la musique qu'il souhaite pendant une partie : l'ordinateur, le téléphone, le baladeur FLAC, la tablette, le flux audio d'une playlist via une enceinte reliée à un service de diffusion, etc.<br /></p>
<p>Toutes ces possibilités sont également valables tant qu'elles permettent une diffusion et un contrôle fluide des musiques. Le meneur de jeu doit trouver la solution qui lui fait perdre le moins de temps possible à chercher la bonne piste ou le bon morceau : pendant qu'il consacre ce temps à la recherche de la piste, il n'est pas en train d'interagir avec les joueurs. Par expérience, l'utilisation d'un lecteur CD portable est curieusement plus rapide que celle d'un lecteur audio digital, car pour le premier, il suffit de mettre le bon cd et d'avoir mémorisé le n° de piste pour tout de suite avoir la musique qui va bien, tandis que le second requiert de prendre le temps de naviguer jusqu'au bon fichier.<br /></p>
<p>L'ordinateur est plus encombrant mais permet d'afficher en même temps de nombreuses pistes (moins de temps perdu à rechercher la bonne), et peut également avoir d'autres utilités pour le meneur indépendamment de la diffusion musicale (prise de notes, etc.).<br /></p>
<p>Une possibilité souvent sous-estimée est celle de réaliser sa propre "<em>soundboard</em>", sa propre table d'échantillons sonores. De nombreuses applications mobiles et sur tablettes proposent à leur utilisateur de créer ses propres tables, en chargeant dans l'application ses propres échantillons sonores, et en préparant des "boutons" tactiles pour déclencher leur diffusion. La plupart de ces applications ne mettent pas de limite à la durée des échantillons, qui peuvent très bien être des morceaux de musique.<br />
En préparant très en amont ses tables de sons, par exemple une par ambiance, le meneur de jeu peut disposer d'un puissant outil qui lui permet, sans cesser d'interagir avec les joueurs, d'appuyer discrètement sur une zone de l'écran tactile et de lancer la musique appropriée. Il n'est donc plus besoin d'aller naviguer dans l'arborescence des dossiers du baladeur ou de l'ordinateur : tout ce dont le meneur a besoin est là, à portée de son doigt.<br /></p>
<p>Les applications de tables de son offrent pour la plupart une possibilité supplémentaire : celle de nommer le bouton tactile indépendamment du fichier de musique qui lui est associé. Or, l'astuce consiste à nommer chaque bouton selon une charte de nommage permettant de connaître la nature de l'émotion véhiculée, la durée du morceau, l'existence d'un changement soudain de valence et/ou d'excitation.<br />
L'auteur de ces lignes utilise ainsi la charte de nommage suivante :<br /></p>
<blockquote><p>
<strong>Mot-clef sur valence</strong> | <strong>Durée totale en secondes</strong> | _ | <strong>Changement</strong> | <strong>Temps en secondes auquel arrive le changement</strong></p></blockquote>
<p>Ainsi, un fichier s'appelant <em>BridgeOut30_Slash18</em> est l'indication, sur la table de sons de l'auteur de ces lignes, qu'il s'agit d'un extrait de 30 secondes issu du morceau "Bridge Out !" de Joseph LoDuca, provenant de la bande originale du film "the Evil Dead". Le <code>_Slash18</code> est une indication de ce qu'à la 18e seconde de cet extrait retentit un accord vif et dissonant, ressemblant aux glissandos rapides qui illustrent les coups de couteau dans le film "Psychose".<br /></p>
<p><img src="https://blog.xyrop.com/public/Gamemastering/Images/Screenshot_2016-12-12-19-51-11.png" alt="" style="display:table; margin:0 auto;" title="Exemple de SoundBoard" /></p>
<p>Évidemment, le morceau initial de Joseph LoDuca ne dure pas que 30 secondes. Cependant, il est nécessaire de le couper via un fondu vers le silence, car après 30 secondes, la structuration de la musique change pour accompagner la narration du film - problème habituel des musiques de film, que le recours à un mixage (par exemple via un outil libre comme <a href="http://audacity.fr/" hreflang="fr">Audacity</a>) permet de pallier.<br /></p>
<p>Dans tous les cas, quelle que soit la source de diffusion choisie, il est essentiel d'anticiper les changements de musique. Au moment où le meneur de jeu diffuse une musique particulière pour illustrer une scène, il est impératif qu'il se projette déjà dans la scène suivante, et qu'il commence à réfléchir si la musique sera nécessaire, et, si oui, à l'émotion qu'il voudra véhiculer et susciter : pour casser le moins possible le rythme de la partie, le choix de la piste musicale suivante devrait être arrêté avant le passage à la scène suivante.<br /></p>
<p>Une fois la source de diffusion choisie, reste la question des moyens de diffuser la musique.<br /></p>
<h4>Moyens de diffusion</h4>
