Xyrop - Mot-clé - conseils2024-02-29T08:30:42+00:00urn:md5:a569525ea7dae80655214b43ebf9d4d9Dotclear[Retour d'expérience] Organiser des démos de JdR en conventionurn:md5:5ffaa848a0d7989b668bdc20d25ba59b2020-09-06T16:37:00+02:002020-09-06T16:37:00+02:00LudoxconseilsConventionDémoRetour d expérienceSalon<p>Cette période de confinement et de limitation des échanges physiques - et ce hiatus corollaire dans le déroulement régulier des conventions et salons de JdR en raison des circonstances sanitaires actuelles - sont une occasion propice pour faire le point sur les bonnes pratiques et écueils de l'organisation pratique des démonstrations de JdR en convention. <a href="https://blog.xyrop.com/post/2018/01/22/%5BTactique-de-ma%C3%AEtrise%5D-Mener-une-partie-de-2-heures-maximum-en-convention-ou-salon">Un précédent billet explorait les arcanes de la maîtrise en convention</a>, celui-ci est plus orienté à destination des organisateurs que des meneurs (qui y trouveront néanmoins probablement matière à réflexion).</p>
<p>La plupart de ces recommandations et bonnes pratiques sembleront, pour la plupart des lecteurs, frappées au coin du bon sens. Et pourtant, au cours de mes presque 25 ans d'expérience des démos en convention, j'ai personnellement constaté des pratiques différentes, voire diamétralement opposées, avec inévitablement des résultats au mieux mitigés, et au pire catastrophiques.</p>
<p>Évidemment, comme il s'agit d'un retour d'expérience, toutes ces considérations sont éminemment subjectives et complètement critiquables. Bref, comme disent nos amis anglophones : YMMV (<em>Your Mileage May Vary</em>).</p> <h2>Remarque préliminaire</h2>
<p>Il est difficile de proposer des recommandations génériques sur les opérations préparatoires, dans la mesure où les salons et conventions ont chacun leur fonctionnement particulier, qui est souvent décidé unilatéralement par les organisateurs et sponsors du salon.</p>
<p>Certaines conventions demandent des inscriptions en ligne, parfois avec confirmation sur place, d'autres proposent uniquement des inscriptions sur place, certaines font du panachage, etc.</p>
<p>Écartons le cas des tables de démonstration dont certains éditeurs de jeu disposent directement sur leur stand (ayant réservé une partie de leur espace à cet effet), et penchons-nous plutôt sur le cas très fréquent où les organisateurs centralisent les parties de démonstration ou en confient le soin à une entité quelconque (association ou fédération d'associations).</p>
<p>Avant de réfléchir à la meilleure manière de gérer les inscriptions, il est nécessaire de rappeler les deux principales approches des visiteurs.</p>
<h2>Les approches des visiteurs</h2>
<p>Les visiteurs souhaitant pratiquer des parties de JdR sur les salons et conventions adoptent deux approches non exclusives : celle des "organisés", et celle des "spontanés".</p>
<p>Les tenants de l'approche organisée ont déjà prévu leur journée de convention : ils ont des stands qu'ils veulent visiter en priorité, et des activités qu'ils ont déjà repérées et auxquelles ils veulent participer. En principe, ils ne seront présents à des démonstrations de JdR que si celles-ci s'inscrivent dans leur plan organisé de visite de la convention. Ils ne sont pas contre une partie de JdR impromptue, tant que les horaires de celle-ci ne remettent pas en cause leur planning de convention, et que le lieu de celle-ci ne les oblige pas à s'éloigner trop du lieu de la convention principale (d'autant qu'ils peuvent avoir des contraintes de transport). Pour autant, ils peuvent prévoir des zones de "temps libre" où ils comptent flâner voire se livrer à une activité plus spontanée.</p>
<p>Les aficionados de l'approche spontanée arrivent sans avoir véritablement prévu leur journée de convention. Ils savent globalement de combien de temps ils disposent (sans nécessairement se fixer sur une heure de départ impérative, sauf s'ils ont un train à prendre), et veulent d'abord flâner et découvrir le salon de manière générale avant de se décider sur une activité ou une autre (dont la participation à une partie de démo de JdR peut faire partie). Cela signifie qu'ils n'accepteront jamais de se fixer pendant 2 heures sur une partie de démo au début de leur visite. Ils auront également une certaine réticence à s'inscrire à l'avance à une partie de démonstration, ne se décidant immédiatement que quand la fatigue les rattrapera : vers 13-14h au moment de manger leur sandwich, vers 16h au moment du goûter, et ils savent aussi qu'il faudra rentrer vers 18h30 (voire plus tôt s'ils ont un train / avion à prendre).</p>
<p>La plupart des visiteurs panacheront les deux approches : organisés au début de leur visite, et plus spontanés en fin de visite (sauf si des activités spécifiques telles qu'une passionnante conférence sur l'usage du macramé en JdR sont programmées vers la fin de la journée de convention, auquel cas ces visiteurs garderont une part d'organisation au sein de leur spontanéité).</p>
<h3>L'impact des approches sur les méthodes d'inscription aux démos de JdR</h3>
<p>En début de journée de convention, il y a évidemment évidemment moins de visiteurs de manière globale, et en outre une proportion plus importante de visiteurs en approche organisée qu'en approche spontanée. Cela signifie qu'en début de journée de convention, il sera très difficile d'attirer spontanément des joueurs à une partie de démonstration de JdR.</p>
<p>Corollaire : si les inscriptions aux parties de démonstration ont été proposées suffisamment longtemps avant la convention (par exemple via une inscription obligatoire sur Internet), alors ces participations aux démonstrations pourront plus facilement s'intégrer dans le plan de visite des visiteurs avec une approche organisée, et se rempliront plus aisément : bref, il y aura moins de chance de trouver des MJ désœuvrés sur le stand, qui se tournent les pouces en attendant des joueurs.</p>
<p>La bonne pratique pour la gestion des parties matinales est donc l'inscription obligatoire préalable à la convention. Cette pratique a cependant un inconvénient qui se ressent plus à partir du milieu de l'après-midi : les créneaux des parties se remplissent vite, et les visiteurs qui ont une approche plus spontanée peuvent se sentir frustrés de ne pas pouvoir s'engager dans une partie impromptue.</p>
<p>L'inscription préalable obligatoire devrait idéalement être complétée en milieu de journée de convention par un fonctionnement plus flexible, en ajoutant par exemple 1 table "tampon" par tranche de 5 tables de JdR avec inscription.</p>
<p>Ces tables tampon seront destinées à des démos de JdR sans inscription préalable, afin d'accueillir les visiteurs non prévoyants et ainsi éviter de leur refuser l'expérience de la partie de JdR en convention. Il est préférable pour éviter la frustration des MJ et les refus des visiteurs que ces tables "tampon" soient des tables proposant des parties courtes voire très courtes, avec des JdR très populaires / grand public (Donjons & Dragons, l'Appel de Cthulhu, <a href="https://blog.xyrop.com/index.php/post/Ultime-Vengeance-3D">Ultime Vengeance 3D</a>, etc.).</p>
<h2>La gestion des inscriptions</h2>
<p>"<em>Ben, pour s'inscrire, c'est simple, on écrit son nom sur une liste pour indiquer qu'on sera présent à telle ou telle table, en fonction des places disponibles ?</em>"</p>
<p>Non, ce n'est pas si simple, car il y a un certain nombre de paramètres à prendre en compte, notamment la popularité des jeux, le nombre de tables, l'affluence, les annulations de dernière minute, la disponibilité des MJ, etc.</p>
<p>Au cours de ces années de convention, j'ai vu de nombreuses techniques de gestion des inscriptions des tables de démonstration pour gérer ces paramètres. Certaines fonctionnent, d'autres moins, d'autres encore ont été imaginées par des esprits altérés par l'inhalation intensive de solvants à base d'acétone.</p>
<h3>Un rappel de bon sens</h3>
<ul>
<li><strong>Ne proposer qu'un seul jeu par MJ par créneau par table</strong>. Les MJ ont certes tous les dons, sauf celui d'ubiquité. Prévoir qu'un MJ puisse proposer deux jeux alternatifs sur le même créneau revient à prendre le risque de se retrouver avec 2 joueurs qui veulent jouer à Metal Adventures, et 3 qui veulent jouer à L5R : quel que soit le jeu choisi, il y aura des visiteurs frustrés de ne pas jouer au jeu qu'ils ont choisi. Même à supposer qu'un MJ "de secours" essaie de sauver la situation, y aura-t-il une table disponible ou suffisamment de joueurs pour que la partie se déroule correctement ? Cette situation intervient souvent à l'initiative du MJ en question. Qu'il ait peur de ne pas avoir assez de joueurs, ou qu'il soit pathologiquement indécis, peu importe la raison : les organisateurs de la table doivent trouver le courage de lui dire <strong>non</strong>, et l'obliger à faire un choix.</li>
</ul>
<h3>Les bonnes pratiques des inscriptions en ligne</h3>
<ul>
<li><strong>Proposer une sélection limitée de jeux et de créneaux, et ouvrir de nouvelles tables de jeux et de nouveaux créneaux progressivement.</strong> Ceci consiste à ouvrir progressivement les tables de jeu 5 par 5, en s'assurant à chaque fois d'avoir au moins 3 propositions de jeux moins connus ou moins populaires sur les 5, et au moins 1 jeu populaire façon Warhammer, Cyberpunk ou Donjons & Dragons. En proposant des jeux moins connus en même temps que des locomotives du marché du JdR, le visiteur souhaitant s'inscrire peut découvrir au moins par le bouche-à-oreille (enfin l'écran-à-œil) des jeux dont il ignorait peut-être l'intérêt ou l'existence, et qui sont en outre montrés sur un pied d'égalité avec les grosses locomotives précitées (qui n'ont peut-être pas besoin de ça, mais les "petits" jeux, eux, en ont besoin). L'écueil serait de proposer la totalité des créneaux de parties en même temps, ce qui revient à s'assurer que les joueurs potentiels se précipiteront sur les jeux qu'ils connaissent déjà (pas le temps de lire toutes les descriptions !), et prendre de surcroît le risque de condamner les tables concernant des JdR moins populaires ou moins connus à ne pas trouver immédiatement de joueurs.</li>
</ul>
<ul>
<li><strong>Permettre aux joueurs de choisir le jeu et leur table.</strong> Ça y est, j'en vois qui écarquillent les yeux. Oui, il y a des conventions où vous ne choisissez pas à quel jeu vous jouerez. La bonne pratique des inscriptions en ligne consiste à laisser les joueurs s'inscrire à l'avance aux parties de leur choix, et de fermer les inscriptions aux tables quand elles sont pleines. Ceci permet à nouveau de proposer des jeux moins connus sur un pied d'égalité avec des locomotives du JdR, et également assure que chaque joueur qui s'inscrit participera bien à la partie qu'il a choisie (même si son choix était peut-être un peu contraint, au final). Ça fait plaisir aux MJ moins mainstream, et ça évite surtout les frustrations des joueurs qui sont assurés de jouer à la partie qu'ils ont sélectionnée. L'écueil serait de proposer une liste de souhaits et d'affecter les visiteurs aux parties dans l'ordre de leurs souhaits (méthode Parcoursup, dont l'inefficacité est attestée par des dizaines de milliers d'étudiants... J'ajoute que le scrutin de Condorcet sert en principe à sélectionner un seul gagnant qui emportera le plus fort consensus, pas à classer les votants les uns par rapport aux autres !). Avec une telle méthode, les jeux les mieux connus / les plus populaires sont toujours dans les premiers choix des inscrits, les jeux "en avant-première" donc pas nécessairement connus sont le plus souvent les derniers choix, et, pour couronner le tout, les joueurs ne sont presque jamais inscrits au jeu qui aurait eu leur préférence. Conséquence inévitable : les MJ se retrouveront à leur table <strong>avec des joueurs qui auraient préféré être ailleurs</strong> ! Bref, ce n'est pas une fausse bonne idée, c'est une <strong>vraie mauvaise</strong> idée.</li>
</ul>
<h3>Gérer les inscriptions sur place</h3>
<ul>
<li><strong>La parallélisation des inscriptions sur place.</strong> La parallélisation des inscriptions est absolument nécessaire pour gagner du temps et fluidifier l'accueil des visiteurs. La difficulté vient des "collisions" d'inscriptions, qui peuvent aboutir à une table remplie deux fois, ou une table vide à cause d'une inscription auprès de l'un et d'une annulation auprès de l'autre (deux expériences vécues). Il est indispensable de disposer d'un <strong>système de centralisation de l'information</strong>. Disposer d'un validateur unique des inscriptions est une bonne idée, du moins jusqu'à ce que la personne prenne une pause ou s'épuise. Plus durable (et relevant d'une bonne pratique) est le support unique, éventuellement complété de manière collaborative. Un grand tableau blanc - avec des feutres effaçables <strong>neufs</strong> (car ils ne le seront plus à la fin de la convention) - bien mis en évidence pour le public est une solution rudimentaire mais très efficace. Quand il y a un système d'inscription en ligne (quel qu'il soit - pas de pub pour un service ou un autre), c'est CE système qui sera la "source de vérité" des inscriptions (modulo le cas des tables "tampon" en fin de journée). Et idéalement, ce système en ligne permettra de montrer le nombre de places disponibles à chaque table. Cela signifie qu'il faudra prévoir des tablettes ou supports informatiques en nombre suffisant pour gérer ces inscriptions sur place mais par le moyen informatique.</li>
</ul>
<ul>
<li><strong>Prévoir le démarrage des parties à une heure précise, et s'y tenir</strong>. Ceci permet aux visiteurs organisés de planifier leur présence, et aux visiteurs plus spontanés de continuer de flâner avant de revenir à l'heure convenue. Ceci permet également de réduire le temps d'attente des participants, ainsi que d'anticiper le remplissage des tables, la disponibilité des meneurs de jeu, les temps de pause et de nettoyage. Évidemment, les MJ doivent être à l'heure, mais <a href="https://blog.xyrop.com/post/2018/01/22/%5BTactique-de-ma%C3%AEtrise%5D-Mener-une-partie-de-2-heures-maximum-en-convention-ou-salon">la plupart des trucs pour ça se trouvent dans ce billet</a>. L'erreur que j'ai vue commise un nombre incalculable de fois est d'attendre que la table soit remplie "à au moins 3 joueurs" pour faire démarrer la partie. Cet écueil très populaire fait croire aux organisateurs des tables qu'ils sont efficaces en pensant répondre efficacement à la demande des visiteurs. Problème : cette méthode <strong>contraint les participants potentiels à attendre</strong> que la partie soit suffisamment remplie. Or, cela ne peut pas convenir aux visiteurs organisés puisqu'ils ont un planning à respecter. Cela ne peut pas convenir aux visiteurs spontanés qui, lorsqu'ils attendent, ne sont pas en train de flâner et manquent d'autres opportunités sur d'autres stands. Cela ne peut pas convenir au MJ ni aux participants parce que la durée de la partie sera réduite par le temps d'attente et les éventuels autres engagements du MJ et/ou des participants. Tout tenant du démarrage "quand la table a trois joueurs" devrait être contraint de marcher sur des d4 jusqu'à faire son autocritique publique.</li>
</ul>
<ul>
<li><strong>Prendre les noms et n° de tel / e-mail des gens qui s'inscrivent</strong>. Combien de fois ai-je vu des joueurs ne jamais se présenter alors qu'ils s'étaient censément inscrits ? Dans cette situation des visiteurs ne peuvent pas s'inscrire à une partie qui leur plaît parce que d'autres ont "bloqué la place" et négligé de prévenir de leur empêchement ou de leur annulation. Et comme ils n'ont pas laissé de moyen de les contacter, impossible de clarifier la situation : est-ce un retard ? Un oubli ? Une véritable annulation ? Bref, la bonne pratique est de demander l'e-mail et/ou numéro de téléphone de la personne qui s'inscrit à une partie, à la fois pour la responsabiliser, et à la fois pour s'assurer de pouvoir remplir la table en cas d'empêchement (ou de ne pas le faire en cas de simple retard). Pour les inscriptions en ligne, il est également préférable de recueillir, outre un pseudo, l'adresse e-mail et le numéro de téléphone des participants (dans le respect des normes RGPD, évidemment).</li>
</ul>
<h2>Comment allouer les tables, et où les placer ?</h2>
<ul>
<li><strong>Bien indiquer les tables</strong>. Les visiteurs du salon sont... des visiteurs. Connotation de cette désignation, ils ne sont pas censés connaître le salon (même si cela peut être le cas), ni ne savoir se repérer parfaitement dans celui-ci. Les parties et les tables doivent être clairement indiquées, si possible au moment même où le visiteur s'inscrit à la partie. Par exemple, préciser que la partie de WarHamster en table 1, la partie de Abe, Babes and Rollerblades en table 2, celle de Dawg RPG en table 3, avec de <strong>gros</strong> numéros clairement disposés sur les tables. Idéalement, plusieurs exemplaires d'un plan numéroté des tables disposés non loin du lieu d'inscription permettrait au visiteur de se repérer. De même, si les tables de jeu se trouvent dans un autre lieu, un plan d'accès simple et aisément compréhensible devrait être immédiatement disponible. Ce qui concerne les visiteurs concerne aussi les démonstrateurs et autres MJ invités. Ceux-ci devraient pouvoir trouver la table où ils doivent procéder à la démonstration au moins aussi facilement que les visiteurs, afin d'être rapidement opérationnels et de pouvoir accueillir les participants des démonstrations.</li>
</ul>
<ul>
<li><strong>Prévoir au moins autant de tables de jeu que de MJ</strong>. Les MJ invités ou non sont venus pour faire des démonstrations de certains jeux. Le leur, celui d'un copain, celui d'une grosse locomotive de l'industrie, ou juste un jeu qui leur tient à cœur. Ils ne vont probablement profiter que de 10% de la convention (en allant aux toilettes). Ils sont d'accord avec le fait de tout donner sur 1, 2 ou 3 jours plus les nocturnes et faire des parties de démonstration aussi mémorables que possible. Corollaire, non seulement il ne faut pas leur faire payer le billet d'entrée, mais en outre, et c'est la moindre des choses, les organisateurs doivent être en mesure de leur garantir une table de jeu sur leurs créneaux de démonstration. S'il y a plus de MJ que de tables disponibles, alors les MJ présents vont se trouver en concurrence, ce qui est profondément insupportable pour des MJ, qui n'attendent pas nécessairement les mêmes types de publics, ou qui ne vont pas nécessairement mener des parties de jeux "populaires". Si le nombre de tables est inférieur à celui du nombre de MJ, alors il est préférable que les organisateurs fassent un choix et limitent le nombre de MJ au nombre de tables, tout en prévoyant 2 "réservistes", c'est-à-dire deux membres du stand qui peuvent remplacer au débotté un MJ en cas d'indisponibilité imprévue. Les critères de choix des jeux et MJ sont abordés plus loin dans ce billet.</li>
</ul>
<ul>
<li><strong>Une table, un MJ</strong>. La meilleure option est d'affecter un MJ à une table, où il fera toutes ses démonstrations. C'est simple et compréhensible pour tout le monde. Le MJ a le temps de se familiariser avec la configuration de la table et de déballer ses affaires comme il l'entend, et en outre cela simplifie considérablement l'effort d'indication des tables : on sait que ce MJ mène exclusivement des parties de HackMaster 5e édition, il le fait sur la table 3, donc il est aisé d'expliquer aux visiteurs que toutes les parties de HackMaster 5 se font sur la table 3. Il arrive certes que certains meneurs de jeu démonstrateurs ne soient pas disponibles sur la totalité des créneaux de démonstration (ils ont par exemple un train à prendre, ou ne peuvent être présents que l'après-midi). Ce type de situation peut inciter les organisateurs à modifier l'organisation des tables à chaque ronde : ainsi tel MJ mènerait sa partie sur la table 1 entre 10h et midi, puis sur la table 5 jusqu'à 16h30, avant de faire des parties sur la table 4 jusqu'à 19h. Ces modifications fréquentes de l'affectation des MJ aux tables ont de multiples inconvénients : les MJ perdent du temps entre chaque ronde à déplacer leurs affaires de table en table et à se réinstaller, ce qui est autant de temps qui n'est pas consacré aux visiteurs ; les MJ en avance sur l'horaire sont obligés d'attendre (avec leurs joueurs) les MJ qui n'ont pas encore fini leur démonstration, alors qu'ils auraient déjà pu commencer leur propre partie de démonstration ; les MJ n'ont pas la possibilité de "dépasser" un peu pour plier une partie avant de commencer la suivante ; il devient plus difficile de prévoir des durées de parties variables qui ne soient pas des multiples les unes des autres. S'il n'est pas possible de faire autrement, il est préférable d'essayer de limiter les rotations aux tables "tampons", ou de réserver des tables "tournantes" aux seuls MJ qui ne sont pas présents sur toute la durée de la convention.</li>
</ul>
<ul>
<li><strong>L'organisation physique des tables</strong>. Les organisateurs n'ont pas toujours la "main" sur la configuration des tables de jeu. J'ai souvenir d'une convention où les gestionnaires du site n'avaient prévu que quatre chaises par table de JdR (heureusement, il y avait du temps pour "corriger le tir"), et d'une autre où les tables de JdR étaient placées juste à côté d'un stand de jeu vidéo aux décibels hurlants. De manière générale, il est préférable que les tables soient assez petites, avec 5 ou 6 places assises, relativement espacées les unes des autres, et dans un endroit plutôt calme (si tant est qu'un tel endroit existe dans un salon). Les organisateurs des Rencontres Rôlistes de l'X, quand je m'y suis rendu voici quelques années, se sont avérés à cet égard exemplaires en affectant une salle de cours vide à chaque table de jeu. Quand aucune salle isolée n'est disponible, il y a un arbitrage à faire relativement à la proximité des tables par rapport aux couloirs de circulation. En effet, il est souhaitable que les joueurs puissent jouer dans un calme relatif, mais également important les visiteurs néophytes et intéressés puissent observer le déroulement des parties de démonstration de JdR s'ils n'ont pas pu y participer. Pour gérer ces impératifs contradictoires, les parties les plus proches des couloirs de circulation et des stands d'accueil (où il y a toujours du bruit) devraient être des parties de jeux ne craignant pas (trop) le bruit ambiant, possiblement bruyantes elles-mêmes, et idéalement des parties de jeux séduisants visuellement ou bien de compréhension aisée pour les béotiens. Les tables consacrées à des JdR d'ambiance plus "feutrée" seront plutôt disposées loin des couloirs de circulation et des zones les plus bruyantes.</li>
</ul>
<h2>Quels jeux proposer ?</h2>
<ul>
<li><strong>Prévoir des jeux grand public</strong>. Je comprends. Y'en a marre de ces conventions où on se limite dans les thématiques et on ne peut pas sortir les joueurs de leurs zones de confort. Trois tables, trois MJ, trois jeux : "<em>Human Cannibal Centipede Sacrifice</em>", "<em>Psychosexual Gore Torment RPG</em>", et le bien-aimé "<em>Tentacle Rape & Terror : the Fataling</em>". Cependant le public des conventions, malgré son esprit ouvert, ne partage pas forcément votre passion pour la sueur, le sang, les larmes, les sécrétions diverses et la terreur. Même si c'est effectivement le cas, on ne peut exclure qu'il vienne en famille, avec compagnon et/ou enfants qui attendent peut-être autre chose de leur partie de JdR qu'un festival gore-sexe. Bref, il n'est pas nécessairement besoin de prévoir un jeu "commercial" ou "mainstream", mais il est indispensable de prévoir une ou plusieurs tables de jeu dont les scénarios ne sont pas interdits aux moins de 12 ans.</li>
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<ul>
<li><strong>Prévoir autre chose que les jeux qui vous intéressent</strong>. On peut aimer le sport en général, mais avoir une préférence pour le handball par rapport au curling. Le JdR, c'est pareil. Peut-être que vous trouvez les JdR de SF inintéressants, mais <strong>vous</strong> n'êtes pas le public de la convention. Un certain éclectisme est nécessaire dans les jeux proposés, indépendamment de vos propres goûts. Gardez en tête que, indépendamment de leur notoriété, les jeux ambiance médiéval-fantastique trouveront plus facilement des joueurs, de même que les parties courtes et celles avec un certain second degré (qui peut ne pas être humoristique : les parties de Sombre sont d'une certaine manière assez "méta", et souvent drôles, mais le jeu n'a pas cette vocation de faire de l'humour). C'est la raison pour laquelle les parties de JdR de type médiéval-fantastique (ou renaissance-fantastique, ou orientalisant-fantastique, etc.) devraient idéalement représenter 40 à 50 % des parties à chaque créneau disponible (mais pas plus). L'intérêt est de garder constamment du monde sur le stand afin de "faire venir" des joueurs (car un stand bien achalandé attire naturellement encore plus de monde), tout en proposant un certain éclectisme dans les possibilités qui s'offrent aux visiteurs de découvrir d'autres choses que le médiéval-fantastique.</li>
</ul>
<ul>
<li><strong>Éviter les mises en concurrence de jeux occupant les mêmes créneaux thématiques</strong>. Proposer sur un même créneau horaire plusieurs parties de JdR répondant au même créneau thématique revient à compliquer considérablement la possibilité de remplir ces tables de participants, parce que les jeux entrent alors en concurrence les uns avec les autres. C'est moins vrai pour le médiéval-fantastique, tant ce thème est populaire et tant il en existe de variations : une partie de Donjons & Dragons cohabitera sans mal avec une partie de Conan d20, car malgré les systèmes de jeu proches, l'approche et le style de jeu de ces deux JdR sont assez différents. En revanche, il serait contre-productif de proposer au même moment une partie de Gamma World et une partie de Darwin's World. Dans le cas d'une telle mise en concurrence, ce qui départage au final ces jeux et décide le choix d'un visiteur pour l'une ou l'autre des parties en concurrence tient surtout à son interaction avec les accueillants du stand : si ceux-ci connaissent mieux l'un des jeux proposés ou ont une préférence (assortie d'une certaine faculté de persuasion) pour celui-ci, il y a toutes les chances que le visiteur le choisisse. Cependant, ce n'est pas nécessairement à l'avantage des visiteurs, puisque ce qui importe est moins le goût des accueillants que les envies du visiteur.</li>
</ul>
<p>Tiens, ben puisqu'on y vient, parlons de l'accueil des visiteurs...</p>
<h2>L'accueil des visiteurs</h2>
<p>Un visiteur de salon s'approche du stand. Il est physiquement présent, à quelques pas. Il n'est pas nécessairement à la recherche d'une partie de JdR, là, maintenant, tout de suite. Il n'est même pas certain qu'il soit rôliste. Mais puisqu'il est là, à un salon de geeks / gamers, il y a de grandes probabilités qu'il ne soit pas venu recoller le papier peint ! Il cherche quelque chose : un jeu, un bon moment, une bonne balade, une tranche de rire ou de frissons, un dépaysement, etc.</p>
<h3>Le matériel d'accueil</h3>
<ul>
<li><strong>Plusieurs exemplaires d'un catalogue des parties proposées</strong>. Le catalogue des parties et des jeux proposés est peut-être le meilleur allié des accueillants. Il servira de référentiel principal aux visiteurs spontanés établissant la <em></em>short-list<em></em> des jeux qui leur plaisent le plus et pour laquelle ils solliciteront peut-être les personnes de l'accueil pour les guider dans leur choix définitif. Ce catalogue peut prendre de multiples formes, mais il est conseillé de prévoir (outre la possible forme "numérique" dans le cadre du référentiel des inscriptions en ligne) au moins deux exemplaires d'un catalogue physique pour le stand (et idéalement un par accueillant pour lui permettre de faire l'article). La présentation du catalogue se doit d'être la plus simple et claire possible. Ce qui fonctionne le mieux est un porte-vues : pour chaque jeu, une vue contenant une seule grande illustration A4 pleine page (la plus belle possible), avec le nom du jeu clairement écrit, éventuellement une petite "<em>catchphrase</em>" bien sentie, et petit pavé de <strong>20 mots maximum</strong> pour décrire l'ambiance du jeu. Éventuellement, on peut ajouter le nom du MJ s'il a une certaine notoriété (Vin Diesel : oui, Pierre Rosenthal : oui), et très exceptionnellement, le nom du scénario si celui-ci est souvent joué et bien connu. <strong>Pas besoin de plus !</strong> Le numéro de table est inutile, tout comme le créneau horaire qui sera géré sur la plate-forme dédiée à cet effet. En outre, c'est une page par jeu, pas une page par partie : s'il y a 5 parties de D&D 5 proposées, ce n'est pas la peine de mettre 5 fois la présentation de D&D 5. L'objectif du catalogue est uniquement de permettre aux visiteurs de faire le choix de la bonne partie.</li>
</ul>
<ul>
<li><strong>Une table bien rangée et propre</strong>. Vous êtes là pour accueillir les visiteurs, et non pour leur permettre d'analyser les reliefs de votre repas ou de s'extasier sur votre dernière acquisition rôlistique. Pas la peine non plus d'accumuler des détritus ou du bazar sur le stand, qui est là uniquement pour recevoir présentoirs, catalogues, et autres flyers. La propreté et le rangement sont des composantes essentielles du caractère accueillant du stand.</li>
</ul>
<ul>
<li><strong>Du matériel de nettoyage sommaire</strong>. Poubelle, sacs poubelle, vaporisateur de désinfectant (voire de gel hydroalcoolique par les temps qui courent), rouleaux de papier essuie-tout : ils seront très vite bienvenus pour nettoyer les petits désagréments (gobelets renversés, etc.) qui ne manquent jamais d'arriver sur les stands.</li>
</ul>
<ul>
<li><strong>Du matériel d'affichage</strong>. De grandes feuilles A2, des marqueurs épais, une paire de ciseaux et de l'adhésif double-face vous rendront des services insoupçonnés pour améliorer la signalétique du stand. Si vous en avez la possibilité, imprimer en A3 voire A2 certaines illustrations du catalogue et les afficher autour du stand, bien en vue des couloirs de circulation, aideront à capter le regard et l'intérêt des visiteurs.</li>
</ul>
<ul>
<li><strong>Le matériel de valeur</strong>. Les vols ne sont hélas pas rares sur les conventions. Il est fortement déconseillé d'apporter un matériel de valeur et de le laisser sans surveillance ni sécurité : par exemple, la tablette tactile à destination des visiteurs qui souhaiteraient s'inscrire en ligne directement sur le stand doit impérativement être équipée d'un antivol, et ne jamais sortir sinon des mains, du moins du champ de vision de l'un des accueillants. Les objets de valeur des accueillants devraient idéalement... rester bien au chaud à la maison !</li>
</ul>
<h3>Les responsabilités basiques des personnes de l'accueil</h3>
<p>Le matériel ne fait pas tout, loin de là. Une grande partie du succès de l'accueil repose sur les frêles épaules des courageux volontaires (ou moins volontaires) chargés de tenir le stand.</p>
<p>Celui qui tient le stand a la responsabilité, au minimum :</p>
<ul>
<li><strong>D'être souriant et aimable</strong>. Au cas où cela ne serait pas clair, la tenue d'un stand n'est <strong>pas</strong> un stage préparatoire à l'entrée dans l'administration pénitentiaire.</li>
</ul>
<ul>
<li><strong>De tenir le stand</strong>. Ça peut sembler débile de l'écrire, mais la personne qui tient le stand est censée y rester : elle est ici pour assurer la fluidité de l'accueil des visiteurs, ce qu'elle ne peut pas faire si elle n'est pas physiquement présente. Quand la fatigue se fait sentir, elle a également la responsabilité de se faire remplacer, et dans ce cas de procéder à un éventuel transfert de connaissances sur les divers éléments qui ont émaillé la courte vie du stand ("<em>- Cette chaise est cassée, ne pas l'utiliser. Romain est parti fumer mais a laissé un porte-documents ici, il faut le laisser en place et le surveiller le cas échéant. Merci de faire passer le message si tu te fais remplacer.</em>"), et d'<strong>indiquer le moment de son retour et s'y tenir</strong>.</li>
</ul>
<ul>
<li><strong>D'assurer l'accès au stand</strong>. Rien ne "tue" plus l'accueil que 5 personnes qui taillent une bavette devant le stand, en bloquant par leur présence la visibilité du stand, la vision des accueillants, le passage dans les allées de la convention, et l'accès des visiteurs aux tables d'accueil. Ce n'est pas un stand bien achalandé - il le serait si les personnes qui discutent s'occupaient du stand au lieu de se raconter les derniers exploits de leur personnage de <a href="https://blog.xyrop.com/post/H3P-version-abregee">Héros comme Trois Pommes</a>. La responsabilité des accueillants est de les inviter à se déplacer... voire même à tenir leur conversation derrière le stand si ceux-ci sont costumés ou attirent naturellement le regard, afin de renforcer l'intérêt des visiteurs.</li>
</ul>
<ul>
<li><strong>De lever ses fesses de son siège</strong>. Ne pas rester assis, mais se mettre à la hauteur du visiteur qui, lui, est encore debout. Si la personne qui tient le stand a mal aux jambes à force d'avoir piétiné, c'est le moment pour elle de s'asseoir et de se faire remplacer. C'est également là que le tabouret de bar trouve tout son intérêt afin de reposer les jambes et d'éviter le piétinement au stand, qui finit par devenir douloureux au bout de quelques heures.</li>
</ul>
<ul>
<li><strong>D'apprendre du visiteur ce qu'il recherche</strong>, tout simplement en engageant la communication avec lui, et, si une partie de JdR peut répondre à sa recherche, de "l'accrocher" et lui proposer la partie du jeu qui devrait le mieux correspondre à ses aspirations. Engager la communication avec un visiteur, ce n'est pas le héler de loin. C'est lui sourire d'abord, s'adresser à lui poliment, en le saluant, en lui souhaitant la bienvenue au salon, et idéalement en le vouvoyant parce qu'un minimum de respect lui est dû, même s'il ressemble à un orc (avec ou sans cosplay). S'il répond à ce sourire, à ce salut en ralentissant, en s'arrêtant : c'est le moment de lui proposer une partie. Si le visiteur recherche autre chose qu'une partie de JdR, il faut aussi faire l'effort d'éviter de le "zapper" en portant son regard dans le vague, vers la personne suivante, vers le pote qui tient le stand, ou vers le ciel. La personne ne cherchait pas un JdR, soit, mais ça ne veut pas dire qu'on peut se permettre l'impolitesse - et puis qui sait comme l'accueil du stand est sympa, peut-être que ce visiteur va vouloir en savoir plus et tester une partie ?</li>
</ul>
<ul>
<li><strong>De ne pas insister lourdement si le visiteur a décliné une partie</strong>. Si le visiteur n'est pas intéressé... Eh bien il n'est pas intéressé. Il a décliné, il a dit non, tant pis, il ne reviendra pas sur sa décision. Insister risque de l'indisposer, et ce temps perdu à insister aurait été mieux consacré à présenter une partie de JdR à un autre visiteur.</li>
</ul>
<ul>
<li><strong>De connaître les jeux dont des parties sont proposées</strong>. Certes, nul n'est censé connaître tous les jeux existants, ni d'avoir joué à tout. Cependant, lorsqu'un visiteur hésite entre deux parties proposées au catalogue et demande que l'accueillant le guide dans son choix, ce dernier doit être en mesure de présenter les différences techniques et thématiques entre ces parties. Ceci requiert que l'accueillant ait fait préalablement l'effort de se renseigner, plutôt que de devoir dire : "<em>Ah, ce jeu, je ne sais pas ce que c'est, je ne le connais pas</em>". L'accueillant a donc pour responsabilité de lire l'intégralité du catalogue des jeux et de s'informer de la teneur des parties qu'ils ne connaît pas auprès des MJ, des organisateurs du stand, ou tout simplement auprès d'un moteur de recherche sur Internet. Réciproquement, les démonstrateurs de jeux obscurs, complètement inconnus, et/ou pas encore sortis ont la responsabilité de présenter aux accueillants les thématiques et particularités de leurs jeux avec autant de clarté et d'objectivité que possible.</li>
</ul>
<ul>
<li><strong>De proposer tous les jeux de manière impartiale</strong>. Okay, c'est un copain qui meujeute en table 5, et l'accueillant a envie de lui envoyer du monde. Et puis il n'aime pas le jeu en table 8, donc s'abstient d'en proposer des parties aux visiteurs. Cependant, une convention, un festival, un salon sont des événements faits pour les visiteurs, et pas pour l'accueillant ou son pote en table 5. Il a le devoir de prodiguer une information loyale et objective aux visiteurs, afin de leur permettre de faire leurs propres choix de manière éclairée - parce que peut-être qu'ils vont adorer le jeu en table 8, ou qu'ils n'accrocheront pas avec la personnalité du MJ en table 5.</li>
</ul>
<h3>L'orientation des visiteurs inscrits aux parties</h3>
<p>Le visiteur est là, devant vous, avec ses grands yeux dégoulinants de gratitude parce que vous avez suivi à la lettre toutes les recommandations plus haut afin de rendre plus agréable son inscription à la partie de son choix. Que faites-vous ?</p>
<ul>
<li><strong>Accompagner les visiteurs jusqu'à leur table</strong>. Si les tables sont très clairement indiquées, cette tâche peut être optionnelle. Cependant, amener les joueurs jusqu'à leur table leur fait gagner du temps ainsi qu'au meneur de jeu, et dégage rapidement les abords du stand pour permettre l'accueil d'autres visiteurs ou groupes de joueurs inscrits. Il reste néanmoins nécessaire qu'au moins une personne accueillante reste sur le stand, donc cette pratique ne peut pas être mise en œuvre si l'accueil n'est assuré que par une seule personne.</li>
</ul>
<ul>
<li><strong>Faire l'appel des visiteurs inscrits</strong>. C'est l'heure du changement de parties, un énorme groupe de visiteurs s'agglutine. Certains sont déjà inscrits à l'une ou l'autre partie, d'autres veulent s'inscrire. Le mieux serait encore d'identifier rapidement les visiteurs inscrits en faisant un appel. Pour cela, le plus efficace consiste à appeler, non pas les 153 inscrits ligne par ligne (ce qui serait une perte de temps complètement inutile), mais directement les jeux et créneaux. En effet, l'accueillant ne sait pas qui est qui, mais chaque inscrit sait en général à quelle partie il s'est inscrit sur quel créneau. C'est pourquoi, en appelant la partie et non les individus, tous le groupe des joueurs peut immédiatement se rendre (ou bien être accompagné jusqu') à la bonne table de jeu, à charge pour le MJ sur place de bien vérifier l'inscription de tous les joueurs présents. Cette pratique réduit rapidement le groupe des visiteurs agglutinés, la vérification des inscriptions est sous-traitée aux MJ et parallélisée sur chaque table, et permet par conséquent un traitement plus rapide et efficace des visiteurs non inscrits, des retards (ou annulations) et des éventuelles erreurs.</li>
</ul>
<h2>Comment choisir entre les MJ ?</h2>
<p>Il s'agit du cas où il y a plus de MJ volontaires que de créneaux de parties disponibles. Les organisateurs du stand doivent faire un choix entre les différents MJ, mais comment faire ce choix ?</p>
<p>Comme déjà mentionné, les parties de démonstration au cours des salons et conventions sont avant tout dans l'intérêt des visiteurs, et pas des MJ. Cela signifie que les MJ à retenir sont de préférence ceux qui auront le plus d'intérêt pour les visiteurs, et ceux qui pourront faire en sorte qu'ils s'amusent le plus. Or, il l'a été déjà mentionné plus haut : le visiteur de convention veut en règle général jouer à un jeu qu'il ne connaît pas ou à un jeu qui lui tient à cœur (une avant-première), et tient à optimiser son amusement par rapport au temps qu'il consacre à la partie.</p>
<p>Ceci permet de proposer un certain nombre de pistes pour choisir un MJ de convention :</p>
<ul>
<li><strong>Le jeu proposé</strong>. Partant de la nécessité de proposer le meilleur divertissement possible aux visiteurs, une piste importante à privilégier pour le choix des MJ devrait être celle du jeu proposé, en priorisant les parties de jeux inhabituels et/ou obscurs ainsi que les MJ-auteurs (au hasard Johann Scipion et son jeu Sombre) dans une logique de sortie prochaine, imminente, ou concomitante à la date de la convention, par rapport à des MJ proposant une énième partie de Légende des 5 Anneaux ou de Donjons & Dragons - jeux faisant partie du tout-venant des boutiques et pour lesquels n'importe quel visiteur peut trouver une partie en club sans trop se fouler s'il souhaite y jouer. Cela ne veut pas dire qu'il ne faut pas proposer du tout-venant, bien au contraire puisque les parties de convention sont aussi l'occasion d'initier de nouveaux joueurs (et que comme présenté plus haut, le médiéval-fantastique standard "fait venir du monde"), mais simplement que, toutes choses égales par ailleurs, il ne faut pas hésiter à donner sa chance au MJ qui sort des sentiers battus en proposant une partie de <a href="http://www.legrog.org/jeux/sketch">Sketch!</a></li>
</ul>
<ul>
<li><strong>L'expérience du MJ</strong>. Il est "<em>jeune, il est vrai, mais aux âmes bien nées, la valeur n'attend point le nombre des années.</em>" Même si j'adore le Cid de Corneille, je me suis rendu depuis longtemps à l'évidence qu'on trouve bien peu de Rodrigue parmi les meneurs de convention, le slogan d'une célèbre pâte à tartiner "<em>25 ans d'expérience feront toujours la différence</em>" ayant tendance à s'appliquer avec plus de régularité (bien que j'aie hélas rencontré des exceptions malheureuses). Au risque de froisser quelques egos, et toutes choses égales par ailleurs, il est en règle générale préférable de privilégier les meneurs de jeu plus expérimentés aux "petits jeunes qui n'en veulent".</li>
</ul>
<ul>
<li><strong>L'habitude des conventions</strong>. Indépendamment de l'expérience du meneur, il y a aussi son habitude des conventions. Une partie de convention, ce n'est pas un scénario avec les potes sur la table de la cuisine de maman. C'est un véritable effort supplémentaire de maîtrise en temps contraint dans des conditions difficiles et fatigantes. Cela signifie qu'entre un MJ qui n'a jamais fait de convention, et un MJ qui en a déjà fait trois ou quatre, il est préférable de choisir ce dernier. Même sans grande habitude des conventions, un MJ qui a déjà prévu des feuilles de prétirés, des pastilles au miel et de <a href="https://blog.xyrop.com/post/2018/01/22/%5BTactique-de-ma%C3%AEtrise%5D-Mener-une-partie-de-2-heures-maximum-en-convention-ou-salon">se placer en milieu de table</a> est a priori mieux préparé à l'épreuve qui l'attend et sa candidature devrait être appréciée avec bienveillance.</li>
</ul>
<ul>
<li><strong>La voix du MJ</strong>. Le MJ de convention doit être en mesure de couvrir de sa voix le brouhaha constant de la convention. Cela signifie que, toutes choses égales par ailleurs, un MJ à la voix forte est préférable à un MJ à la voix fluette. À cet égard, le bruit ambiant des conventions est souvent de fréquence basse et moyenne (ce qui correspond en général à la tessiture d'une voix masculine), tandis que les voix des meneuses de jeu se placent en général dans des gammes de fréquence moyennes et hautes, donc plus facilement audibles.</li>
</ul>
<p>Ces pistes de sélection ne sont pas des critères hiérarchisés, et ne devraient être prises que comme des suggestions et non un guide obligatoire. Rien ne remplacera au final le fait de jouer effectivement avec les MJ pressentis, pour savoir comment ils se comportent avec des joueurs inconnus, et quelles sont leurs idiosyncrasies de maîtrise.</p>https://blog.xyrop.com/post/2020/09/06/RETEX-demos-conventions#comment-formhttps://blog.xyrop.com/feed/atom/comments/54Maîtrise Stratégique : les parties 2 et 3 traduites sur PTGPTB !urn:md5:77f6b6c44919165ba0da74eb50e97cb82019-07-02T10:23:00+02:002019-07-02T09:25:09+02:00Ludoxconseilsmaîtrise stratégiquemener une partieStrategic gamemastering <p>Un court billet pour informer les non-anglophones qui me lisent ici que les
parties 2 et 3 de la série d'articles <a href="https://blog.xyrop.com/pages/Strategic-Gamemastering-method">Strategic Gamemastering</a> ont été
traduites par la talentueuse équipe de <a href="http://ptgptb.fr">Places to go,
People to be</a>.<br /></p>
<p>Plus d'excuses pour vous emparer de cette méthode dans la langue de Molière
!<br /></p>
<p><a href="http://ptgptb.fr/la-maitrise-de-jeu-strategique">La Maîtrise de jeu
Stratégique, 1ère partie</a> (en français sur PTGPTB)<br /></p>
<p><a href="http://ptgptb.fr/la-maitrise-de-jeu-strategique-2">La Maîtrise de
jeu Stratégique, 2e partie</a> (en français sur PTGPTB)<br /></p>
<p><a href="http://ptgptb.fr/la-maitrise-de-jeu-strategique-3">La Maîtrise de
jeu Stratégique, 3e partie</a> (en français sur PTGPTB)<br /></p>https://blog.xyrop.com/post/2019/07/02/Ma%C3%AEtrise-Strat%C3%A9gique-%3A-les-parties-2-et-3-traduites-sur-PTGPTB-%21#comment-formhttps://blog.xyrop.com/feed/atom/comments/13[Tactique de maîtrise] Aléa, incertitude et rétention d'informations : usages du lancer de dés en JdRurn:md5:6ab6130d8054714048e2740d4cc9a94e2018-09-12T12:28:00+02:002020-05-10T16:58:25+02:00LudoxaléaconseilsdésMJPratiquetactique de maîtriseTactique de maîtrise<p>La plupart des jeux de rôle sur table présentent l'usage des dés de la manière suivante :</p>
<ul>
<li>une action impossible échoue toujours ;</li>
<li>une action inratable réussit toujours ;</li>
<li>quand on ne sait pas si l'action est impossible ou inratable, on lance les dés.</li>
</ul>
<p>Le lancer les dés a cependant d'autres usages et impacts, et ce billet a pour objet de poser mes propres réflexions - peut-être bien vaines et sans fondement - sur le sujet.</p> <p>Avant d'aller plus loin, précisons quand même une chose : le terme "dé" dans cet article peut désigner tout objet dont l'utilisation génère un résultat aléatoire.