<p>La qualité de diffusion d'une musique a un impact direct sur ses valences et excitation. Mis à part dans rares cas particuliers où par exemple le souffle crachotant d'un 78 tours peut avoir un véritable impact sur l'ambiance d'une scène située dans un passé proche, une bonne qualité d'écoute est nécessaire pour véhiculer et/ou susciter les effets psychophysiologiques voulus par le meneur de jeu.<br /></p>
<p>Les enceintes et hauts-parleurs internes de téléphones et d'ordinateurs portables sont à proscrire : elles émettent une bouillie sans ampleur qui est de plus couverte par les voix des joueurs.<br /></p>
<p>Beaucoup de meneurs favorisent de petites enceintes stéréo. Cependant celles-ci ont un inconvénient majeur : tous les joueurs ne vont pas percevoir également la musique diffusée. Le joueur plus près d'un baffle jouira du (ou sera gêné par le) volume plus important que celui qui en est éloigné.<br />
En outre, la stéréophonie implique que seul le joueur à équidistance des deux enceintes dispose d'une "balance" correcte. L'un bénéficiera du canal de droite, l'autre du canal de gauche, or les joueurs sont toujours répartis autour de la table.<br /></p>
<p>Une solution consisterait à éloigner les enceintes le plus possible de la table et l'une de l'autre, afin de couvrir une large zone, mais encore faut-il que ces enceintes soient suffisamment puissantes, et le son suffisamment clair pour que tout le monde puisse profiter de l'illustration sonore sans être gêné.<br /></p>
<p>Le son spatial d'une chaîne de qualité est nettement préférable, mais hors le coût de ce moyen de diffusion, les problèmes liés à la stéréophonie peuvent encore survenir selon la configuration de la table de jeu / de la pièce. Si les enceintes sont trop proches, l'un entendra surtout le canal des satellites surround, l'autre aura l'oreille collée au haut-parleur gérant le canal gauche.<br /></p>
<p>En fait, à part dans le cas où le meneur de jeu dispose d'une installation de très bonne qualité (et de très grand coût), la stéréophonie & le son spatial empêchent chaque joueur de percevoir également les canaux musicaux, ce qui trouble les effets psychophysiologiques que le meneur de jeu voudra susciter.<br />
De surcroît, une telle installation empêche toute mobilité : le meneur de jeu qui voudra illustrer musicalement devra illustrer musicalement chez lui et nulle part ailleurs.</p>
<p><strong>L'idéal serait de pouvoir distribuer à chaque joueur un son monophonique, rassemblant les canaux de son sans trop de distorsion, et de manière à ce que chacun soit en mesure de percevoir le son à peu près à la même distance.</strong><br /></p>
<p>Les enceintes monophoniques à haut parleur sont revenues à la mode, mais leur qualité est en général insuffisante. La plupart manquent de l'amplitude nécessaire pour susciter les effet psychophysiologiques voulus, sans parler de l'écrêtage, et toutes ont encore une fois le même défaut : selon sa place à la table, plus ou moins éloigné de l'enceinte, chaque joueur ressentira un volume sonore supérieur ou moindre.<br /></p>
<p>Or, des enceintes permettent actuellement de pallier ces insuffisances. Ce sont les enceintes vibrantes, qui transforment la table de jeu elle-même en moyen de diffusion sonore monophonique. Ainsi, chaque joueur jouit d'un son monophonique correct, et tous les joueurs se trouvent équidistants de l'appareil l'émetteur du signal sonore, puisqu'il s'agit de la table de jeu elle-même.<br /></p>
<p>Pour une cinquantaine d'euros environ, soit le prix d'un gros livre de base, l'enceinte vibrante est donc un investissement avisé pour un meneur souhaitant pratiquer l'illustration musicale de ses parties de jeu de rôle.<br /></p>
<h2>Pour aller plus loin :</h2>
<p><a href="http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3259101/" hreflang="en">Cognitive and affective judgements of syncopated musical themes (Keller, Schubert)</a></p>
<p><a href="http://www.utm.utoronto.ca/~w3psygs/SwaminathanSchellenberg2015.pdf" hreflang="en">Current emotion research in music psychology (Swaminathan, Schellenberg)</a></p>
<p><a href="http://www.egermann.net/wp-content/uploads/2013/12/Egermann_2013_MP.pdf" hreflang="en">Empathy and emotional contagion as a link between recognized and felt emotions in music listening (Egermann, McAdams)</a></p>
<p><a href="http://icmpc-escom2012.web.auth.gr/sites/default/files/papers/520_Proc.pdf" hreflang="en">Musical emotions: perceived emotion and felt emotion in relation to musical structures (Kawakami, Furukawa, Okanoy)</a></p>
<p><a href="http://www.cs.tufts.edu/~jacob/250hcm/gomez.pdf" hreflang="en">Relationships between musical structure and psychophysiological measures of emotion (Gomez, Danuser)</a></p>
<p><a href="http://www.claudegabriel.be/Acoustique%20chapitre%2011.pdf" hreflang="fr">Support pédagogique "Chapitre 11 : acoustique musicale et gamme(s)" (Claude Gabriel)</a></p>https://blog.xyrop.com/post/Illustration-musicale-en-JdR#comment-formhttps://blog.xyrop.com/feed/atom/comments/66