Les expressions "lancer de dés" ou "jet de dés" dans cet article peuvent donc être comprises comme toute opération technique destinée à obtenir un résultat aléatoire qui alimentera les mécaniques de jeu de la partie de JdR, comme par exemple tirer les cartes, lire dans le marc de café, <a href="https://blog.xyrop.com/index.php/post/2017/06/27/%5BRetex%5D-JdR-minimal">lancer un objet dans un bol</a>, cliquer sur un générateur en ligne, <a href="https://blog.xyrop.com/index.php/post/2014/01/26/Cutups-en-fran%C3%A7ais">trouver un mot au pif</a>...</p>
<h2>Les jets de dés des joueurs</h2>
<p>En tant que meneur de jeu, avant de demander un jet de dés au joueur pour résoudre une action incertaine de son personnage, j'essaie de garder en tête les paramètres et enjeux suivants :</p>
<h3>L'articulation entre le jet de dés et le paradigme de l'univers du jeu</h3>
<p>De manière générale, les mécaniques de jeu dans leur ensemble ont une importance ("<a href="http://ptgptb.fr/le-systeme-est-important" hreflang="fr">Le système est important</a>").</p>
<p>Au-delà de l'existence ou non de ces mécaniques, il y a également la question de leur <ins>usage</ins> en pratique dans le cadre de la partie :</p>
<p>Ainsi, un jeu comme Donjons & Dragons, avec ses règles de magie très structurées, se prêtera en général moins bien à une partie de JdR où la magie doit être quelque chose de merveilleux et d'incompréhensible, sauf si les joueurs n'ont absolument aucune connaissance des règles de magie et des sortilèges, auquel cas leur usage demeurera, au moins pour un temps, assez mystérieux.</p>
<p>Aussi, un jeu PbTA ("motorisé par l'Apocalypse") qui ne prévoit par exemple pas de compétences particulières, n'est pas très approprié pour déterminer si une activité ne figurant pas parmi les Actions (au sens de la mécanique de jeu, et énumérées en nombre limité) est incertaine ou non : s'il est raisonnable ou intéressant pour la narration que le personnage réussisse ou échoue à son action, alors le joueur déterminera si effectivement son personnage réussit ou échoue à son action.</p>
<p>Les jets de dés faisant partie des mécanismes de base de la plupart des JdR, il serait déraisonnable de ne pas s'interroger sur l'impact pratique de ces mécaniques.</p>
<p>Quand le MJ demande un jet de dés au joueur afin de déterminer si l'action de son personnage réussit ou échoue, il fixe implicitement le fait que l'action entreprise n'est ni inratable, ni impossible. Or, cela a une réelle conséquence sur l'ambiance du jeu, avec potentiellement un impact sur la perception qu'auront les joueurs de l'univers du jeu et de son paradigme.</p>
<p>Exemple :
Le joueur s'exclame : "<em>- J'm'en fous, j'latte le Shoggoth avec un </em>ura-mawashi-geri<em> (coup de pied retourné à la Chuck Norris pour les intimes) !</em>"</p>
<p>Selon que le MJ répond immédiatement, sans demander de jet de dé "<em>- Ton pied s'enfonce profondément dans la chair molle du Shoggoth qui se referme avec un bruit de succion visqueuse autour de ton mollet. Tu sens tes os, tibia, péroné, tarse, métatarse, cheville, être pris dans une pression épouvantable et se briser en petits éclats à l'intérieur de ta jambe alors que la douleur t'éblouit en un voile blanc de métal en fusion...</em>" ou bien "<em>- euh, fais un jet d'arts martiaux pour voir si tu touches. OK, tu fais ton jet de dégâts ? Bon, ben, ton pied heurte violemment la masse du Shoggoth et une sorte de lymphe noirâtre se met à couler du point d'impact.</em>", les conséquences sur l'ambiance du jeu ne seront pas les mêmes.</p>
<p>Dans ce dernier exemple, le meneur de jeu qui a laissé le joueur lancer les dés a fait entrer dans le paradigme de l'univers de jeu que l'usage des arts martiaux contre une créature tentaculaire et antédiluvienne est non seulement possible, mais peut en outre être efficace. Ce faisant, il a nécessairement réduit l'écart conceptuel entre un humain connu et même chiffré via une feuille de personnage (le personnage-joueur) et une créature indicible et à peine concevable (le Shoggoth) à un simple hasard des dés. Cet usage de l'aléa rationalise implicitement le rapport entre le joueur et une créature qui devrait échapper à toute rationalité selon le paradigme de l'univers de jeu. De plus, le joueur pourrait même être encouragé à continuer d'utiliser des arts martiaux contre des créatures du mythe !</p>
<p>Il n'en serait pas de même dans un univers à la Donjons & Dragons, où quand un joueur s'exclame "<em>- J'm'en fous, j'latte l'<a href="http://www.pathfinder-fr.org/Wiki/Pathfinder-RPG.Otyugh.ashx" hreflang="fr">otyugh</a> avec un ura-mawashi-geri !</em>", il sera légitime que le meneur de jeu demande un jet de dés. Le paradigme de l'univers de Donjons & Dragons est après tout celui de héros affrontant - souvent par les armes - des ennemis parfois bien plus puissants que le commun des mortels, et ont habituellement une chance de l'emporter.</p>
<p>Avant de demander un jet de dés, outre l'incertitude de l'accomplissement de l'action, il me semble ainsi important de <strong>se demander si le jet de dés ne remet pas en cause le paradigme de l'univers de jeu, ou ne fait pas disparaître une part de l'ambiance souhaitée</strong>.</p>
<h3>Fluidité de la partie</h3>
<p>Le jet de dés va également induire une coupure dans la fluidité des échanges verbaux qui font naître la narration.</p>
<p>Le personnage-joueur déclare son intention d'agir ("<em>- J'latte le Tremere d'un ura-mawashi-geri bien placé !</em>") et le meneur de jeu interrompt les échanges et fait lancer les dés pour savoir si effectivement le coup de pied touche le Tremere et si ce dernier subit quelque dégât.</p>
<p>Cependant, chaque jet de dé va nécessairement faire perdre quelque secondes dans la partie alors que les participants vont se pencher sur le résultat et son interprétation. Un meneur qui demande beaucoup de jets de dés aux personnages-joueurs diminue sensiblement la fluidité de la narration, et change l'ambiance vers quelque chose de plus technique (ce qui peut être un effet délibérément recherché - ou au contraire quelque chose que le meneur de jeu pourrait souhaiter éviter).</p>
<p>Cette multiplication des jets de dés et la diminution de la fluidité qu'elle engendre peut être rendue nécessaire par le système de jeu, mais elle a aussi un effet psychologique réel sur les joueurs : un meneur de jeu qui demande soudainement beaucoup de jets de dés ralentit le temps, et dans un certain sens fait passer le message selon lequel ce qui est en train de se passer requiert beaucoup de minutie et implique des enjeux plus importants ou un aléa plus grand.</p>
<p>L'augmentation des jets de dés au cours de la scène augmente l'aléa, et les joueurs vont probablement ressentir la situation de leurs personnages comme une situation où l'incertitude est bien plus importante, où tout peut basculer sur un détail.</p>
<p>En même temps, ce type de demande peut cacher une fausse impartialité : rien n'empêche un MJ qui a besoin que les PJ soient repérés alors qu'ils tentent d'infiltrer une base secrète de demander beaucoup de jets de discrétion jusqu'à ce que l'un d'entre eux soit raté, situation statistiquement presque inévitable.</p>
<h2>La gestion de l'incertitude</h2>
<h3>Les incertitudes croisées, structure de base d'une partie de JdR</h3>
<p>La découverte de l'intrigue dans une partie de JdR, ce qui fait une grande partie du sel de cette activité, repose principalement sur trois sources d'incertitude :</p>
<ol>
<li>Le MJ, bien qu'il connaisse une partie du scénario, ignore les actions qui seront entreprises par les personnages-joueurs ;</li>
<li>Les joueurs ignorent l'essentiel du scénario, et les actions des autres joueurs tout comme le degré de perversité du MJ ;</li>
<li>Tous les participants ignorent les résultats des lancers de dés à venir.</li>
</ol>
<p>La totalité de la mécanique d'une partie de JdR est ainsi basée sur ces incertitudes croisées, chaque participant jouant avec des informations plus ou moins incomplètes. Les participants peuvent également tirer un amusement extradiégétique de l'écart entre leur propre conscience de l'intrigue et de ses ressorts d'une part et de l'ignorance intradiégétique de leur personnage d'autre part. Ils se rapprochent ainsi de la position du narrateur omniscient en littérature, sans toutefois pouvoir y accéder en raison des décisions et actions potentiellement imprévisibles des autres participants de la partie, et de l'existence de l'aléa des dés avant que ceux-ci ne soient lancés.</p>
<p>En effet, l'incertitude liée à un aléa n'est éprouvée par chaque participant de la partie que tant que le résultat du jet de dés concerné n'est pas connu de ce participant. Une fois que le résultat d'un jet de dé est connu d'un participant de la partie, ce dernier peut se projeter et imaginer les conséquences probables du résultat : la connaissance du résultat réduit l'incertitude.</p>
<h3>Le bruit derrière le paravent</h3>
<p>Forts du constat selon lequel l'incertitude est réduite lorsque le résultat du lancer de dés est connu, et désireux de maintenir une certaine tension à leur table de jeu, nombre de meneurs font leurs jets de dés de manière cachée, voire font eux-mêmes certains jets de dés des PJ (typiquement les jets de perception) afin de maintenir les joueurs dans l'incertitude.</p>
<p>À partir de là, les joueurs sont contraints de faire aveuglément confiance au meneur de jeu quant à l'exercice impartial et loyal de son pouvoir de décision et d'arbitrage.</p>
<p>Or, beaucoup de meneurs considèrent que "les dés ne servent qu'à faire du bruit derrière le paravent" (paravent désignant l'écran du meneur de jeu, je dis ça pour ceux qui comme moi s'interrogent sur la circulation des masses d'air à la table de jeu) : en clair, leurs impartialité et loyauté connaissent pour limite l'opportunité d'ajuster arbitrairement un résultat qui leur déplaît pour une raison ou une autre (typiquement pour sauver un personnage d'une mort grotesque et vaine ou pour permettre la fuite d'un antagoniste). J'ai entendu d'innombrables fois des variantes de la justification "<em>non, mais c'est pour pas que le paladin de niveau 67 meure bêtement tué par un gobelin de base avec une dague rouillée</em>".</p>
<p>L'intervention du meneur serait alors rendue nécessaire pour contrebalancer un défaut dans les règles du jeu. Soit. Mais alors, puisque l'issue est connue d'avance puisque le meneur de jeu décide de ce qui se produit sans prendre en compte le résultat des dés, <strong>pourquoi lancer quelque dé que ce soit</strong> ? Le meneur de jeu pourrait tout aussi bien assumer de prendre toutes les décisions quant aux réussites ou échecs des actions entreprises par tous les personnages de la partie en fonction de critères connus ou inconnus des autres participants de la partie. Le meneur de jeu deviendrait alors un conteur qui maintient les joueurs sont dans une situation d'interactivité illusoire, inconscients qu'ils n'ont aucun impact sur le déroulement de l'intrigue.</p>
<p>Au final, prenant acte de la fiction d'impartialité du meneur de jeu protégé par son écran de jeu, et compte tenu de l'intérêt d'augmenter la fluidité de la narration au cours de la partie, nombre de créateurs de JdR ont conçu des mécaniques où seuls les joueurs lancent les dés, par exemple les jeux PbtA (Powered by the Apocalypse / Propulsés par l'Apocalypse), le meneur se limitant à prendre des décisions relatives à l'univers de jeu et aux actions des PNJ, qui n'entraînent un jet de dé par les joueurs qu'en cas d'impact direct sur les PJ.</p>
<p>A l'inverse de la démarche présidant aux mécaniques des jeux PbtA, certains meneurs de jeu friands d'aléa demandent beaucoup de jets de dés afin de résoudre les situations incertaines sans avoir jamais à user de leur pouvoir de décision : dans un certain sens, il est confortable de pouvoir dire "<em>écoute, je suis désolé, mais ce sont les dés qui ont tranché</em>" et dans une certaine mesure de se défausser des responsabilités consubstantielles du pouvoir de décision et d'arbitrage du meneur, par exemple dans <a href="https://blog.xyrop.com/index.php/post/2015/08/25/%5BGeekopolis-2015%5D-Vid%C3%A9o-de-l-Atelier-/-Masterclass-%22Tuez-vos-PJ-%21%22">la mort d'un personnage-joueur</a>. J'avoue avec une humilité teintée de honte avoir souvent fait partie de ceux-ci, et céder encore parfois à cette tentation.</p>
<p>Entre ces deux cas extrêmes se trouvent d'autres utilisations des lancers de dés qui peuvent se révéler des instruments utiles pour à augmenter l'intensité de la partie.</p>
<h2>Le jet de dés comme instrument d'ambiance</h2>
<h3>L'aléa comme source d'imprévisibilité</h3>
<p>Les JdR qui mettent l'accent sur le pouvoir de décision du MJ, parfois en lui enlevant les dés, négligent peut-être un peu l'utilité de l'aléa comme outil d'inspiration / de relance de l'intrigue. Certes, au premier abord, les meneurs de jeu allient talent, génie, intelligence, sagacité et charisme ce qui les rend normalement à même de toujours tout pouvoir gérer dans le cadre de l'univers de jeu. Pour autant, chaque meneur de jeu a ses particularités, ses habitudes, ses idiosyncrasies de sorte que des joueurs qui le connaissent trop bien pourraient anticiper à certaines décisions ou certains événements imaginés par le meneur.</p>
<p>Le dé s'avère dans ce cas un allié précieux pour le meneur, en lui permettant de laisser totalement au hasard certains éléments de l'univers sur lesquels il lui est demandé de statuer par les joueurs. Afin de garder un certain contrôle sur le déroulement de la partie, il est bien entendu possible de ne laisser au hasard que les éléments qui n'ont qu'un impact indirect ou limité sur le déroulement de l'intrigue en cours, mais ce cloisonnement peut limiter l'efficacité de cette tactique puisque le risque de prévisibilité perdurera pour les éléments les plus importants de la partie.</p>
<p>Ce dé est aussi un allié lorsque le meneur ne sait tout simplement pas répondre à une question qui lui est posée par un joueur : il en laisse la réponse au hasard et se laisse surprendre lui-même par le déroulement de la situation.</p>
<p>Un type de dé pratique pour tenir lieu de source d'imprévisibilité est le dé "smiley", à six faces, qui selon le contexte donne une bonne idée de la réponse à apporter au joueur (de "non, et ça va mal se passer" à "oh, mais bien entendu (mais en fait ça va très mal se passer façon échec critique mais les personnages-joueurs l'ignorent)").</p>
<h3>La transparence de l'aléa comme source d'autorité et d'impartialité : à bas l'écran du MJ !</h3>
<p>Comme rappelé ci-avant, la tentation est grande pour un MJ de se limiter de faire du bruit avec les dés derrière le paravent et de donner l'illusion que le déroulement de la partie obéit aux résultats statistiques des lancers de dés des joueurs.
Des joueurs à qui tout réussit pourraient se figurer bénéficier de coups de pouce alors qu'il n'en est rien, ou imaginer que le meneur de jeu triche en leur défaveur alors qu'il a de bonne foi réalisé trois réussites critiques d'affilée.</p>
<p>Ainsi, on voit fréquemment des meneurs de jeu soulever brièvement leur écran pour montrer le résultat de leur jet de dés, pour prouver aux joueurs que la situation improbable en train de se dérouler n'est nullement de leur fait.</p>
<p>Mais dans ce cas, si le meneur de jeu n'a pas de scrupules à montrer qu'il ne triche pas avec les dés, pourquoi ne pas faire les jets de dés au vu et au su des joueurs ? Les joueurs font bien les leurs de manière ouverte, alors pourquoi pas le meneur, en toute transparence ?</p>
<p>Avec un aléa transparent, les joueurs vont constater que le meneur ne triche pas pour les sauver ni pour les enfoncer, ce qui va renforcer leur confiance quant à son impartialité et à la justice de ses arbitrages.</p>
<p>Mais ce n'est pas le plus important. Le plus important est que les joueurs pourront constater que chaque point d'expérience, chaque réussite (et chaque plantage) leur appartiennent réellement, sont dus à leur chance (d'une manière statistiquement cohérente) et à leur talent, ce qui augmente l'intensité de la partie pour ceux-ci.</p>
<p>L'écran de jeu pourrait évidemment demeurer utile à titre de référence de règles et pour cacher les éventuelles notes prises par le meneur de jeu (pour peu que celui-ci prenne des notes).</p>
<h3>Distinguer ce que les personnages-joueurs peuvent savoir ou non</h3>
<p>Contrairement à ce que l'on pourrait croire, l'incertitude ne disparaît pas totalement une fois le résultat du dé connu. En effet, la connaissance du résultat du dé est un <strong>indicateur</strong> de la suite des événements, dont le degré de fiabilité peut varier en fonction d'autres paramètres inconnus du personnage-joueur.</p>
<p>Exemple, deux personnages-joueurs, l'un violoniste, l'autre harpiste, veulent interpréter <a href="https://soundcloud.com/pelerin/m-ditation-de-tha-s-de" hreflang="en">la Méditation de "Thaïs" de Jules Massenet</a> afin de bouleverser leur auditoire. L'un et l'autre vont lancer les dés pour déterminer le degré de réussite de leur tentative, et le violoniste, bien que très compétent, fait un jet de dés dont il constate le résultat assez moyen. Les joueurs sont conscients du caractère modéré de la réussite. Dans l'espace partagé imaginaire, cela se traduit par le fait que le violoniste a fait un infime écart de hauteur entre les deux Sol4 qui se succèdent à 1:43 (joués chacun avec un doigt différent ce qui a très légèrement modifié la fréquence).</p>
<p>Ce que les joueurs et personnages-joueurs ont plus de mal à connaître, c'est l'état émotionnel de l'auditoire, quoiqu'on pourrait arguer que des instrumentistes habitués à jouer en public ne devraient pas s'y tromper. Il ne serait donc pas déraisonnable dans cette hypothèse que les joueurs aient déjà connaissance du résultat du dé pour juger de l'émotion du public, ceci avant que le meneur de jeu ne narre de manière effective la réaction de l'auditoire.</p>
<p>Un personnage-joueur a pu tenter de lancer un sort d'enchantement sur un personnage non-joueur sans savoir que ce dernier est immunisé à ce type de magie : la connaissance du bon résultat du dé est donc un indicateur pour le joueur de ce que le sortilège du personnage a été correctement lancé, mais il ne peut que se tromper sur les conséquences de son action en raison de sa méconnaissance de l'immunité de sa cible. Dans un tel cas, le meneur de jeu pourrait faire un faux jet de résistance à la magie pour le personnage non-joueur immune, afin d'éviter d'attirer l'attention du joueur sur cette situation inhabituelle.</p>
<p>Connaître le résultat du jet de dés ne suffit donc pas : l'incertitude ne disparaît totalement de manière effective que lorsque le personnage-joueur devient conscient de la totalité des tenants et aboutissants de l'action entreprise.</p>
<p>Or, il existe des situations où les personnages-joueurs ne devraient pas matériellement connaître les conséquences exactes des actions entreprises par eux ou par des personnages non-joueurs, mais où les règles de la plupart des JdR telles qu'elles sont conçues ne permettent pas une telle finesse : celle qui survient le plus fréquemment en JdR est tout simplement la scène de conflit (physique ou non).</p>
<p>Par simplicité, l'exemple sera basé sur des mécaniques de conflit physique (qui sont présente dans la quasi-totalité des JdR), mais les principes sont les mêmes pour des mécaniques de conflit social ou de conflit mental.</p>
<p>Quand un personnage-joueur est engagé dans un combat, il sait la plupart du temps s'il a touché son adversaire, ou si son adversaire l'a lui-même touché. Ce qui lui échappe et ne peut que lui échapper, c'est la gravité des blessures de part et d'autre. Bien qu'il voie son adversaire saigner, ce dernier est-il réellement affaibli ? Le PJ a senti le fer de la rapière percer son abdomen, et les élancements douloureux dans son ventre ne sont-ils pas le signe qu'il est gravement atteint ?</p>
<p>Les personnages-joueurs ne devraient pas être en mesure de connaître autre chose que les conséquences <strong>apparentes</strong> de leurs attaques et défenses, et <strong>non pas la réalité</strong> de ces conséquences.</p>
<p>Or, avec des jets de dés faits au vu et au su des participants, ceux-ci ne peuvent ignorer s'ils ont atteint ou non leurs adversaires. En outre, les PJ connaissant les dégâts / blessures infligées ainsi que les jauges affectées par les attritions, il devient très difficile au meneur de jeu qui pratique les jets de dés apparents de conserver la distinction entre savoir des personnages et savoir des joueurs.</p>
<p>Cependant, même dans cette situation, rien n'empêche le meneur de jeu de rétablir l'incertitude en rétablissant le secret dès lors qu'il s'agit des dégâts infligés, non pas en cachant les mécaniques de détermination des blessures, mais <strong>en conservant secret l'état exact des PJ et PNJ</strong>.</p>
<p>Il n'est en effet rien de plus simple pour un MJ que de demander aux joueurs d'indiquer <a href="https://blog.xyrop.com/post/paradoxe-PV">leur nombre de PV / niveaux de blessure / états de santé / points de santé mentale</a> au début de la partie, de noter ces indications, et de gérer lui-même ces compteurs en tenant le compte sur une feuille blanche, derrière son écran de meneur, <strong>sans jamais donner une autre indication au joueur qu'une description de la manière dont son personnage se sent, ni jamais préciser le niveau de santé exact du personnage</strong>. Après tout, le MJ le fait souvent déjà pour des dizaines voire centaines de PNJ, ce n'est pas ajouter le compte de 5 personnages-joueurs qui va changer grand chose à son travail.</p>
<p>Ainsi, même si le joueur peut avoir compris en voyant le résultat des dés que son personnage a reçu une blessure de 3 PV, le meneur de jeu n'en fera pas mention et indiquera : "<em> - le bretteur fait glisser sa lame contre ton bras, t'infligeant une large estafilade diagonale entre le coude et l'épaule, qui imprègne immédiatement le tissu de ton pourpoint d'une humidité chaude. Ton avant-bras s'engourdit légèrement.</em>"</p>
<p>Au PJ de décider dans cette situation si la blessure est plus grave que prévu ou non, s'il est trop affaibli ou bien encore assez vaillant pour continuer le combat.</p>
<p>Tous les jets de dés sont ouverts, les joueurs connaissent la qualité de réussite de leurs actions et de celles de leurs adversaires, mais ne sont pas en mesure d'en jauger précisément les conséquences.</p>
<p>Pour éviter les petits malins qui voudraient tenir le compte de la santé de leur personnage, le meneur de jeu peut annoncer répartir <strong>arbitrairement et inégalement</strong> un certain nombre de points de vie ou niveaux de santé supplémentaires entre les PJ juste après que ceux-ci aient indiqué leur total de départ - avantage objectif pour les personnages-joueurs, mais qui introduit une incertitude très forte quant à leur état réel et rétablit la tension qui aurait sinon pu être diminuée par les jets de dés apparents.</p>https://blog.xyrop.com/post/%5BTactique-de-ma%C3%AEtrise%5D-Alea-incertitude-information-jet2de#comment-formhttps://blog.xyrop.com/feed/atom/comments/60[Tactique de maîtrise] Scénario basé sur un diagramme d'Ishikawaurn:md5:41f4822b50fe8fbf25a2385a097a59de2018-05-03T13:56:00+02:002020-05-10T17:00:39+02:00LudoxconseilsJdRJeu de rôlemaîtrisermener une partiemeneur de jeuMJPratiqueTactique de maîtrisetactique de maîtrise<p>Très souvent, les scénarios que l'on peut trouver dans le commerce contiennent des phases narrativement simplistes où le meneur doit faire en sorte que s'accumulent les péripéties, les revers pour les personnages-joueurs. On trouve un inventaire des difficultés envisageables, disponibles pour le meneur de jeu. Ainsi le voyage est agrémenté de péripéties telles que : la caravane est attaquée par des brigands, un dromadaire se blesse, un puits est à sec, etc.</p>
<p>Ces péripéties apparaissent au final aux joueurs comme dictées par l'arbitraire du meneur de jeu ou de l'auteur du scénario. Il existe cependant une manière simple et efficace de faire survenir ces péripéties d'une manière extrêmement logique, qui donnera l'impression aux personnages-joueurs qu'ils sont les seuls responsables de la situation insoluble dans laquelle ils se retrouveront.</p>
<p>Cette tactique de maîtrise est basée sur un détournement d'usage d'un outil appelé diagramme d'Ishikawa, et ce billet reprend, tout en la détaillant et en l'approfondissant, l'une des sections (diapositives 12 à 16) de la présentation disponible <a href="https://blog.xyrop.com/public/Gamemastering/Atelier_Masterclass_Tuez_vos_PJ.pdf">ici</a>.</p> <h2>Le diagramme de quoi ?</h2>
<p>Le diagramme d'Ishikawa est un outil de gestion de la qualité industrielle. Lorsqu'une défaillance dans la qualité d'un produit est détectée, le diagramme d'Ishikawa sert à inventorier les causes de cette défaillance, en les organisant dans un diagramme en arête de poisson. Ce diagramme permet de visualiser ainsi les causes de défaillance, organisées de la plus évidente, qui sera proche de la "colonne vertébrale du poisson", jusqu'à à la plus lointaine - séparée de la défaillance par plusieurs liens de causalité de plus en plus ténus - qui sera perdue dans les ramifications.</p>
<p>Les causes de défaillances du diagramme d'Ishikawa sont réparties en différentes catégories :</p>
<ul>
<li>Matériaux (matières premières) entrant en jeu</li>
<li>Matériels utilisés, les machines et équipements</li>
<li>Méthodes, processus et tactiques mis en œuvre</li>
<li>Main-d'œuvre, les tiers intervenants</li>
<li>Milieu, l'environnement général pour l'accomplissement de l'objectif qualitatif</li>
</ul>
<p>On peut éventuellement y ajouter les catégories :</p>
<ul>
<li>Mesure, à savoir les évaluations et appréciations réalisées</li>
<li>Management, la manière dont la Main d’œuvre s'est trouvée encadrée et pilotée</li>
</ul>
<h2>Quel rapport entre qualité et une intrigue de JdR ?</h2>
<p>Sauf cas particulier, les joueurs visent en principe une forme de succès dans le cadre des scénarios auxquels ils participent via leurs personnages. Rien que la survie du personnage est déjà une forme de succès.</p>
<p>Ces objectifs des joueurs peuvent tout à fait être considérés comme une forme de qualité du résultat produit par le déroulement de l'intrigue / de la partie :</p>
<p>La qualité totale est atteinte lorsque la caravane arrive à sa destination dans les temps prévus, sans pertes humaines ni de marchandises. Lorsque ce n'est pas le cas, alors le résultat du processus "intrigue" est de qualité partielle (la caravane est en retard et il y a eu plusieurs morts dans l'escorte), de mauvaise qualité (la caravane est arrivée en retard, trois chameaux chargés des marchandises les plus précieuses se sont perdus dans une tempête de sable, et certains membres de l'escorte véhiculent une maladie contagieuse), voire pas atteint du tout (la caravane n'est jamais arrivée, tous les personnages-joueurs sont morts ou capturés par les nomades cannibales).</p>
<p>La défaillance qualitative est donc un déroulement de la partie qui aboutit à un résultat insatisfaisant pour les personnages-joueurs (qui ne remplissent pas leurs objectifs).</p>
<h2>Objectifs et arbitraire du meneur de jeu, défis pour les joueurs</h2>
<p>De son côté, le meneur de jeu est là pour opposer des défis aux personnages-joueurs : dans une certaine mesure, la défaillance qualitative est son objectif.</p>
<p>Évidemment, il n'est rien de plus facile pour le meneur de jeu que de fixer arbitrairement une situation d'échec du scénario, mais un tel comportement est sans intérêt et même contre-productif : le MJ est là pour challenger les joueurs pour qu'ils s'amusent, et non pour leur imposer l'arbitraire frustrant d'un démiurge mesquin.</p>
<p>Bien au contraire, pour confronter les personnages-joueurs à un défi, il faut d'abord leur laisser une chance, et même de nombreuses chances. Les chances que des personnages-joueurs seront parfois, mais pas nécessairement, en mesure de saisir représentent autant de défis intellectuels et/ou émotionnels pour les joueurs eux-mêmes. Pour cela, il est efficace d'encourager les personnages-joueurs dans leurs entreprises, ceci <del>même</del> surtout quand celles-ci apparaissent intéressantes à court terme mais sont contre-productives à long terme compte tenu de ce que sait le meneur de jeu sur les véritables causes des difficultés.</p>
<p>Pour donner sa pleine efficacité à cette tactique et supprimer toute sensation d'arbitraire, il est essentiel de <ins>donner du pouvoir</ins> aux personnages-joueurs : de les mettre dans la position de décisionnaires ou à tout le moins d'acteurs essentiels pour gérer les causes de défaillance qualitative (au sens de risques pouvant mener à l'échec de leurs objectifs).</p>
<p>Ainsi, il devrait être loisible au personnage-joueur, chef de la caravane en butte à des impératifs calendaires, d'imposer un pas rapide au convoi. Un tel pas rapide permet effectivement, à court terme, d'avancer plus vite et de réduire le temps du voyage. Cependant, à moyen terme, la fatigue s'installera plus vite chez les membres de la caravane, tout comme les risques de blessures, tandis qu'à long terme l'eau consommée plus rapidement pourrait venir à manquer vers la fin du voyage. Ces nouvelles causes potentielles d'échec devront être à leur tour gérées.</p>
<p>Bref : le meneur de jeu aura ainsi donné à ce personnage-joueur "<em>la corde pour se pendre</em>".</p>
<p>À un niveau "méta-jeu", les joueurs auront conscience des opportunités saisies, de celles qu'ils auront laissé échapper, et de leurs échecs à anticiper des difficultés : réussites et échecs survenant progressivement, les joueurs ne manqueront pas de se tenir eux-mêmes pour principalement responsables du déroulement favorable ou au contraire défavorable de l'intrigue.</p>
<h2>Brainstorming</h2>
<p>Le diagramme d'Ishikawa détourné lui permet de poser les objectifs des personnages-joueurs en partant de l'hypothèse que ceux-ci ne seront pas remplis à la fin de l'intrigue, et de se créer une liste des causes et leviers, des plus proches aux plus lointains, qui auraient pu contribuer à cette situation de non-qualité / non-atteinte de ces objectifs.</p>
<p>Ainsi, reprenant l'exemple de la caravane, le meneur de jeu pourrait décider que les causes les plus immédiates de défaillance dans chaque catégorie sont les suivantes :</p>
<ul>
<li><strong>Matériaux</strong> (matières premières) : les cordages et bâches utilisés pour emballer les marchandises sont trop fragiles et ont une tendance à céder au cours du voyage ;</li>
<li><strong>Matériels</strong> : l'instrument pour s'orienter dans le désert est faussé et indique une direction imprécise, les selles sont inconfortables pour les voyageurs, il manque des couvertures pour les nuits fraîches, les gourdes d'eau sont trop petites ou trop peu nombreuses ;</li>
<li><strong>Méthodes</strong> : le rythme imprimé à la caravane est trop soutenu ce qui fatigue les bêtes, le chemin planifié passe par une zone trop difficile à franchir ;</li>
<li><strong>Main-d'œuvre</strong> : un faux marchand envoie régulièrement des pigeons voyageurs pour informer un groupe de bandits de la progression de la caravane, le guide fait des erreurs d'orientation ;</li>
<li><strong>Milieu</strong> : le désert est parcouru de tempêtes de sable, les puits du parcours envisagé sont à sec, la température est insoutenable le jour (trop chaud) et la nuit (trop froid), le sable s'insinue partout, les scorpions et serpents se glissent dans les affaires des caravaniers ;</li>
<li><strong>Mesure</strong> : le poids des marchandises a été sous-évalué, les bêtes de somme avancent moins vite que calculé, les quantités de vivres sont insuffisantes ;</li>
<li><strong>Management</strong> : ceci est surtout de la responsabilité des personnages-joueurs, qui feront leurs propres erreurs, n'en doutons pas - il n'est donc pas nécessaire de l'indiquer.</li>
</ul>
<p>Si la mission de la caravane aboutissait à un échec, une analyse post mortem de cet échec dans le cadre d'une démarche qualité pourrait aboutir à un diagramme tel que celui-ci :</p>
<p><img src="https://blog.xyrop.com/public/Gamemastering/Images/Ishikawa/ishikawa1.png" alt="" style="display:table; margin:0 auto;" /></p>
<p>Quand ces causes se présentent spontanément (ou plutôt que le meneur de jeu les fait survenir directement ou mentionne leur possible apparition), les PJ s'empressent habituellement de prendre les contre-mesures qui s'imposent, souvent d'une manière relevant un peu du <em>méta-gaming</em>.</p>
<p>Pour éviter cela, inverser le diagramme d'Ishikawa permet d'imaginer les causes plus lointaines de ces différentes causes plus proches menant à l'échec de la mission des PJ. Dès lors, le MJ a tout le loisir de les exposer de manière très ouverte à leur sagacité, sans pour autant en faire apparaître les conséquences. Les PJ ainsi informés ne peuvent pas ignorer des faits qui <em>in fine</em> pourraient mener à l'échec de leurs objectifs. La subtilité de cette technique réside dans le fait que, le MJ se comportant de manière loyale et ne cachant aucune information importante, la survenance de l'échec ne résultera au final que d'un enchaînement de causalités aggravé par le défaut d'anticipation des PJ. Autrement dit : ça va mal se passer mais c'est entièrement la faute des joueurs !</p>
<p>Ainsi, dans le cas ci-dessus, le meneur de jeu va distiller les informations aux PJ relativement aux causes des causes d'échec potentielles de leur quête :</p>
<ul>
<li>"<em>Non loin de vous, deux artisans s'invectivent : - "Fils de putois, le fil de lin que tu m'as vendu est pourri ! Comment veux-tu que je travaille correctement ?"</em>". C'est la cause lointaine de la défaillance des <strong>Matériaux</strong>, bâches et cordes ;</li>
<li>"<em>Au moment de charger ses affaires, votre guide fait tomber son paquetage. Il l'ouvre rapidement et fouille parmi ses outils, puis referme le sac visiblement soulagé</em>". Le choc a endommagé l'astrolabe du guide, et celui-ci ne s'en est pas aperçu. "<em>'J'ai acheté des selles toutes neuves, je ne lésine pas sur la sécurité', vous confie le marchand.</em>" Ces selles neuves sont hélas trop dures et vont fatiguer les animaux et les voyageurs au début du voyage. "<em>Vous devriez vous méfier, les nuits du désert sont fraîches. J'ai depuis longtemps tout un stock de couvertures qui ne me servent pas, et dont je veux me séparer. Voulez-vous me les acheter ?</em>" Ces couvertures à première vue acceptables, ont été entreposées trop longtemps. Cette mauvaise conservation est la cause de ce qu'elles s'effilochent dès qu'on les déplie. Ce sont des exemples de causes lointaines de la défaillance des <strong>Matériels</strong> ;</li>
<li>"'''J'ai peur que nous ne soyons suivis par des pillards du désert. Peut-être devrions-nous forcer le pas ?', suggère votre guide." Ceci aggraverait la fatigue des hommes et des bêtes, et la présence des pillards peut donc pousser les PJ à commettre une erreur de <strong>Méthode</strong> ;</li>
<li>"<em>Le caravanier pousse un juron en perdant aux dés. Un autre membre du convoi s'étonne : 'Qu'est-ce qu'il joue, celui-là ! J'aurais juré qu'il était sur la paille, et le voici à dépenser sans compter !</em>'" Le caravanier a reçu de l'argent pour trahir la caravane et informer des brigands de sa progression. Le besoin d'argent et son appétit du jeu du marchand est la cause de sa trahison, défaillance de <strong>Main-d'œuvre</strong> ;</li>
<li>"<em>Une jeune enfant émaciée, aux lèvres parcheminées, s'approche de toi et caresse l'outre d'eau à ta ceinture avec un regard de convoitise. 'Messire, il n'a pas plu de toute la saison, et mon petit frère se meurt de soif...</em>'" Si la région n'a pas connu de pluie pendant toute la saison, alors les arrêts aux puits prévus sur le chemin de la caravane seront probablement insuffisants pour ravitailler les caravaniers en eau. La cause lointaine des puits à sec est donc annoncée, encore faut-il que les PJ anticipent. C'est une cause de défaillance du <strong>Milieu</strong> ;</li>
<li>"<em>Non, ne forçons pas le pas pour échapper aux pillards, nous risquons de fatiguer les bêtes. Perdons-les plutôt en traversant les rocailles. Cela ne devrait pas prendre plus d'une heure.</em>" Au bout de plus d'une demi-journée, il faut se rendre à l'évidence, la région rocailleuse est beaucoup plus étendue que prévu. En outre, deux bêtes se sont blessé les pattes contre les rocs acérés, et la caravane entière est contrainte de se déplacer à leur vitesse moindre. La décision d'échapper aux pillards est la cause de cette erreur de <strong>Mesure</strong> dans la vitesse de progression.</li>
</ul>
<p>Synthétisées dans un diagramme d'Ishikawa inversé, les informations sur les causes proches et lointaines d'échec de la mission se trouvent dans les cadres verts :</p>
<p><a href="https://blog.xyrop.com/public/Gamemastering/Images/Ishikawa/ishikawa2.png"><img src="https://blog.xyrop.com/public/Gamemastering/Images/Ishikawa/ishikawa2.png" alt="" style="display:table; margin:0 auto;" /></a></p>
<h2>Conclusion</h2>
<p>Cette méthode permet au meneur de jeu de trouver facilement des manifestations, intégrées dans l'espace imaginaire partagé, des causes de défaillance de la mission des PJ.</p>
<p>En présentant clairement, loyalement et assez tôt dans l'aventure toutes les informations contenues dans les cadres verts, le meneur de jeu remet entre les mains des joueurs l'entière responsabilité du bon ou mauvais déroulement de l'aventure.</p>
<p>Lorsque les causes d'échec lointaines n'ont pas été détectées ou gérées en amont par les PJ, il suffit dès lors au meneur de suivre le diagramme qu'il a conçu : au cours de la partie, il devra narrer de manière objective les causes d'échec plus proches qui se seront réalisées faute de prise en compte par les joueurs.</p>https://blog.xyrop.com/post/2018/05/03/%5BTactique-de-ma%C3%AEtrise%5D-Sc%C3%A9nario-retors-gr%C3%A2ce-au-diagramme-d-Ishikawa#comment-formhttps://blog.xyrop.com/feed/atom/comments/46[Tactique de maîtrise] Mener une partie de 2 heures maximum en convention ou salonurn:md5:74230b23803c36b991e4e9c22780f3822018-01-22T10:35:00+01:002020-05-10T17:05:58+02:00LudoxAide de jeuconseilsconventionJdRmener une partieMJPersonnages précréésRetour d expériencesalontactique de maîtrise<p><em></em>La tendance sur les salons et conventions depuis les 5 dernières années est en effet au raccourcissement de la durée que les visiteurs des salons sont prêts à accorder à leur participation à des parties de JdR. Cela peut sembler paradoxal pour une activité qui est connue pour être consommatrice en temps, mais c'est pourtant ce qui se passe : annoncez aux visiteurs qu'ils vont rester 3h30 assis sur une chaise, et ils vont s'inquiéter voire renoncer à venir à la table de jeu. Or, que vous souhaitiez mettre en œuvre une simple démonstration ou faire connaître votre jeu, l'intérêt de la partie que vous proposez en salon est précisément faire venir des joueurs à votre table de JdR et non de les faire fuir !
Après 15 ans au moins passés à mener et participer à des parties de JdR au cours de conventions et salons consacrés, cet article présente quelques conseils nés de l'expérience pratique - comme disent nos amis anglophones : YMMV (<em>Your Mileage May Vary</em>).</p> <h2>Les contraintes des conventions</h2>
<p>Commençons par enfoncer une porte ouverte, et rappelons-donc les contraintes des conventions, parties de JdR un peu spéciales. Ce sont ces contraintes qui doivent amener le MJ à modifier sa manière de maîtriser :<br />
<strong>Le bruit</strong> : Le bruit est la contrainte numéro 1 de la partie de convention. Qui n'a jamais maîtrisé une partie à deux pas du stand "<em>Dance Dance Revolution</em>" (faits authentiques) ne saurait comprendre parfaitement le sens de l'expression "<em>mener une partie dans la douleur</em>". Le bruit de fond constant contraint le MJ à forcer sa voix et interdit la plupart du temps les scènes feutrées dont les protagonistes chuchotent. Les pics de bruit (et là je pense à toi, oui, toi l'enf**** qui soufflais dans ta corne de brume à côté de ma table de démo) interdisent tout échange avec les joueurs, et vont faire perdre autant de temps effectif pour le déroulement de la partie.<br />
<strong>Durée limitée</strong> : Le manque de temps est la deuxième contrainte de la partie de démonstration en salon. Si le temps imparti pour la partie est écoulé sans que le scénario soit achevé, le MJ a le choix soit de s'interrompre, soit de continuer. Dans les deux cas, il fera des malheureux. Si le scénario demeure inachevé, ses joueurs seront frustrés de ne pas connaître la fin (ou de l'apprendre sans avoir pu la jouer). S'il choisit de poursuivre la partie au-delà du temps imparti, ce sont les joueurs de la partie suivante qu'il va frustrer en retardant le début de leur partie ou en étant forcé d'écourter le déroulement de leur propre scénario. En clair, il faudra tenir le temps imparti d'une manière ou d'une autre.<br />
<strong>Les joueurs</strong> : ce sont a priori de parfaits inconnus, avec des attentes disparates et une expérience variable du JdR. Le temps est limité, le MJ n'a pas trop le temps d'apprendre à les connaître, et de s'adapter à leurs attentes. Quant au "contrat social" du JdR, n'en parlons même pas : si des joueurs connaissant le JdR sauront éventuellement préciser s'il existe des sujets tabous, les joueurs débutants n'auront même pas idée de la manière dont se déroule une partie, autant dire que se projeter dans son contenu leur passera très loin au-dessus.<br /></p>
<h2>Le joueur de convention</h2>
<p>Concentrons-nous un instant sur le joueur de salon. Ses caractéristiques particulières sont structurantes de l'attitude du MJ :</p>
<ul>
<li>Il ne connaît pas le MJ. Il ne sait pas que le MJ châtie systématiquement les joueurs qui l'interrompent en leur coupant une phalange, ni qu'il a une obsession pour les intrigues à tiroir et les femmes drows en déshabillé de cuir. Le MJ doit expliquer avant la partie comment il fonctionne, s'il fait des choses inhabituelles pour un MJ lambda. Par exemple, je n'utilise pas d'écran pour cacher mes jets de dés : tous les joueurs peuvent les constater - ça veut également dire que je ne "triche" pas pour sauver les personnages-joueurs, et c'est ce que j'explique habituellement aux joueurs qui viennent à ma table ;</li>
<li>Il ne connaît pas le scénario. Il est là pour le connaître, et même peut-être pour faire des choses auxquelles le MJ n'aurait pas pensé, comme par exemple parler à un monstre là où son groupe habituel l'aurait juste massacré à coups d'épée bâtarde. Cela veut dire par corollaire qu'il ne faut pas le sanctionner s'il s'éloigne du scénario, mais au contraire le récompenser ;</li>
<li>Il ne connaît probablement pas l'univers de jeu de la partie, et il faudra le guider gentiment dans la bonne voie ("<em>- je pense qu'un Bushi du Lion éviterait ce genre de comportement.</em>") plutôt que de le sanctionner ("<em>- ton Daimyo est offensé et t'ordonne le seppuku !</em>")</li>
<li>Il accepte les contraintes des conventions. Il sait que la partie va être courte, se dérouler dans un environnement bruyant, et que l'aventure sera adaptée au plus grand nombre. S'il a choisi de participer à une partie en salon, c'est qu'il accepte ces contraintes et qu'il estime qu'elles ne le gêneront pas.</li>
<li>Mais alors, pourquoi est-il présent ? Que vient-il donc chercher ? Sans trop se fourvoyer, on peut dire que le joueur de convention cherche d'abord et avant tout le plaisir de la découverte : découverte d'un nouveau jeu (voire d'un loisir inconnu pour les grands débutants), d'un nouvel univers, d'un nouveau système de règles, découverte d'autres manières de jouer, découvrir de nouveaux joueurs et MJ sympathiques.</li>
</ul>
<p>Partant de cette hypothèse, le devoir du meneur de jeu en convention est donc de donner à ces joueurs non seulement ce plaisir de la découverte, mais aussi <strong>l'envie de la découverte</strong>. Les impératifs du meneur par rapport au joueur de convention sont alors non seulement de lui mettre des souvenirs plein la tête, de faire en sorte que cette partie soit marquante, bref, d'en faire des tonnes, mais également de lui donner envie de continuer la partie ou la campagne, de lui faire regretter que la partie n'ait pas duré plus longtemps. Avant même de passer par le contenu de la partie, ça passe par l'attitude du meneur de jeu en démonstration qui doit faire <ins>un effort pour être sympathique</ins>, comme par exemple sourire en se présentant, demander leurs prénoms aux joueurs, faire qu'ils se sentent détendus et accueillis, sourire en présentant le jeu et l'univers, complimenter les joueurs sur leur choix de prétirés, sourire, rire avec eux, etc.</p>
<h2>La préparation de la partie</h2>
<p><strong>La matériel</strong> requis pour une partie de convention est le suivant : <br /></p>
<ul>
<li>des feuilles de personnages prétirés pour 4 à 5 joueurs. Sauf exception très particulière que nous verrons plus loin, la contrainte de temps exclut nécessairement le temps pour les joueurs de créer leurs personnages. Alors je sais bien : "<em>les prétirés, c'est le mal !</em>" et puis "<em>ça fait partie intégrante du plaisir du JdR</em>", mais outre qu'on a pas le temps, et que certains joueurs trouvent que remplir leur fiche est une corvée, la plupart des joueurs de salon sont là pour bénéficier de temps de jeu effectif - soit ils sont déjà rôlistes et connaissent déjà le plaisir jouissif de créer un perso, soit ils ne sont pas rôlistes mais en prenant plus de temps pour les faire jouer, le MJ augmente les chances qu'ils le deviennent à terme et qu'ils découvrent ce plaisir par eux-mêmes plus tard. Et puis franchement, tous les groupes de personnages ressemblent d'une manière ou d'une autre à l'Agence tous risques. Autant gagner du temps et faire les fiches d'Hannibal, Futé, Barracuda et Looping avant...</li>
<li>autant d'assortiments de feuilles de personnages prétirés que de parties prévues. Les joueurs aiment griffonner sur les fiches de prétirés, et on peut espérer qu'ils auront plaisir à la garder avec eux en souvenir de la partie. Sans compter que le titre du jeu est habituellement sur la fiche - c'est un aide-mémoire - et qu'on peut également y mettre des mentions du site web du jeu, de la page Facebook, etc. ;</li>
<li>des personnages prétirés adaptés au scénario & complémentaires. Ce n'est pas la peine de mettre un barbare avec une grosse hache dans le groupe de prétirés si le scénario est entièrement tourné vers l'intrigue. Si le scénario consiste à prendre d'assaut une forteresse, il faudra que l'érudit du groupe ait une bonne raison d'être présent. De même, les personnages prétirés devraient être complémentaires les uns avec les autres, afin qu'ils aient chacun quelque chose à faire dans la partie. Dans le cas contraire, c'est prendre le risque qu'un ou plusieurs joueurs s'ennuient.</li>
</ul>
<p><strong> La teneur du scénario</strong><br />
Le profil des joueurs peut fortement varier autour d'une table - une partie de démo d'<a href="http://www.legrog.org/jeux/exquisite-replicas" hreflang="fr">Exquisite Replicas</a> avec autour de la même table deux demoiselles de 12 ans sevrées à Chica Vampiro et un ancien MJ de <a href="http://www.legrog.org/jeux/kult" hreflang="fr">Kult</a> risque d'aboutir à un grand écart thématique/intellectuel pour le MJ.
Par conséquent, il faudra déterminer un dénominateur commun pour la partie de démonstration, afin, autant que faire se peut, de rassembler les joueurs autour de thèmes qui peuvent être difficiles tout en restant grand public (sans forcément être grand public). Cela, sans même parler des spectateurs de la partie : le gamin de 10 ans qui vient observer la table n'est pas forcément prêt à entendre la description détaillée de la manière dont le phallus démesuré et hérissé de piquants du démon de Slaanesh vient empaler l'anus du nain tueur de trolls et fouailler ses entrailles dans une agonie exquise. En clair, il faut du "Interdit aux moins de 12 ans non accompagnés", et pas du "Interdit aux mineurs".
Cela n'empêche pas de proposer quelque chose de <a href="http://www.legrog.org/jeux/Sombre" hreflang="fr">Sombre</a>. Simplement, il faut faire preuve de discernement dans les thématiques, et, pour les scènes potentiellement choquantes, suggérer plutôt que décrire.</p>
<p><strong>Placement en milieu de table</strong><br />
Je ne vais pas revenir sur la question du <a href="https://blog.xyrop.com/index.php/post/2017/06/19/Placement-MJ" hreflang="fr">placement en milieu de table</a>, qui est pour moi <ins>la base</ins> pour une partie de JdR en table longue (telles que très souvent les tables de convention), et qui est absolument indispensable lors des parties de démonstration sur les salons. Il y a beaucoup trop de bruit environnant en salon (visiteurs, autres tables) pour qu'un MJ puisse envisager un autre placement afin de se faire entendre de tous les joueurs à sa table, du moins sans se bousiller la voix.</p>
<p><strong>Pastilles au miel</strong><br />
Corollaire du placement en milieu de table, la pastille au miel est la meilleure amie du MJ de convention à partir de la 2e démonstration d'affilée. Contraint de placer sa voix afin de dominer le bruit ambiant, le MJ sollicite fortement ses cordes vocales, et la pastille au miel permet de soulager leur irritation.</p>
<h2>Présenter l'univers et les règles</h2>
<p>C'est vrai qu'il serait plaisant de pouvoir présenter l'univers et les règles de manière détaillée. Cependant, la partie est contrainte par le temps : 2 heures maximum ! Il n'est donc pas sérieux de prendre des heures pour présenter les querelles intestines des clans Tremere et Giovanni avant de commencer à jouer.
Le plus simple est encore de poser le décor via d’autres œuvres, en espérant que les joueurs les connaissent : "<em>- C’est un crossover entre Matrix et Pirates des Caraïbes, mais dans un univers façon Harry Potter, où vous jouez des zombies...</em>" - si l'univers est "grand public", ce sera probablement plus facile.</p>
<p>Si l'univers est trop atypique, il est envisageable d'engager l'immersion via une interaction avec un PNJ : "<em>- Comme vous le savez certainement, l'Hégémonie subit de plus en plus d'attaques de Pirates sur ses frontières. Ces attaques pourraient être financées par la Ligue Rouge, nos rivaux de toujours, mais nos informations nous laissent penser que des administrateurs de l'Hégémonie félons seraient les vrais responsables. Votre mission sera de vous rendre au comité de coordination des cités cultivatrices de varech mutant, et d'y démasquer les traîtres.</em>"</p>
<p>Si l'univers est trop riche et foisonnant, autant proposer une découverte progressive de l'univers. Ceci consiste à ne décrire que ce que les joueurs savent de leur environnement immédiat, en limitant les explications à ce qui est strictement nécessaire pour les joueurs, et en complétant progressivement les trous dans les savoirs des joueurs au fur et à mesure de la partie. Ceci constitue un gain de temps appréciable, et permet de ménager des temps morts explicatifs qui peuvent "reposer" les joueurs éprouvant des difficultés de concentration.</p>
<p>En ce qui concerne les règles, il serait idéal de pouvoir toutes les expliquer au début. Cependant, le temps est limité : conséquence, il est préférable de commencer à jouer tout de suite, et peu importe que les joueurs ignorent les subtilités des jets de dés. Dès que le joueur annoncera une action qui nécessite un jet de dé, le MJ lui dira : "<em>Fais un jet de Quantum + Macramé sous Charisme, s'il te plaît.</em>", comme si le joueur connaissait les règles, ceci afin de familiariser le joueur avec le jargon, puis de l'aider et lui expliquer comment réaliser son jet. Ainsi, les seules règles qui auront besoin d'être expliquées sont celles qui seront strictement et évidemment nécessaires dans le cadre de la partie.</p>
<h2>Méthode du donjon en 5 pièces</h2>
<p>Le <em><a href="https://www.roleplayingtips.com/rptn/rpt156-6-methods-making-dungeons-interesting/" hreflang="en">Donjon en 5 pièces</a></em> est une méthode de découpage en 5 scènes d'un "donjon" (une aventure quelconque, qui ne se passe pas forcément dans un donjon), inventée par Johnn Four. Cette méthode consiste à découper l'aventure en 5 scènes : 1. Entrée et gardien ; 2. Énigme ou intrigue ; 3. Tromperie ou revers ; 4. Grand final ; 5. Récompense, révélation, coup de théâtre.</p>
<p>Cette méthode est très adaptée à des parties de 2 heures. En affectant des durées prévisionnelles à chaque scène, on peut obtenir ceci :</p>
<ol>
<li>Entrée et gardien - 15 minutes</li>
<li>Énigme ou intrigue - 30 minutes</li>
<li>Tromperie ou revers - 40 minutes</li>
<li>Grand final - 20 minutes</li>
<li>Récompense, révélation, coup de théâtre - 15 minutes</li>
</ol>
<p>Ça fait 2 heures pile, ce qui est précisément la durée prescrite pour une partie de démonstration en salon !</p>
<p>Évidemment, d'<a href="http://ptgptb.fr/structure-pour-les-scenarios-de-convention" hreflang="fr">autres structures et découpages de scénarios sont bien entendu possibles pour tenir les délais contraints des parties de convention</a>.</p>
<h3>Comment exploiter l'aventure en 5 scènes afin de respecter ces impératifs de délais ?</h3>
<p>1. Entrée et gardien<br />
Il semble raisonnable de prévoir 5 minutes d'exposition / description de l'action, afin de laisser les joueurs entrer dans leurs personnages, faire connaissance par le roleplay, et de les laisser prendre la mesure de leurs capacités et des objectifs du scénario. Les PJ devraient pouvoir consacrer une dizaine de minutes à surmonter ce premier obstacle à l'accomplissement de leurs objectifs. Ceci leur permettra également d'apprendre et d'expérimenter en douceur les règles.</p>
<p>2. Énigme ou intrigue<br />
Il ne faut pas que les joueurs se dispersent, ni perdre de temps. Une fois la problématique de la scène posée ("<em>il faut traverser les pièges mortels pour s'emparer de l'idole des indiens Ovitos</em>", "<em>il faut persuader ce flic corrompu de nous donner le nom de son contact dans la mafia</em>"), un indice clair sur la manière de triompher de l'énigme, ou un levier de négociation potentiel pour intriguer efficacement devraient être fournis aux PJ dans les 5 minutes du début de cette scène.<br />
Au cours des 25 minutes suivantes, les joueurs devraient travailler à mettre efficacement en oeuvre cet indice ou ce levier.<br />
Il est très important de faire en sorte que l'énigme soit un test relevant du QI, accessible potentiellement à n'importe quel joueur donc PJ, plutôt qu'un test de connaissances qui ne serait accessible qu'à un public restreint ("- ah, désolé, il faut connaître l'héraldique pour comprendre tout le sel de cette énigme"), ou pire, au seul PJ ayant LA compétence qui va bien. L'intérêt en est de mettre en valeur le caractère universel du JdR, montrer que n'importe qui peut s'en sortir grâce à un peu d'ingéniosité, bref que c'est un loisir accessible à tous.<br />
En ce qui concerne l'intrigue, il est évidemment indispensable de récompenser l'effort de "<em>roleplay</em>" afin de motiver les joueurs à s'immerger encore plus dans la partie. Le résultat n'en sera que plus divertissant pour tous les participants de la table.</p>
<p>3. Tromperie ou revers<br />
Il est important là aussi que la découverte de la tromperie ou du revers inattendu (les PJ se sont trompés de personne / salle / cible, l'otage n'en est pas un, etc.) se produise dans 5 premières minutes de la scène, pour ensuite laisser une période relativement longue, 35 minutes donc plus du quart de la durée totale de la partie, pour permettre aux joueurs de trouver une nouvelle approche.<br />
C'est la substance même du JdR que de permettre aux joueurs d'élaborer leur propre solution à une situation imprévue, et c'est pour ça qu'il faut leur laisser du temps pour réfléchir et agir efficacement. Pour des joueurs débutants, c'est peut-être le meilleur moment de la partie, parce que c'est à ce moment-là qu'ils s'aperçoivent que le destin de leur personnage est vraiment entre leurs mains, et qu'ils peuvent entreprendre tout ce qu'ils peuvent imaginer.</p>
<p>4. Grand final<br />
Le grand final consiste habituellement à une épreuve (combat, diplomatie, cuisine au wok, etc.) contre le grand méchant. Il faut bien une vingtaine de minutes pour ce grand final, parce qu'il requiert de ne pas lésiner sur les descriptions afin de poser l'ambiance.
C'est aussi l'occasion pour le meneur d'"exploser le budget" en termes d'effets spéciaux et de figurants, façon superproduction hollywoodienne, et d'en mettre "plein la vue" aux joueurs.<br />
Cependant, il faut faire extrêmement attention à l'écoulement du temps : les descriptions longues du MJ sont autant de temps qui n'est pas exploitable pour les joueurs.
Idéalement, chaque personnage-joueur devrait avoir l'occasion d'accomplir quelque chose qui est dans ses cordes, qui le met en valeur, au cours de cette scène.</p>
<p>5. Récompense, révélation, coup de théâtre<br />
Cette scène de 15 minutes est utile pour lier l'aventure en 5 scènes avec l'aventure suivante. Cependant, elle est souvent superflue dans une partie de convention. On peut ainsi l'expédier en 2 phrases : "<em>... Et pour vous remercier d'avoir sauvé son fils, la reine vous offre à chacun un séjour de longue durée dans ses geôles : personne ne doit savoir ce qui s'est réellement passé dans l'antre de Vermithrax.</em>"<br />
L'intérêt d'avoir d'ores et déjà prévu un coup de théâtre final rapide à mettre en scène est, pour le MJ, de disposer d'une provision de temps supplémentaire en cas de dépassement des durées des scènes précédentes.<br />
Au contraire, si les scènes précédentes se sont déroulées rapidement et qu'il y a encore du temps disponible, le coup de théâtre final peut être joué entièrement plutôt que raconté, ou bien parallélisé avec la scène 4 ("<em>- Pendant que vous affrontez Vermithrax, un autre groupe d'aventuriers se barre avec son trésor !</em>", laissant encore une fois aux PJ l'opportunité de prendre leur destin en main et de renverser la situation, donnant une conclusion mémorable au scénario.</p>
<h2>Simplifier un scénario existant</h2>
<p>Tous les MJ n'ont pas la possibilité de créer un scénario de convention. Les MJ dans cette situation ont donc recours à des scénarios préexistants. Cependant, nombre de ceux-ci ne sont pas adaptés à des parties de démonstration en salon, et requièrent des adaptations pour les simplifier.<br />
Ces adaptations ne sont pas difficiles, mais requièrent d'être menées avec une certaine rigueur pour rendre le scénario jouable en moins de 2 heures.</p>
<h3>Inventorier les factions, leurs objectifs et les PNJ</h3>
<p>La première étape consiste à identifier le nombre de factions dans le scénario, et à en réduire le nombre à 2, et au maximum 3, sachant que les PJ sont eux-mêmes une faction.</p>
<p>La deuxième étape vise à s'assurer que les objectifs des factions sont simples et clairs. Chaque faction ne doit avoir qu'un seul objectif. Les objectifs divergents au sein d'une même faction constituent potentiellement un scénario à part entière - autant dire que ça ne rentrera pas dans les 2 heures imparties.</p>
<p>La troisième étape consiste à inventorier les PNJ, et à fusionner les PNJ équivalents. Les PNJ équivalents sont des PNJ qui appartiennent à la même faction et ont la même fonction. Par exemple, telle faction comporte un sergent et un lieutenant piorads. Ces deux PNJ seront fusionnés en "officier piorad" sans autre distinction.</p>
<h3>Hiérarchiser les scènes et dégager les scènes-clefs</h3>
<p>Toutes les scènes ne sont pas d'égale importance. Certaines scènes sont totalement superflues dans la partie, tandis que d'autres sont vitales pour l'avancée de l'intrigue.
Pour raccourcir la durée potentielle du scénario, il faut supprimer les scènes superflues pour se concentrer sur les scènes-clefs.</p>
<p>Le critère de hiérarchisation et de suppression est l'enjeu dramatique. Le MJ supprime progressivement les scènes du scénario par ordre croissant d'enjeu dramatique.</p>
<p>Ainsi, le combat contre les 3 kobolds dans la forêt n'est pas une scène a priori très importante (ce ne sont que trois kobolds dans la forêt).
Si le combat a pour objet de trouver un indice, son enjeu dramatique est moindre que si ce combat doit empêcher les kobolds de tuer le jeune marquis. Il est donc préférable de supprimer cette scène et de directement donner l'indice aux PJ le cas échéant.</p>
<p>De même, le duel de cuisine au wok contre Vermithrax le dragon est porteur d'enjeux dramatiques différents selon qu'il permet au dragon de savoir si les PJ sont dignes de son attention, ou selon qu'il pourrait sauver les habitants du royaume de la mort par une cuisson préservant toute leur saveur.
Dans ces hypothèses respectives, il est préférable de considérer que Vermithrax juge déjà les PJ dignes de son attention, et de jouer le duel dont l'enjeu est de savoir si Vermithrax va s'offrir un beau gueuleton de chair humaine.</p>
<p>Cette hiérarchisation faite, il est préférable de ne conserver que 4 à 5 scènes-clefs dans tout le scénario.</p>
<h3>Relier entre elles les scènes-clefs</h3>
<p>Une fois ces scènes à enjeux dramatiques forts identifiées, reste à vérifier que le scénario tourne encore. La manière de le faire est encore d'essayer de relier entre elles les différentes scènes-clefs, pour vérifier que "ça tourne", c'est-à-dire que les PJ peuvent logiquement passer de l'une à l'autre avec les informations dont ils disposent et leurs capacités.</p>
<p>À cet effet, tout schéma est valable !</p>
<p><a href="https://blog.xyrop.com/public/Gamemastering/Images/Simplifer_Scenario.png"><img src="https://blog.xyrop.com/public/Gamemastering/Images/Simplifer_Scenario.png" alt="" style="display:table; margin:0 auto;" title="Simplifier un scénario en enlevant les scènes superflues" /></a></p>
<p>Cet effort de simplification permet globalement de revenir sur une structure proche du "donjon en 5 pièces".</p>
<p>Si des scènes-clefs ne peuvent être reliées que de manière indirecte, il est possible de conserver les scènes intermédiaires mais de les éliminer rapidement de l'intrigue via des ellipses, ou des descriptions où les personnages-joueurs ne sont que passifs (i.e. comme des cinématiques de jeux vidéo). Il est cependant nécessaire :</p>
<ul>
<li>de ne pas abuser du procédé pour que les personnages-joueurs conservent leur liberté d'agir et d'influer sur la narration ;</li>
<li>de limiter le nombre et la durée de ces descriptions elliptiques pour, d'une part, ne pas ennuyer les joueurs, et d'autre part, ne pas dépenser trop de temps pour ces cinématiques qui n'ont pas d'autre intérêt que de permettre de passer à la scène-clef suivante.</li>
</ul>
<h3>Et pourquoi ne pas faire un THACO ?</h3>
<p>Évidemment, fidèle lecteur de ce blog, tu t'interroges : pourquoi ne pas compléter un THACO conformément à la <a href="https://blog.xyrop.com/index.php/post/2014/08/29/Strategic-Gamemastering-part-2">méthode de maîtrise stratégique</a> sur la base des <a href="https://blog.xyrop.com/index.php/post/From-RPG-theory-to-Gamemastering-Strategy">informations figurant sur les fiches de prétirés</a>, puis <a href="https://blog.xyrop.com/index.php/post/2015/09/02/Strategic-Gamemastering-part-3-Flags-THACO-PlotHooks">compléter le THACO avec les composants du scénario envisagé</a> ?</p>
<p>Bien entendu, faire un THACO est possible dans cette hypothèse puisque le MJ a déjà les personnages prétirés sous la main. Rien de plus simple que de les décomposer et d'exploiter leurs thématiques communes les plus saillantes. Pour autant, la méthode de maîtrise stratégique part du principe que les joueurs auront le temps d'explorer le background et d'essayer d'accomplir les objectifs de leurs personnages. Le niveau de contrainte temporelle des parties de démonstration est donc contradictoire avec les avantages de la maîtrise stratégique, car les joueurs n'auront pas le temps de cette mise en œuvre.</p>
<p>L'utilité du THACO dans cette hypothèse est d'aider à déterminer les thématiques qui sont les plus porteuses d'enjeux dramatiques dans le cadre de la narration du scénario préexistant, et ainsi d'identifier les scènes à mettre en exergue ou au contraire à éliminer (ou à réduire via des ellipses).</p>
<h2>Anticiper et gérer les scènes chronophages</h2>
<p>Même avec la meilleure des préparations, les parties peuvent quand même s'éterniser et dépasser le temps imparti. Voici une revue des causes les plus fréquentes de dépassement afin de les anticiper, ainsi que des conseils pour les gérer lorsqu'elles surviennent.</p>
<h3>Combat</h3>
<p>C'est la scène chronophage par excellence, et la cause n°1 de dépassement. Le combat est une succession d'actions très rapprochées dans le temps, avec des jets de dés souvent plus nombreux. La plupart des systèmes de jeu aboutissent à une sorte d'étirement du temps, qui font que les quelques secondes du combat sont gérées finalement bien plus lentement que le reste des actions de jeu.</p>
<p>Les pistes pour gérer cette cause de dépassement sont les suivantes :</p>
<ul>
<li>Résoudre les combats en 4 tours de jeu maximum. Par exemple en donnant <a href="https://blog.xyrop.com/index.php/post/paradoxe-PV">moins de points de vie aux PNJ (ou aux PJ)</a>, en considérant qu'un seul coup met hors de combat un figurant, ou encore en décidant que les PNJ se rendent ou fuient s'ils n'ont pas le dessus ;</li>
<li>Accélérer les tours de jeu selon <a href="https://blog.xyrop.com/index.php/post/2016/11/07/%5BTactique-de-ma%C3%AEtrise%5D-Les-trois-%C3%A9tats-du-joueur%2C-et-comment-les-exploiter">la tactique de maîtrise appropriée</a>, en donnant un temps d'action limité et en différant la description des conséquences des actions.</li>
</ul>
<h3>Séparation des joueurs</h3>
<p>C'est la cause n°2 de déperdition de temps dans un scénario. Les joueurs se séparant en plusieurs groupes (et parfois en groupes de un !), ils obligent le MJ à multiplier les descriptions.</p>
<p>Pour faire avancer l'intrigue rapidement malgré cette séparation, et ainsi mitiger l'impact chronophage de cette cause de dépassement, les pistes possibles sont les suivantes :</p>
<ul>
<li>maintenir les joueurs <a href="https://blog.xyrop.com/index.php/post/2016/11/07/%5BTactique-de-ma%C3%AEtrise%5D-Les-trois-%C3%A9tats-du-joueur%2C-et-comment-les-exploiter">dans un état de réactivité en conservant 2 des 3 unités temps / lieu / action</a> ;</li>
<li>paralléliser les scènes-clefs (par exemple "2. Enquête" et "3. Tromperie"), en faisant en sorte que chaque groupe s'occupe de l'une de ces scènes, puis rassembler les groupes sur la partie "4. Grand final".</li>
<li>ne pas oublier les moyens de communication entre PJ pour permettre à chaque groupe de PJ d'influer directement sur le déroulement de la scène de l'autre groupe.</li>
</ul>
<h3>Enlisement de l'enquête</h3>
<p>Il s'agit de la cause n°3 de déperdition de temps. Autant une enquête peut être passionnante et fait partie intégrante du plaisir du jeu, autant celle-ci finit parfois par s'enliser. Les joueurs finissent dans ce genre de cas par piétiner, ne plus trop savoir dans quelle direction chercher, voire même ne plus trop savoir ce qu'ils cherchent.</p>
<p>En cas d'enlisement de l'enquête, il est de la responsabilité du meneur de prendre des mesures pour la faire avancer :</p>
<ul>
<li>un PNJ pose les bonnes questions. Par exemple "<em>– Qu’en pense la femme de la victime ?" "– Zut, on a oublié de l'interroger !!!</em>" (authentique)</li>
<li>après deux recherches ratées (jets de dés foireux), la recherche suivante réussit toujours et permet à l'enquête d'avancer malgré le manque de chance des joueurs ;</li>
<li>préférer "non, mais" à "oui, mais" afin de fermer une fausse piste tout en ouvrant une bonne piste ;</li>
<li>éviter les quêtes annexes qui vont faire perdre du temps au groupe de joueurs sans faire avancer l'intrigue principale. C'est une partie de démonstration en salon, pas un jeu vidéo ! Si l'information ou l'objet utiles peuvent être obtenus d'un PNJ, il est préférable que le MJ considère qu'il suffit de persuader intelligemment le PNJ de les fournir, sans pour autant devoir d'abord collecter les 15 gemmes roses, tuer la marmotte enragée, remettre une missive importante ou escorter un marchand boiteux jusqu'à la ville proche.</li>
</ul>
<h3>Énigmes</h3>
<p>Causes n°4 de dépassement, les énigmes.<br />
Comme dit plus haut, elles devraient reposer sur le QI et le sens de l'observation des joueurs, et non leurs connaissances, afin de laisser une chance à chacun de briller et de faire avancer l'intrigue. Cependant, elles ne doivent pas aboutir à un blocage total du groupe des joueurs, sous peine de faire perdre du temps pour faire avancer l'intrigue.
En cas de blocage, il est donc préférable de prévoir (ou d'improviser) une alternative pour passer outre l'impossibilité de trouver la solution de l'énigme.
Par exemple : "<em>Faute de mot de passe, la porte ne s'ouvre pas. De dépit et de frustration, votre guide elfe laisse échapper un sanglot et frappe du poing le mur de métal. Chose curieuse, un éclat de peinture métallique tombe au sol là où ses jointures ont heurté le mur. Apparemment, une partie du mur n'est pas en métal, mais en petits rocs recouverts d'un calcaire friable puis peint pour lui donner une apparence de solidité. Il vous suffirait d'une pioche...</em>"</p>
<h2>Faire encore plus court : interruptions contrôlées</h2>
<p>Même avec une bonne préparation et ces conseils, il peut s'avérer impossible de prévoir une partie de moins de deux heures. Soyons lucides, certains jeux de rôle ne s'y prêtent tout simplement pas !</p>
<p>Dans cette hypothèse, le MJ peut envisager de placer une limite temporelle réelle au déroulement de la partie : une interruption contrôlée rendant totalement impossible le dépassement du temps imparti pour la démonstration.</p>
<p>Si le MJ fait ce choix, il lui faut être clair avant la partie auprès des joueurs de sa table, et leur expliquer que quel que soit l'endroit où ils seront rendus, dans pile 2 heures, la partie s'interrompra, que le scénario soit fini ou non.
Ceci limitera certes la mauvaise surprise qui consiste à interrompre la partie, mais n'enlèvera pas totalement la frustration de l'inachèvement aux joueurs.</p>
<h3>Début de campagne interrompu</h3>
<p>Cet expédient peut s'avérer indispensable pour des JdR qui, comme <a href="http://www.legrog.org/jeux/conspirations/over-the-edge-2eme-ed-en" hreflang="fr">Over the Edge</a> n'ont été conçus que pour être joués en campagne - et excluent quasiment par définition les scénarios "<em>one-shot</em>" typiques des conventions.</p>
<p>Dans cette hypothèse, pour mes parties de démonstration d'Over the Edge, j'ai pris le temps d'expliquer aux joueurs qu'ils joueraient un début de campagne, et qu'ils découvriraient certainement beaucoup du sel du jeu, mais que ce jeu étant conçu pour de la campagne, ils n'en verraient pas la fin.</p>
<p>Cette méthode est à utiliser avec beaucoup de modération, parce qu'il s'agit un petit peu d'une tricherie de la part du MJ qui aurait peut-être quand même pu imaginer un scénario one-shot. Avec le recul, je dirais que cette méthode n'est valable que si le JdR concerné ne permet <ins>vraiment pas</ins> le jeu en "<em>one-shot</em>", et que si le MJ est absolument <ins>certain à 200%</ins> que sa partie sera vraiment géniale.</p>
<h3>Partie en temps réel</h3>
<p>L'autre méthode pour contrôler la durée de la partie de démonstration est de fixer une limite en temps réel au scénario lui-même : par exemple, "<em>dans 2 heures, le virus se répandra dans l'atmosphère et l'Humanité sera annihilée. 1h59m56s... 55s...</em>".</p>
<p>Ceci rend matériellement impossible le dépassement du temps imparti, mais requiert du meneur de jeu qu'il soit en mesure d'équilibrer les séquences d'étirement du temps (i.e. de combats) avec les ellipses de déplacements et de recherches d'information. Il s'agit néanmoins d'un beau défi pour les joueurs, et qui les aiguillonnera pour faire de cette partie de convention une partie intense et mémorable.</p>https://blog.xyrop.com/post/2018/01/22/%5BTactique-de-ma%C3%AEtrise%5D-Mener-une-partie-de-2-heures-maximum-en-convention-ou-salon#comment-formhttps://blog.xyrop.com/feed/atom/comments/57[Tactique de maîtrise] Le placement du MJ à la table de jeuurn:md5:30781b15e865f10fc93d9f355cad1ccb2017-06-22T07:00:00+02:002020-05-10T17:15:08+02:00LudoxconseilsConventionInteractionsJeu de rôlemaîtrisermener une partiemeneur de jeuMJPratiquetactique de maîtrise<p>Lorsque la table où va se dérouler une partie de Jeu de rôle est rectangulaire ou elliptique, le meneur de jeu devrait-il se placer en bout de table, ou bien au milieu de la table ? Querelle des anciens et des modernes ? Junte menaçant de renverser le MJ et de le déposséder de son fauteuil de président ? C'est bien ce qu'il convient d'examiner.</p> <p>La plupart des MJ que j'ai pu rencontrer au cours de ma vie de rôliste se placent spontanément en bout de table, présidant la partie de jeu de rôle comme s'il s'agissait d'un conseil d'administration. Beaucoup de joueurs eux-mêmes se placent spontanément en réservant la "présidence" au meneur de jeu. Mais d'autres préconisent un placement sur le côté long de la table.</p>
<p>Quelles en sont les avantages et inconvénients ?</p>
<h3>En bout de table</h3>
<p>La traditionnelle position en bout de table a pour avantage de protéger un tant soit peu de la vue des joueurs les sacro-saintes "notes" (pour les anciens) ou désormais (pour les modernes) l'écran de l'ordinateur portable ou de la tablette.
De fait, les écrans de jeu (que d'aucuns, sans doute habitués à jouer en extérieur, désignent sous le terme "paravent") sont plutôt conçus pour les extrémités de table.
Autre avantage de la position en bout de table : les joueurs éloignés du MJ peuvent plus facilement organiser leurs apartés et dialogues sans gêner les joueurs les plus proches du MJ.</p>
<p>Le bout de la table présente les inconvénients suivants par rapport au milieu de table, à savoir :</p>
<ul>
<li>une distance inégale entre MJ et joueurs, faisant varier le volume sonore auquel des joueurs différents peuvent interagir avec le MJ. Pour être entendu clairement de tous, le MJ doit parler au joueur le plus éloigné ;</li>
<li>une distance importante entre le MJ et le joueur le plus éloigné physiquement, ce qui est un inconvénient important et auquel il est difficile de remédier quand le cadre de jeu est bruyant, et qui, même dans un cadre calme, rend compliquées les interactions "en murmures" ;</li>
<li>le fait que les joueurs les plus proches du MJ bénéficient naturellement d'un avantage pour se faire écouter, et peuvent bien malgré eux parasiter la vue ou l'ouïe des joueurs situés derrière eux - les joueurs du fond pouvant par exemple manquer des détails de la gestuelle du MJ lorsqu'il interprète un PNJ.</li>
</ul>
<h3>En milieu de table</h3>
<p>La comparaison des distances d'interaction entre MJ et joueurs pour les deux options, en prenant une table rectangulaire de dimensions 2x1 donne le résultat suivant :</p>
<p><a href="https://blog.xyrop.com/public/Gamemastering/Images/Tables2.png"><img src="https://blog.xyrop.com/public/Gamemastering/Images/Tables2.png" alt="" style="display:table; margin:0 auto;" /></a></p>
<p>Il est aisé de constater que le placement au milieu du côté long de la table a pour avantage à la fois de <ins>réduire</ins> et d'<ins>égaliser</ins> la distance d'interaction entre MJ et joueurs.</p>
<ul>
<li>Les joueurs étant répartis autour du meneur de jeu, ceux-ci bénéficient d'une distance d'interaction qui varie peu et est en outre inférieure à la distance maximale dans le cas d'un MJ en bout de table ;</li>
<li>Le MJ a globalement moins d'efforts à faire pour se faire entendre des joueurs les plus éloignés. Il peut s'adresser à ceux-ci et ceux-ci peuvent lui répondre avec un volume sonore inférieur à celui du "MJ de bout de table" : tous les participants économisent leur voix, tout en entendant mieux le MJ - ce qui est en outre un avantage déterminant si la partie se déroule dans un environnement bruyant (convention, club, etc.).</li>
</ul>
<p>Mais ce placement a en outre d'autres avantages :</p>
<ul>
<li>le MJ a plus de place en largeur pour disposer son matériel, et peut plus facilement accéder au centre de la table (pour modifier une carte, poser un accessoire, etc.) ;</li>
<li>les joueurs peuvent tous voir les gestuelles du MJ sans se gêner les uns les autres ;</li>
<li><a href="https://blog.xyrop.com/index.php/post/Illustration-musicale-en-JdR">Si le MJ illustre musicalement ses parties</a>, il peut plus facilement garder la source de musique près de lui (et ainsi la contrôler de manière plus pratique) tout en s'assurant que la plupart de ses joueurs en sont équidistants.</li>
</ul>
<p>Les inconvénients du placement sur le côté long de la table sont les suivants :</p>
<ul>
<li>La répartition des joueurs dans un angle plus large requiert que le MJ sache tourner sa tête et son corps pour ne pas exclure les joueurs aux extrémités de la table. Pour interagir spécifiquement avec un joueur à son côté, le MJ devra prendre garde à se reculer légèrement de la table afin de ne pas exclure les autres joueurs de son interaction ;</li>
<li>L'écran de jeu est moins efficace pour soustraire les notes aux regards du joueur situé juste à côté du MJ ;</li>
<li>les joueurs situés aux extrémités de la table sont relativement éloignés l'un de l'autre ce qui peut limiter en partie leurs interactions (mais pas plus que ne l'est le MJ en bout de table du joueur à l'autre extrémité).</li>
</ul>
<h2>Conclusion</h2>
<p>La position "en milieu de table" présente des avantages plus nombreux, notamment dans la facilitation des interactions orales, que ceux de la position "en bout de table", avec des inconvénients auxquels il est également facile de remédier.</p>
<p><em><strong>La position "en milieu de table" correspond donc, selon moi, à l'état de l'art actuel de la maîtrise de parties de Jeu de Rôle dans une situation nominale.</strong></em></p>
<p>La position "en bout de table" devrait donc demeurer réservée à des cas bien particuliers, une configuration où les deux critères suivants sont cumulativement réunis :</p>
<ul>
<li>il est absolument impératif que le MJ préside ;</li>
<li>l'environnement de la partie est parfaitement calme et silencieux.</li>
</ul>https://blog.xyrop.com/post/2017/06/19/Placement-MJ#comment-formhttps://blog.xyrop.com/feed/atom/comments/63[Aide de jeu] Créer un univers de jeu de rôle : prérequis et méthodesurn:md5:5ce63cbe02f433a7960d2605b39fc9362017-03-19T11:41:00+01:002020-05-10T17:16:44+02:00LudoxAide de jeuauteurconseilscréationJdRJeu de rôlemaîtrisermeneur de jeuunivers<p>Ce billet présente des considérations méthodologiques pour la création d'univers de jeux de rôle, qui auraient dû - mais n'ont hélas pas pu - être présentées en détail dans la table ronde sur la création d'univers lors du Festival Au-delà du Dragon qui s'est déroulé à Montpellier les 18 et 9 mars 2017.<br />
Elles sont fournies ici à titre de référence et de complément, pour tout créateur potentiel d'univers de jeu de rôle qui souhaiterait en prendre connaissance.</p> <p>La création d'univers implique une démarche intellectuelle qui ne requiert pas nécessairement la création d'un jeu. Ainsi Margaret Weis et Tracy Hickman ont conçu l'univers de Dragonlance sur la base de leurs propres scénarios de JdR - sans modifier les règles de D&D.<br /></p>
<p>En revanche, il n'est pas possible de nier l'interaction entre univers et règles de jeu. Les deux se nourrissent l'un l'autre pour une raison de connexité très simple : les règles se veulent une simulation d'une certaine réalité, et l'univers se veut la description plus ou moins littéraire cette même réalité.<br /></p>
<h2>Les prérequis</h2>
<h3>La fibre créative</h3>
<p>Le premier de ces pré-requis est tout simplement d'avoir la fibre créative, l'envie de créer un univers, de le concevoir. Le mérite, la qualité du résultat sont indifférents puisque l'acte créateur renferme sa propre récompense en lui-même.<br /></p>
<p>Le point délicat n'est pas dans le fait de se lancer dans la création d'univers, mais dans le fait de choisir de divulguer l'univers à autrui. Divulguer sa création, c'est se confronter à ceux qui vont s'emparer de cet univers, prendre le risque du jugement, de la critique, de la remarque trollesque, et au pire de l'indifférence. Les joueurs de son propre groupe sont la plupart du temps bienveillants, mais les tiers peuvent avoir des attentes différentes que le créateur d'univers peut n'avoir pas anticipées.<br /></p>
<h3>Le talent et/ou le recul</h3>
<p>Dans cette optique, le deuxième pré-requis à l'acte créateur d'univers devient à mon sens d'avoir suffisamment de talent pour éviter la critique ou à défaut suffisamment de recul et d'autodérision pour la supporter et en prendre son parti (et améliorer ce qui peut l'être).<br /></p>
<h3>La conscience des particularités du JdR</h3>
<p>Le troisième pré-requis est la conscience constante et aiguë que l'univers d'un jeu de rôles n'est pas l'univers d'un roman ou d'un film.<br /></p>
<p>C'est le cadre d'une fiction incomplète, qui ne sera complétée que quand meneur et joueurs se seront emparés du cadre de jeu. Indiquer, dans le background d'un jeu, que mille ans avant la période de jeu, les rois-dragons portaient une couronne de 3 pouces de haut n'a d'intérêt que si ce détail revêt un véritable enjeu narratif, déterminant pour l'évolution ou la survie des personnages du jeu. Si ce n'est pas le cas, ce détail n'a absolument aucun intérêt en pratique sinon satisfaire l'ego du créateur.<br /></p>
<p>Pour la même raison, un univers de jeu n'appartient pas à ses créateurs, mais à ceux qui en sont les récipiendaires : les lecteurs, les joueurs, les meneurs.<br /></p>
<h3>L'apport de l'univers</h3>
<p>Le quatrième pré-requis est : cet univers doit apporter quelque chose que les autres univers n'apportent pas. Un univers qui se limite à renommer les elfes et les nains et à changer des détails cosmétiques ("ah non, mon univers est totalement original et n'a rien à voir avec le monde de Greyhawk. Il n'y a pas d'elfes. En revanche, il y a les faës, êtres minces et agiles qui aiment la nature, ont des oreilles pointues, ont une affinité avec la magie, et vivent très longtemps.") n'a a priori que peu d'intérêt tant pour les joueurs que les MJ potentiels.
Cet écueil peut sembler surmonté si les intrigues que propose cet univers se révèlent plus intéressantes : mais on sort dans ce cas de la création d'univers pour discuter de la création de scénario / d'intrigue. En effet, ces intrigues palpitantes auraient très bien pu se dérouler dans l'univers originel (sous réserve des questions de droits d'auteur et des notions d’œuvres dérivées).<br /></p>
<p>À l'inverse, un univers dont les thématiques apparaissent inédites (sans qu'elles le soient nécessairement : bien prétentieux celui qui croit connaître tous les JdR existants, même les vieilleries perdues du fin fond des cales du <a href="https://blog.xyrop.com/post/legrog.org" hreflang="fr">GROG</a>. Ainsi, pour la sortie de <a href="http://www.legrog.org/jeux/hellywood" hreflang="fr">Hellywood</a>, ou de <a href="http://www.legrog.org/jeux/edge-of-midnight" hreflang="fr">the Edge of Midnight</a>, qui s'est souvenu de l'ancêtre <a href="http://www.legrog.org/jeux/bloodshadows" hreflang="fr">BloodShadows</a> ? Pas grand monde, et ça n'a pas beaucoup d'importance au final) pourra apparaître plus "intéressant".<br /></p>
<h2>Création d'un univers à plusieurs</h2>
<p>La difficulté principale de la création commune consiste en la nécessité de dépasser l'opposition des contraires sur la totalité des points de l'univers à créer. Si des créateurs ont une sensibilité divergente sur un aspect de l'univers qu'ils créent, comment résoudre cette divergence ? Soit l'un cède, soit ils trouvent une autre idée, soit - plus délicat - ils parviennent à faire passer leurs deux idées à la fois via une synergie.<br /></p>
<p>Les deux premières options ont pour la première l'avantage de la rapidité, pour la deuxième, l'avantage du compromis.<br /></p>
<p>Elles ont aussi des inconvénients. La première a pour inconvénient le risque de disparition d'une idée au final meilleure que celle retenue (car ce ne sont pas toujours les meilleures idées qui sont gardées dans une création commune, mais souvent celles que leur auteur a suffisamment de personnalité pour imposer) - au risque d'affadir l'univers de jeu, de le rendre moins original, moins riche.<br /></p>
<p>La deuxième a pour inconvénient la création d'un dénominateur commun, qui implique une tendance à l'uniformisation, puisque seules les parties d'idées partagées par les auteurs vont survivre au débat créatif.<br /></p>
<p>C'est la troisième option qui est évidemment la plus profitable au groupe de créateurs, mais la création d'une synergie requiert de rebondir sur les idées les uns des autres pour faire émerger de nouvelles choses - et donc d'accepter l'évolution de ses propres idées. L'ego est donc nécessaire pour avoir envie de créer, mais les créateurs en commun doivent être en mesure de dominer leur propre envie d'imposer leur vision de l'univers pour permettre à une création commune d'émerger de manière synergistique. Cet acte de synergie créatrice est relativement simple à organiser, à tel point que des gens en ont fait des jeux.<br /></p>
<p>Ainsi, <em>Panthéon</em> de Robin D. Laws, publié chez Hogshead Publishing, jeu de rôle narratif où les joueurs interprètent des dieux présidant à la construction d'un univers, ou encore le jeu (mais pas de rôle) au principe proche <em><a href="http://www.clanwebsite.org/games/rpg/Dawn_of_Worlds_game_1_0Final.pdf" hreflang="en">Dawn Of Worlds</a></em> (gratuit).<br /></p>
<p>Ce dernier jeu est particulièrement intéressant, dans la mesure où il s'agit de la transposition ludique de l'acte de création d'univers med-fan, destiné à un groupe de joueurs et leur meneur de jeu. Au cours d'une partie de <em>Dawn of Worlds</em>, les participants deviennent les démiurges de leur propre monde de jeu. Il s'agit donc d'une création commune d'univers mise sous la forme d'un jeu dont les règles encouragent la synergie.<br />
Chaque élément de l'histoire du monde est créé par un participant à tour de rôle, y compris la carte du jeu, au prix d'un certain nombre de points. Chaque participant influence la création d'un univers entier au cours de quelques heures de jeu.<br /></p>
<p>Une fois l'univers créé, il est connu de tous les participants, ce qui leur permet de créer des personnages, et de jouer dans cet univers.<br /></p>
<h2>Les méthodes de création d'un univers de jeu de rôles</h2>
<p>Plusieurs écoles s'affrontent, mais il n'y a pas de bonne ou mauvaise méthode, tant que l'objectif final n'est pas perdu de vue, à savoir "<em><strong>créer un univers délibérément incomplet propre à accueillir les aventures de personnages qui le feront évoluer</strong></em>".<br /></p>
<p>Beaucoup de trucs traînent sur internet, et la plupart fonctionnent d'une manière comparable en proposant un de faire un <strong>Inventaire</strong> : commencer par décider de l'ambiance voulue, puis des pays, de la géographie, puis des plantes, des animaux, etc. avec des variantes dans l'ordre. Ses avantages immédiats sont son efficacité et sa rapidité. Elle présente cependant tous les inconvénients d'une absence de profondeur initiale : pas de réflexion sur l'écosystème, réflexion superficielle sur les multiples évolutions politiques qui ont abouti aux civilisations en place - il faudra que ce soit fait a posteriori par l'auteur (s'il le fait !).<br /></p>
<p>Une autre manière d'aborder la création d'un univers de jeu est <strong>Chronologique</strong> : créer l'univers à partir de rien, commençant par la cosmogonie, en décidant sa géophysique, puis en faisant évoluer la géographie, la faune, la flore, les peuples, les civilisations et leurs croyances, etc. Avantage : le monde est très cohérent et riche. Inconvénient : il devient très long de créer l'univers, puisqu'il faut penser à la chronologie de toutes les civilisations, leurs influences, etc. C'est la méthode proposée par le jeu <em><a href="http://www.clanwebsite.org/games/rpg/Dawn_of_Worlds_game_1_0Final.pdf" hreflang="en">Dawn Of Worlds</a></em> précité, et elle fonctionne précisément parce qu'il y a plusieurs cerveaux en jeu qui permettent d'éviter le tarissement des idées.<br /></p>
<p>La méthode <strong>Antéchronologique</strong> est hybride des deux premières. Celle-ci consiste à créer l'univers de jeu dans son état actuel, façon inventaire, et ensuite de décider des événements et causes qui ont mené à ce monde, du plus récent au plus ancien. L'avantage est de donner une profondeur à un univers initialement construit de toutes pièces. L'inconvénient est une prise de risque de blocage à savoir, l'écueil de la situation irréconciliable, où il n'est pas possible logiquement de concevoir comment une situation s'est créée.<br /></p>
<p>La méthode <strong>Comparative</strong> consiste à créer l'univers à partir d'un autre univers comparable, en changeant un ou plusieurs détails, et en répercutant la totalité des ramifications et conséquences de ces détails changés sur l'univers de référence (ex : il y a deux soleils, les nazis ont gagné la guerre, etc). Avantage : la méthode permet d'explorer très efficacement les thématiques voulues par l'auteur. Inconvénient : encore faut-il que les menus changements aient un impact suffisamment significatif sur l'univers en train d'être créé pour être suffisamment distinct et original de l'univers de référence. Sinon, l'intérêt de la création devient discutable puisque ces différences sont au final essentiellement cosmétiques.<br /></p>
<p>La méthode <strong>Dynamique</strong> fonctionne de manière très différente : il n'y a pas d'autre univers de jeu que celui que les joueurs explorent, et que le meneur (et les joueurs) improvisent au fur et à mesure du déroulement de la partie de JdR. Le meneur de jeu et/ou les joueurs fixent ensuite sur le papier les éléments de l'univers de jeu qu'ils ont défini progressivement. Son avantage est sa simplicité et sa faible préparation. Ses inconvénients sont qu'elle est forcément très dépendante de la fréquence des parties de JdR, et de l'inspiration soudaine du meneur et des joueurs.<br /></p>https://blog.xyrop.com/post/%5BAide-de-jeu%5D-Cr%C3%A9er-un-univers-de-jeu-de-r%C3%B4le-%3A-pr%C3%A9requis-et-m%C3%A9thodes#comment-formhttps://blog.xyrop.com/feed/atom/comments/43[Tactique de maîtrise] Le paradoxe des Points de Vieurn:md5:08368ed52354841b84d05f6044d328e92017-02-13T11:45:00+01:002020-05-10T17:18:09+02:00LudoxconseilsJdRJeu de rôlemaîtrisermener une partiemeneur de jeuMJpoints de viePVtactique de maîtrise<p>Ce billet est présente une réflexion sur la notion de points de vie (et de niveaux de vie) d'un personnage, et sur l'exploitation de ceux-ci dans les jeux de rôle.<br />
Il se clôt par la présentation d'une manière différente d'appréhender la gestion des chances de survie des personnages dans le cadre d'une partie de jeu de rôle.</p> <h2>Les mécaniques de points de vie</h2>
<p>D'après Gary Gygax, père du loisir qu'est le jeu de rôle, les points de vie (PV) représentent dans leur partie moindre la résistance physique innée du personnage et pour l'essentiel représentent sa "bonne étoile", sa faculté d'encaisser les coups accrue à raison de son aguerrissement, ou encore sa chance d'éviter que chacun de ses combats ne se révèle le dernier.<br />
Il explique l'accumulation progressive des PV avec l'augmentation du niveau de personnage comme la chance ou la grâce divine, ainsi que la capacité accrue du personnage expérimenté à détourner le coup potentiellement fatal qui aurait achevé un personnage de niveau moindre.<br />
Ce n'est alors que quand l'attrition des PV d'un personnage est trop importante, que sa chance tourne court, qu'il risque réellement de mourir.<br /></p>
<p>Reste que cette interprétation de l'accroissement des points de vie soulève un certain nombre de questions critiques :<br /></p>
<ul>
<li>dans ce type de jeu, à moins de mettre en place une mécanique supplémentaire (ex. <a href="http://www.legrog.org/jeux/conspirations/over-the-edge-2eme-ed-en" hreflang="fr">Over the Edge</a>), un personnage auquel il ne reste plus qu'1 point de vie est aussi frais en termes de capacité d'action qu'un personnage indemne ;</li>
<li>pourquoi, si les PV sont une manière de définir avant tout la chance, la grâce divine ou la capacité à éviter les coups, est-ce que leur total (sans compter leur récupération) est si fortement calqué, dans nombre de jeux, sur la seule constitution physique du personnage ?</li>
<li>comment articuler la capacité à dévier un coup fatal avec les armures ?</li>
<li>si les PV représentent essentiellement la grâce divine, un personnage pieux ne devrait-il pas disposer de plus de points de vie qu'un personnage impie ?</li>
<li>si les PV représentent essentiellement "la chance de s'en sortir", un personnage débrouillard ne devrait-il pas avoir plus de points de vie qu'un personnage moins dégourdi ?</li>
<li>si les PV représentent essentiellement l'intelligence du combat et l'agilité accrue permettant de transformer des coups mortels en égratignures, un personnage plus intelligent et plus agile ne devrait-il pas avoir plus de points de vie qu'un personnage bête et lourdaud ?</li>
</ul>
<p>Pour résoudre ces difficultés apparentes, des solutions mécaniques ont été développées, pour augmenter de manière générale la dangerosité de chaque combat dans l'espoir de redonner un enjeu narratif aux conflits armés contre le premier kobold / quidam venu, tout en préservant l'esprit du jeu (et donc le fait que les personnages risquent leur vie à chaque combat ou non selon l'ambiance voulue).<br /></p>
<p>Dans les jeux où la mort est omniprésente et où l'héroïsme implique souvent un risque extrême :<br /></p>
<ul>
<li>mettre un total de PV faible et qui n'évolue que peu (ex. <a href="http://www.legrog.org/jeux/appel-de-cthulhu/appel-de-cthulhu-6eme-ed-fr" hreflang="fr">l'Appel de Cthulhu</a>) ;</li>
<li>permettre qu'un personnage puisse mourir d'une blessure grave alors qu'il lui reste des PV (ex. <a href="http://www.legrog.org/jeux/aces-eights" hreflang="fr">Aces & Eights : Shattered Frontier</a>, <a href="http://www.legrog.org/jeux/hackmaster/5th-edition/hackmaster-basic-en" hreflang="fr">Hackmaster 5th edition</a>) ;</li>
<li>prévoir que les armes causent des pertes de PV extrêmement importantes par rapport au total de PV des personnages (ex. <a href="http://www.legrog.org/jeux/paranoia" hreflang="fr">Paranoïa</a>) ;</li>
<li>considérer que l'aléa important des dégâts d'armes s'explique par le fait que les dégâts infligés peuvent correspondre aux blessures que le personnage attaqué s'est lui-même infligées en évitant ou bloquant tant bien que mal le coup (ex. <a href="http://www.legrog.org/jeux/conspirations/over-the-edge-2eme-ed-en" hreflang="fr">Over the Edge</a>) ;</li>
<li>remplacer les PV par des niveaux de vie avec des effets particuliers limitant les capacités du personnage lorsque ses blessures sont trop importantes (ex. <a href="http://www.legrog.org/jeux/vampire-la-mascarade" hreflang="fr">Vampire</a>).</li>
</ul>
<p>Dans les jeux qui requièrent que les personnages aient une chance de survie afin d'inciter les joueurs à "faire agir leur personnage de manière héroïque", mais ne risquer qu'en apparence la vie de leur personnage puisque ces joueurs disposent de mécaniques de jeu propres à leur permettre d'éviter la mort de leur personnage :<br /></p>
<ul>
<li>distinguer l'encaissement des blessures proprement dites de la capacité de les éviter avec deux jauges distinctes (ex. <a href="http://www.legrog.org/jeux/star-wars-d20" hreflang="fr">Star Wars d20</a>, <a href="http://www.legrog.org/jeux/spycraft" hreflang="fr">SpyCraft</a>, <a href="http://www.legrog.org/jeux/fantasy-craft" hreflang="fr">FantasyCraft</a>) ;</li>
<li>remplacer les PV par une accumulation de désavantages ou "stress" au lieu d'une attrition (ex. <a href="http://www.legrog.org/systemes/cortex-plus" hreflang="fr">Cortex Plus</a>) ;</li>
<li>ajouter des moyens pratiques de regagner des points de vie, via les sorts / potions de soin / trousses médicales / cuves bacta / trop grande bonté du meneur, via le "second souffle" (ex. <a href="http://www.legrog.org/jeux/d-d4-dungeons-and-dragons-quatrieme-edition" hreflang="fr">D&D 4e édition</a>) ;</li>
<li>contrebalancer la relative vulnérabilité des personnages par des points d'intrigue (ex. <a href="http://www.legrog.org/jeux/buffy-the-vampire-slayer" hreflang="fr">Buffy Unisystem</a>, <a href="http://www.legrog.org/systemes/cortex-plus" hreflang="fr">Cortex Plus</a>), de destin (ex. <a href="http://www.legrog.org/jeux/warhammer/warhammer-2eme-edition/warhammer-2eme-ed-2eme-imp-fr-51337" hreflang="fr">Warhammer</a>), d'héroïsme (ex. certaines options de jeu dans <a href="http://www.legrog.org/jeux/pathfinder" hreflang="fr">Pathfinder</a>) qui permettent au personnage de "tromper la mort".</li>
</ul>
<p>En pratique, tous ces mécanismes sont d'autres manières de calculer ou d'exprimer l'attrition progressive des chances de survie du personnage, jusqu'à ce qu'il meure, parce qu'il :<br /></p>
<ul>
<li>a trop de blessures ;</li>
<li>est trop désavantagé ;</li>
<li>n'a plus de niveaux de vie disponibles ;</li>
<li>a bu toutes les potions de soins / utilisé tous ses sorts de guérison / vidé la trousse de secours militaire / a abusé de la bonté du meneur ;</li>
<li>a déjà dépensé tous ses points d'intrigue / de destin / d'héroïsme.</li>
</ul>
<p>En pratique, plus ça change, plus ça reste pareil.<br /></p>
<h2>Conséquences des mécanismes usuels</h2>
<p>Conséquence fréquente des mécanismes les plus répandus de gestion des points de vie : au début de la partie, les joueurs jouent leurs personnages comme des héros inconscients, qui se suspendant aux chandeliers, qui sautant de toit en toit, qui se jetant sur le côté en vidant les chargeurs de ses Colts 45. Pourquoi ne le feraient-ils pas, d'ailleurs ? En pratique, ils se savent invulnérables... du moins jusqu'à ce que leurs points de vie leur fassent défaut...<br /></p>
<p>Effet pervers : c'est précisément au moment du combat final contre le grand méchant, alors que les personnages ont toutes les raisons de vouloir se dépasser, que l'attrition de leurs PV est probablement la plus importante.<br />
Résultat : les joueurs réfléchissent à deux fois avant de sauter sur la tête de Vermithrax le dragon rouge, parce que : "<em>- Bon, c'est haut quand même, et puis il ne me reste que 8 points de vie, et j'ai très peu dans la compétence Acrobaties.</em>"<br /></p>
<p>Si le joueur continue de jouer son personnage comme un héros, continuant de prendre des risques considérables "sans filet" alors que l'attrition de ses chances de survie est presque complète, il est rare que les mécanismes du jeu le récompensent pour cette prise de risque : habituellement, c'est le meneur de jeu qui va lui donner un petit coup de pouce, pour l'encourager, pour pallier cette lacune.<br /></p>
<p>Même en dehors de toute situation extrême, la simple rixe avinée dans une ruelle sordide devient alors "une question de vie ou de mort" pour le personnage, l'importance narrative de ladite situation se trouvant en total décalage par rapport à l'importance narrative du personnage lui-même tel que représenté par son total maximum théorique de PV.<br /></p>
<p>Cette situation fait évidemment fortement réfléchir sur la notion même de jauges de santé / niveaux de vie / points de vie. Si le meneur de jeu est régulièrement contraint d'intervenir pour rééquilibrer les points de vie par rapport à la narration, est-ce que la conception usuelle des points de vie sert vraiment l'histoire interactive en train d'être créée ? Est-ce que les mécanismes des points de vie servent réellement l'intérêt de la partie ?<br /></p>
<h2>Une autre conception des points de vie</h2>
<p>D'autres concepteurs de jeu ont mené leur propre réflexion sur la nature des points de vie, pour leur affecter une fonction de régulation de la narration. Pour citer deux exemples, les points de vie ont été interprétés comme une faculté d'agir :<br /></p>
<ul>
<li>dans <em><strong><a href="http://www.legrog.org/jeux/heroquest/heroquest-2eme-ed-en" hreflang="fr">Hero Quest</a></strong></em>, où plus les personnages ont de PV, et plus ils peuvent accomplir de choses à leur tour de jeu ;</li>
</ul>
<ul>
<li>dans <em><strong><a href="http://www.legrog.org/jeux/extreme-vengeance/extreme-vengeance-en" hreflang="fr">Extreme Vengeance</a></strong></em> ou plus récemment <em><a href="http://zapti.free.fr/pirates/" hreflang="fr">Pirates !</a></em>, où un personnage ayant reçu trop de blessures ne peut plus agir jusqu'à la scène suivante.<br /></li>
</ul>
<p>Ces conceptions rapprochent donc les points de vie d'une "faculté d'action narrative", puisque le personnage est le véhicule par lequel le joueur va agir sur l'histoire et altérer son déroulement.<br /></p>
<h2>Ce que sont réellement les PV</h2>
<p>L'existence de conceptions aussi disparates des PV et de mécanismes aussi différents ne peuvent que conduire à s'interroger sur la véritable fonction des PV : <strong> en vrai, les PV, à quoi ça sert ?</strong><br /></p>
<p>Il ne faut pas être grand clerc pour s'apercevoir que les PV servent d'abord à satisfaire <strong>le joueur</strong> : il faut qu'il ait le temps de s'amuser avec son personnage, d'avoir une influence sur le déroulement de la partie via celui-ci.<br /></p>
<p>La mécanique des PV évite que le personnage ne meure de l'infection d'une griffure de chat, d'un panaris mal soigné, ou d'un coup de poing d'Eudes sur le nez. Sans cela, le joueur pourrait concevoir déception ou frustration en perdant son personnage dans une situation qui ne serait pas à la hauteur de l'importance narrative de ce personnage telle que perçue par les participants de la partie.<br /></p>
<p>Les mécanismes de PV permettent ainsi au personnage d'être à la hauteur des enjeux narratifs des scènes les plus importantes, et d'avoir une chance de s'en tirer.<br /></p>
<p>C'est à cette préoccupation d'éviter au joueur soit que son personnage n'ait pas d'importance narrative, soit qu'il n'ait pas le temps de donner cette importance à son personnage afin de lui permettre de répondre aux enjeux de l'intrigue, que répondent les inventions des "points d'héroïsme" et des PV comme "faculté d'agir dans une scène".<br /></p>
<p>Partant de ces conceptions, les PV aboutissent à un triple paradoxe :<br /></p>
<ul>
<li>quand les règles du jeu proposent peu de PV, ni la forte implication du personnage dans l'intrigue, ni l'investissement du joueur dans la partie ou l'interprétation de son personnage n'ont d'impact positif sur la survie de ce personnage ;</li>
</ul>
<ul>
<li>quand les règles du jeu proposent beaucoup de PV, ni l'absence d'implication du personnage dans l'intrigue, ni le faible investissement du joueur dans la partie n'ont d'impact négatif sur la survie de ce personnage ;</li>
</ul>
<ul>
<li>quand les règles du jeu font des PV une capacité d'action, le personnage ne peut plus mourir quelle que soit la situation - privant le joueur de la sensation du danger de perdre son personnage dans une situation dont les enjeux narratifs sont à sa hauteur.<br /></li>
</ul>
<p>Ce triple paradoxe survient à raison de la décorrélation entre, d'une part, l'implication dans l'intrigue du personnage, l'importance narrative des enjeux auxquels il est confronté, et d'autre part ses chances de survie à des situations dangereuses.<br /></p>
<p>Il suffit de le constater pour que la solution à ce triple paradoxe apparaisse d'elle-même :<br />
<strong>Recréer, dans les mécaniques des règles elles-mêmes, la corrélation entre l'importance du personnage pour l'intrigue et ses chances de survie.</strong><br /></p>
<h2>Créer la corrélation entre implication narrative et survie</h2>
<p>Il y a probablement autant de manières de le faire que d'auteurs de jeu de rôle et de meneurs de jeu.<br /></p>
<p>Le cœur de la question est cependant très simple : si tout l'enjeu des points de vie est de simuler le seuil d'importance narrative du personnage, pourquoi ne pas directement considérer cette notion comme telle ? Oublier les points de vie, et clairement noter sur la fiche du personnage une jauge destinée à mesurer son seuil d'importance narrative ?<br /></p>
<p>Reste à déterminer la valeur d'une telle jauge.<br /></p>
<p>Une manière simple de le faire est de se poser les questions suivantes : est-ce que les arcs narratifs dans lesquels ce personnage intervient sont intéressants, voire captivants pour les participants de la partie ? Est-ce que ce serait dommage que la mort de ce personnage empêche de dénouer l'écheveau de certaines intrigues en cours ?<br /></p>
<p>Si la réponse est oui, alors ce personnage ne devrait pas pouvoir mourir.<br /></p>
<p>Si la réponse est non, alors ce personnage devrait au contraire être en danger de mort.<br /></p>
<p>Ainsi, il est possible de concevoir une règle mécanique permettant de répondre à ces questions : en effet, les seuls spectateurs en mesure de juger de l'importance narrative, de la richesse des intrigues, sont les participants à la partie, c'est-à-dire les autres joueurs et le meneur de jeu.<br /></p>
<p>Afin d'encourager les joueurs à s'emparer de l'intrigue via leurs personnages, pourquoi ne pas les faire tous voter, à la fin de chaque partie, sur les personnages les plus impliqués dans la narration et/ou dont les arcs narratifs leur semblent les plus intéressants ?<br /></p>
<p>Le résultat de ce vote permettrait de déterminer un seuil d'importance scénaristique pour chaque personnage, qui bénéficierait alors d'une "<em>immunité scénaristique à la mort</em>" pour toutes les scènes ou situations dont le péril serait en deçà de ce seuil d'importance scénaristique, et risquerait de mourir dans les scènes dont le péril serait au-delà de ce seuil.<br /></p>
<p>Le personnage le plus intéressant du groupe pourrait tout simplement être immune à la mort pour la prochaine partie.<br /></p>
<p>Pour éviter la confiscation de cette immunité scénaristique par un joueur, et diminuer la compétition entre joueurs, des mécanismes supplémentaires pourraient être envisageables, comme par exemple le fait qu'aucun personnage-joueur ne puisse bénéficier deux fois de suite du même seuil d'importance scénaristique, ou bien que chaque arc d'intrigue partagé entre plusieurs joueurs leur accorde un seuil d'importance scénaristique plus élevé.<br /></p>
<p>D'autres mécaniques sont certainement possibles, par exemple le fait que les points de la jauge "seuil d'importance scénaristique" puissent être dépensés pour altérer l'intrigue ou sauver le personnage, ou encore acquis via des prises de risques réussies.<br /></p>https://blog.xyrop.com/post/paradoxe-PV#comment-formhttps://blog.xyrop.com/feed/atom/comments/64[Tactique de maîtrise] Les trois états du joueururn:md5:c68bd35dc167ad5e192c7fc819fba1252016-12-29T15:33:00+01:002020-05-10T17:21:34+02:00LudoxAide de jeuconseilsGamemasteringJdRJeu de rôlemaîtrisermener une partiemeneur de jeuMJTactical gamemasteringtactique de maîtrise<p>Actif, Réactif, ou Inactif. A chaque instant dans une partie de jeu de rôle, un joueur donné se trouve dans l'un de ces trois états de réceptivité au déroulement de la partie. Le présent billet a pour but de vous éclairer quant à ces états, leurs conséquences sur la manière de maîtriser une partie de jeu de rôle, et les techniques qui permettent de maintenir le plus longtemps possible les joueurs dans un état de réceptivité accru.</p> <p>L'interprétation de leur personnage-joueur et la mise en œuvre des règles sont les principaux vecteurs via lesquels les joueurs vont influer sur le déroulement de l'intrigue d'une partie de jeu de rôle.<br /></p>
<p>Les notions d'Actif, Réactif ou Inactif représentent l'état psychologique du joueur (la personne physique, et non le personnage) par rapport aux événements qui sont en train de se produire dans l'espace partagé imaginaire de la partie. Ces états s'articulent précisément avec l'influence créative que le joueur, via ses propres descriptions ou bien via les règles, est ou non en train d'exercer sur le déroulement de la partie.<br /></p>
<p><a href="https://blog.xyrop.com/public/Gamemastering/Images/3States/3States1.png"><img src="https://blog.xyrop.com/public/Gamemastering/Images/3States/.3States1_m.png" alt="" style="display:table; margin:0 auto;" title="Représentation des trois états (et du meneur" />)</a></p>
<h3>Actif</h3>
<p>Un joueur est dans un état <ins>actif</ins> lorsque la narration est focalisée sur son personnage. Le joueur actif est en train de parler, décrire ou interpréter son personnage ou ses actions, lancer les dés, calculer des dégâts, ou encore écouter une description faite par le meneur des conséquences de ses propres décisions.<br />
L'état Actif correspond donc peu ou prou à l'exercice effectif de son temps de parole par un joueur.<br />
Comme le jeu de rôle est pour l'essentiel un jeu de dialogue, où les participants ne parlent et n'agissent pas simultanément (en tant que joueurs), un seul et unique joueur à la fois peut se trouver "sous le feu des projecteurs".<br />
Par ricochet, cela signifie que si l'un des joueurs est actif, aucun des autres joueurs ne l'est simultanément : tous les autres joueurs sont donc soit réactifs, soit inactifs.<br />
Citation typique : "<em>Messieurs, par pudeur, reculez devant un tel outrage : Tybalt ! Mercutio ! Le prince a expressément interdit les rixes dans les rues de Vérone.</em>"<br /></p>
<h3>Réactif</h3>
<p>Un joueur est dans un état <ins>réactif</ins> lorsqu'il se tient prêt à intervenir dans la narration. Le joueur est très attentif à ce qui est en train de se passer dans la partie, et se trouve en "écoute active". Il se prépare à décrire les actions ou interpréter les paroles de son personnage en réaction à la situation, à interrompre une description faite par le meneur ou un autre joueur. Dans des jeux à "tour d'initiative", c'est bientôt à lui. Il n'est pas "sous le feu des projecteurs", mais peut ou va le devenir à tout moment.<br />
Pour autant, le joueur réactif est tout aussi investi dans la partie que le joueur actif : il doit rester concentré pour intervenir à bon escient, anticiper les paroles, faits et gestes des autres personnages-joueurs pour gérer les risques et maîtriser les conséquences.<br />
Citation typique : (interrompant le dialogue entre meneur et le joueur actif) "<em>J'ÉCLATE TYBALT D'UN COUP D'ARBALÈTE +3 !</em>"<br /></p>
<h3>Inactif</h3>
<p>Un joueur est dans un état <ins>inactif</ins> lorsqu'il n'est pas attentif au déroulement de la partie. Il a "décroché" et ne s'intéresse pas à ce qui est en train de se produire dans l'espace partagé imaginaire. Il ne se prépare pas à intervenir via son personnage ou les règles.<br /> Souvent, il est en train de lire les règles, une BD, ses e-mails, jouer sur son smartphone, ou s'assoupir. Il n'est pas "dans la partie", et il y a de bonnes chances que ce qui est en train de produire dans la partie l'ennuie, puisqu'il ne se sent manifestement pas concerné par ce qui est en train de se dérouler pour les autres joueurs.<br />
Lorsque c'est son tour de devenir actif, il est le plus souvent contraint de prendre quelques secondes (voire plus) pour se faire réexpliquer le contexte et pouvoir à nouveau "rentrer" dans la narration.<br />
C'est également ici que l'on comprend le vrai problème du téléphone mobile - lorsqu'un joueur répond à un message ou à un appel sur son téléphone mobile, il bascule instantanément vers l'état inactif, avec toutes les conséquences immédiatement délétères pour son immersion dans la partie.<br />
Citation typique : "<em>Attends, j'comprends pas, on est où, là ? C'est qui, le mec que tu veux éclater, déjà ?</em>"<br /></p>
<h2>Les délais de bascule</h2>
<p>Au cours de la partie, chaque joueur passe successivement de l'un de ces états à un autre, à tour de rôle.<br /></p>
<p>Cette bascule de chaque état vers le suivant est naturelle. Après que le meneur de jeu soit passé au joueur suivant, le joueur jusqu'ici actif va basculer vers l'état réactif car ce n'est plus à lui d'être sous les feux de la rampe.<br /></p>
<p>Le délai avant cette bascule de l'état actif à l'état réactif est d'environ 2 à 3 secondes, le temps que le joueur prenne la mesure de l'action qu'il vient d'entreprendre et s'aperçoive qu'il n'est plus "le héros de l'histoire" pour le moment.<br /></p>
<p>Devenu réactif, le joueur va rester concentré sur la situation pendant une poignée de secondes, focalisé sur l'influence de ses derniers faits et gestes sur la situation des autres joueurs et le déroulement de l'intrigue, prêt à rebondir sur ses propres actes et paroles et y apporter des précisions si nécessaire.<br />
En moyenne, le temps de concentration d'un joueur réactif est de 30 secondes. Certains joueurs sont plus attentifs, d'autres moins : cette durée variera selon les personnes et selon les situations en jeu (notamment si les "unités" sont maintenues : voir ci-après la section sur la règle des trois unités).<br /></p>
<p>À l'issue de cette période de réactivité, le joueur va basculer vers l'état inactif, pour une durée indéterminée, jusqu'à ce que ce soit de nouveau son tour de devenir actif.<br /></p>
<p>Schématiquement, le cycle de parole et de changement d'état fonctionne comme suit :<br /></p>
<p><a href="https://blog.xyrop.com/public/Gamemastering/Images/3States/3States_ingame.png"><img src="https://blog.xyrop.com/public/Gamemastering/Images/3States/.3States_ingame_m.png" alt="" style="display:table; margin:0 auto;" title="Les trois états dans une partie de jeu de rôle" /></a></p>
<h2>Les enjeux des trois états</h2>
<p>Tout l'intérêt de connaître et de comprendre ces trois états est d'optimiser le plaisir et le niveau de divertissement des joueurs.<br />
En effet, le temps d'une partie de jeu de rôle étant par nature limité, le temps de parole de chaque joueur est limité également. Plus il y a de joueurs, et plus ce temps de parole devra être divisé entre les participants. Si les joueurs se divisent en plusieurs groupes, le meneur de jeu devra également diviser ses descriptions en fonction de chaque groupe, aboutissant à diminuer encore le temps de parole effectif des joueurs.<br /></p>
<p>Forcément, chaque joueur a donc un intérêt à parler et agir le plus souvent possible, et que ces périodes soient les plus longues possibles. Ainsi, alors que le jeu de rôle est en temps normal coopératif entre les personnages-joueurs, les joueurs eux-mêmes sont en compétition les uns avec les autres, sinon pour interpréter le héros de la partie, du moins pour se sentir valorisés dans leurs paroles, décisions et actions.<br />
Les joueurs veulent se sentir actifs, apprécient de rester réactifs, et tolèrent mal de demeurer inactifs.<br /></p>
<p>L'objectif du meneur de jeu, selon toute vraisemblance, consistant à se divertir tout en divertissant tous les joueurs, le moyen de l'accomplir implique nécessairement de maintenir le plus longtemps possible chaque joueur dans un état d'investissement accru dans la partie, à savoir un état actif ou à défaut réactif.<br /></p>
<p>Or, comme un seul joueur peut se trouver actif à chaque instant de la partie, le meneur de jeu doit trouver un expédient pratique pour que tous les autres joueurs restent dans un état réactif et ne basculent jamais à l'état inactif.<br /></p>
<p>Les deux voies sont <ins>l'accélération du tour de jeu</ins>, et <ins>la règle des trois unités</ins>.</p>
<h2>Accélération du tour de jeu</h2>
<p>La première voie est la plus naturelle et la plus évidente à mettre en œuvre.<br /></p>
<p>Elle consiste à passer très vite d'un joueur à l'autre afin de les faire intervenir le plus souvent possible, de manière à revenir à chaque joueur en 33 secondes (cette durée est celle constatée par l'auteur comme constituant la durée moyenne de concentration d'un joueur non actif - cette durée varie selon les personnalités et facultés des individus, leur forme, leur état de santé ou de fatigue, etc.).<br /></p>
<p>Or, un échange entre un joueur et un meneur de jeu requiert environ 10 à 15 secondes, si ce n'est plus avec certains joueurs indécis. À 4 joueurs et un meneur, ce dernier devra impérativement s'assurer que chaque interaction avec un joueur dure au maximum 11 secondes, chronomètre en main. A 5 joueurs et un meneur, les interactions ne doivent pas dépasser 8 secondes !<br /></p>
<p>Par conséquent, cette tactique est souvent moins efficace dès que les joueurs sont 4. À 5 joueurs et plus, elle devient impraticable.<br /></p>
<p>Même à trois joueurs, cette tactique implique une discipline extrêmement rigoureuse pour le meneur de jeu, tandis que les joueurs doivent être en mesure de penser, réagir, décider, et énoncer leur action de manière très rapide. Les meneurs de jeu imposant un tel rythme aboutissent à des parties extrêmement intenses mais également éprouvantes en termes d'énergie pour eux-mêmes comme pour les joueurs.<br /></p>
<p>Il est donc difficile pour ne pas dire déraisonnable de maintenir une telle vitesse de tours de jeu sur toute la durée d'une partie.<br />
Généralement, le meneur tacticien préférera imposer ces accélérations lorsque les événements de l'espace partagé imaginaire ne permettent pas aux personnages de mener de longues réflexions.<br /></p>
<p>Afin d'économiser leurs forces et d'accélérer les tours de jeu, les meneurs utilisent en général quelques astuces :<br /></p>
<h3>Initiative changeante</h3>
<p>Uniquement applicable dans les jeux "à initiative", cette technique consiste, au prix d'une petite perte de temps commune au début de chaque tour de jeu, à faire relancer l'initiative à la totalité des personnages.<br /></p>
<p>Ceci mitige les bons comme les mauvais jets d'initiative, et rend les successions d'actions plus dynamiques que le jeu de l'oie où chacun sait précisément quand il va agir.<br /></p>
<p>L'inconvénient de cette astuce est qu'elle contraint le meneur à se remémorer un ordre de jeu différent à chaque tour de jeu - ce qui peut être déstabilisant et constitue encore une perte d'énergie.<br /></p>
<h3>Compte à rebours</h3>
<p>La deuxième astuce qui se prête très bien aux scènes d'action consiste à donner un temps extrêmement limité au joueur pour faire parler ou agir son personnage.<br /></p>
<p>Quand le tour vient de passer au joueur, le meneur de jeu lui explique la situation en quelques secondes, et compte à rebours en montrant sa main au joueur et en repliant ses doigts. Si le joueur n'est pas parvenu à faire parler ni agir son personnage de manière cohérente avant que le dernier doigt ne soit replié, le personnage aura perdu son tour, paralysé par l'indécision.<br />
Le meneur passe alors immédiatement au joueur suivant.<br /></p>
<p>Certains joueurs pourraient protester contre le fait qu'ils se sont mis à parler au moment où le meneur repliait son dernier doigt et passait au joueur suivant.
C'est l'occasion pour le meneur d'augmenter encore la pression, en prenant en compte cette action, mais en précisant la chose suivante : "<em>J'accepte exceptionnellement que tu agisses sur le fil, mais ce n'est pas juste pour les autres qui n'auront plus cette chance du reste de la partie. C'est donc la première et dernière fois que j'accepte une telle action.</em>"<br /></p>
<p>L'inconvénient majeur du compte à rebours est qu'il ne se prête que peu à des scènes de dialogue ou d'enquête - il est conçu pour des scènes dans lesquelles se produisent une succession rapide d'événements et actions.<br /></p>
<h3>Conséquences différées</h3>
<p>Une troisième astuce, qui se prête aussi bien aux scènes d'action qu'aux scènes un peu plus calmes, consiste pour le meneur à différer sa description des conséquences des paroles et gestes des personnages des joueurs jusqu'au tour suivant de chaque joueur.<br />
Certes, les dés ont été lancés, le résultat chiffré de l'action est connu par le meneur et par le joueur, mais la narration s'est arrêtée avant.<br />
A chaque fois qu'il revient vers un joueur, c'est seulement à ce moment-là que le meneur précise les conséquences de l'action précédente du joueur.<br /></p>
<p>Cette technique a deux avantages non négligeables :<br /></p>
<ol>
<li>Elle rallonge légèrement la durée de l'état actif du joueur et aide à le maintenir réactif. Ne connaissant pas immédiatement les conséquences des actes de son personnage, le joueur est laissé dans un état de "<em>cliffhanger</em>" à chaque tour de jeu et est contraint de se projeter dans son action suivante selon les conséquences qu'il anticipe en parallèle de la gestion des joueurs suivants par le meneur de jeu. Conséquence supplémentaire : le joueur jouera probablement plus rapidement au prochain tour.<br /></li>
<li>Elle laisse au meneur un peu plus de temps pour réfléchir aux conséquences des actions de chaque personnage avant de revenir vers son joueur.<br /></li>
</ol>
<p>Inconvénients de cette astuce :</p>
<ol>
<li>Celle-ci contraint le meneur à un effort de mémoire pour se souvenir précisément des actes de chaque personnage à chaque tour ;<br /></li>
<li>En outre, les joueurs très concentrés sur l'issue de leur action précédente et occupés à anticiper leurs prochaines actions peuvent parfois négliger d'écouter ce qui se passe autour de la table et commettre des erreurs.<br /></li>
</ol>
<p>L'axe d'accélération des tours de jeu, qui est la solution la plus logique pour maintenir les joueurs dans les états Actif et Réactif est donc une voie efficace mais :</p>
<ol>
<li>Coûteuse en énergie et en concentration pour le meneur de jeu, et éprouvante pour chaque joueur qui est soumis à une forte tension lorsqu'il devient actif ;<br /></li>
<li>Très difficilement applicable dès que les joueurs sont plus de trois, sauf à ce que le meneur et les joueurs soient en mesure de s'astreindre sur la durée à la discipline que requiert cet axe.<br /></li>
</ol>
<p>Schématiquement, le meneur force tous les joueurs à rester dans la zone "réactive" (en vert) du cycle de parole par l'accélération des échanges, au prix d'une dépense très importante d'énergie. Ainsi, avec 4 joueurs :<br /></p>
<p><a href="https://blog.xyrop.com/public/Gamemastering/Images/3States/3States_stressed.png"><img src="https://blog.xyrop.com/public/Gamemastering/Images/3States/.3States_stressed_m.png" alt="" style="display:table; margin:0 auto;" title="Les trois états et la contrainte de temps" /></a></p>
<p>Il existe une autre voie, complémentaire de l'accélération des tours de jeu, moins coûteuse en termes d'effort pour le meneur de jeu, qui est basée sur une forme de mutualisation des narrations individuelles.<br /></p>
<p>Cette voie utilise une règle bien connue des gens de théâtre : <ins>la règle des trois unités</ins>.<br /></p>
<h2>La règle des trois unités</h2>
<p>En théâtre classique, <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A8gles_du_th%C3%A9%C3%A2tre_classique" hreflang="fr">la règle des trois unités</a> permet de ramasser l'intrigue, de rendre la narration dense et efficace pour que le spectateur demeure intéressé par la pièce.<br /></p>
<p>Pour rappel, les trois unités sont les suivantes :<br /></p>
<ol>
<li>unité de temps</li>
<li>unité de lieu</li>
<li>unité d'action</li>
</ol>
<p>Transposée au jeu de rôle, la règle des trois unités accomplit précisément les mêmes objectifs qu'elle réalise en théâtre, de capter et de maintenir l'attention du joueur-spectateur, avec cependant un assouplissement.<br /></p>
<p>La partie de jeu de rôle a en effet cette particularité que son spectateur appartient à un public captif et bienveillant, qui est en outre également acteur de l'intrigue. Capter son attention et le maintenir dans l'état réactif est donc beaucoup plus facile que pour un public critique et non investi.<br />
Cependant, le joueur à la fois acteur et public attend que ses actes influent sur l'intrigue générale et celle des autres participants, et que les actes des autres participants influent sur l'intrigue de son propre personnage. En clair, il souhaite demeurer réactif, pouvoir agir et intervenir quand bon lui semble dans ce qui arrive aux joueurs "sous le feu des projecteurs".<br />
Il n'apparaît pas praticable d'imposer systématiquement les trois unités en jeu de rôles, deux s'avérant par expérience suffisantes.<br />
Si le meneur de jeu est contraint de se passer de l'une de ces trois unités, alors il lui est indispensable de conserver les deux autres unités entre le joueur actif et les autres joueurs afin de les maintenir dans un état réactif.<br /></p>
<p>Deuxième axe de la gestion des états des joueurs, cette tactique des trois unités ne prive nullement le meneur de jeu de la possibilité d'accélérer les tours de jeu. En revanche, elle lui permet d'économiser ses efforts pour maintenir les joueurs non actifs dans un état réactif.<br /></p>
<h3>Unité de temps</h3>
<p>L'unité de temps dans une partie de jeu de rôles est symbolisée par l'équivalence de l'écoulement du temps pour chaque personnage.<br />
Le temps de jeu est flexible : une succession d'événements rapides prendra plus de temps à narrer et à jouer qu'un seul événement d'une durée plus longue - par exemple, un combat prendra plusieurs tours de jeu, alors qu'un voyage de trois semaines prendra juste une phrase : "<em>Trois semaines plus tard, vous arrivez en vue du port de Saint-Malo</em>".<br />
Faire circuler le temps d'une manière différente pour des personnages-joueurs différents casse la cohérence temporelle entre ceux-ci, et remet en cause l'unité de temps. Si l'un annonce qu'il passe quelques heures à étudier un ouvrage, et que les autres décident qu'ils vont attaquer un convoi dès les prochaines secondes, alors le joueur du personnage plongé dans sa lecture va rester, par la force des choses, inactif pendant toute l'attaque du convoi - et probablement bien après.<br /></p>
<h4>Comment la maintenir ?</h4>
<p>Maintenir l'unité de temps dans l'hypothèse ci-dessus implique pour le meneur de jeu de trouver un expédient afin qu'une succession d'événements se déroule à la même vitesse pour le joueur dont le personnage souhaitait passer du temps à lire un livre.<br />
Dans l'exemple ci-dessus, le meneur de jeu pourra distiller progressivement les informations utiles recueillies par le lecteur, de tour de jeu en tour de jeu. Un meneur habile pourra même glisser dans ces informations des révélations essentielles (et dangereuses) sur le convoi que les autres personnages se préparent à attaquer, voire sont <strong>déjà</strong> en train d'attaquer.<br /></p>
<h3>Unité de lieu</h3>
<p>L'unité de lieu est peut-être l'unité la plus facile à appréhender, puisqu'elle est directement liée à l'une des hantises des meneurs de jeu : la séparation des personnages-joueurs en plusieurs groupes, ce qui multiplie les points de vue et les descriptions contextuelles, et diminue d'autant les temps effectifs de jeu des uns et des autres.<br />
Dans l'exemple plus haut, le personnage qui souhaite lire un livre ne le fait probablement pas au beau milieu de l'attaque du convoi, mais plus probablement à la bibliothèque. Le lieu d'activité des personnages étant différent (la route pour les uns, la bibliothèque pour l'autre), il n'y a ici pas d'unité de lieu.<br /></p>
<h4>Comment la maintenir ?</h4>
<p>Maintenir l'unité de lieu est aussi simple que de faire en sorte que les personnages ne se séparent pas physiquement en plusieurs groupes, ou, s'ils le font, que cette séparation physique n'empêche pas de les considérer comme dans un même lieu (par exemple un même hôpital bien que les chambres et étages soient différents, ou une même base spatiale, une même ville, etc), afin que l'unité de lieu participe à maintenir les joueurs non actifs dans un état de réactivité, dans la mesure où ils partagent le lieu où se déroule l'action du joueur actif.<br /></p>
<h3>Unité d'action</h3>
<p>Selon la règle de l'unité d'action, tous les événements doivent être liés et nécessaires jusqu'au dénouement de l'intrigue, les actions accessoires devant contribuer à l’action principale.<br />
Transposée au jeu de rôle, cela signifie que toute action d'un personnage-joueur doit avoir - potentiellement - une influence sur la situation immédiate (et donc les actions subséquentes) des autres personnages-joueurs.<br />
Dès lors que le meneur de jeu s'efforce de maintenir l'unité d'action, il maintient les joueurs non-actifs dans un état de réactivité parce que leurs prochaines actions apparaissent conditionnées par les actions des autres personnages-joueurs.<br /></p>
<h4>Comment la maintenir ?</h4>
<p>Maintenir l'unité d'action peut sembler plus complexe à première vue pour un meneur novice, car elle requiert la mise en œuvre de ses facultés d'improvisation et a un impact plus important sur l'intrigue.<br />
De manière pratique, le meneur souhaitant maintenir l'unité d'action doit, pour chaque action entreprise par un joueur, immédiatement imaginer et introduire dans sa narration (immédiatement ou non selon qu'il a recours à l'astuce des "<em>conséquences différées</em>" ou non), une conséquence directe ou indirecte de cette action sur la situation d'un ou plusieurs des autres joueurs.<br />
Ceci force nécessairement chaque joueur à demeurer concentré et attentif aux actes du joueur actif s'il veut continuer d'interagir efficacement avec l'intrigue via son personnage.<br />
Dans l'exemple ci-dessus des informations livresques à propos du convoi attaqué par les autres joueurs, le meneur de jeu pourrait trouver un expédient pour que les personnages se trouvent en contact. Par exemple via un cristal de communication, un téléphone mobile, un Service de Mortification Subite (le texto nécromantique qui s'imprime dans la chair du destinataire) ou autre, permettant au lecteur d'influer directement sur l'action, en bien comme en mal. Le téléphone mobile qui se met à sonner juste avant l'embuscade est un grand classique...<br /></p>
<h3>De quelle unité se passer ? Quelles unités maintenir ?</h3>
<p>La quasi-totalité du temps, <ins>ce sont les joueurs qui vont d'eux-mêmes briser l'une des trois unités</ins>.<br />
Le groupe se sépare ? L'unité de lieu est brisée.<br />
L'un des joueurs décide que son personnage enquête tandis que les autres dorment pendant nuit ? C'est l'unité d'action qui est atteinte.<br />
L'un des joueurs veut faire faire trois mois d'études intensives du haut-syldave à son personnage pendant que les autres joueurs entendent se contenter d'un livret de conversation basique ? C'est l'unité de temps qui est menacée.<br /></p>
<p>La réaction du meneur doit donc être automatique : dès que l'une des trois unités est menacée (ou brisée) par les actions d'un (ou plusieurs) joueur(s), le meneur doit tout mettre en œuvre pour conserver constantes les deux autres unités, quitte à altérer la structure de la narration, afin que les joueurs non actifs soient maintenus à l'état réactif.<br />
S'il n'y parvient pas, et qu'une deuxième des trois unités est menacée (ou brisée), le meneur dispose du délai standard (de 30 secondes en moyenne) pour rétablir au moins deux des trois unités avant que le dernier joueur ne bascule de l'état réactif à l'état inactif.<br />
Dans cette hypothèse, le choix des unités à rétablir appartient en totalité au meneur de jeu.<br /></p>
<p>Cependant, le meneur doit être conscient que chaque perte de l'une des trois unités a le plus souvent une cause narrative dans l'intrigue de la partie. Tant que cette cause n'a pas disparu ou n'a pas évolué suite aux actions des joueurs, il est probable que l'unité brisée ne puisse pas être rétablie ou seulement temporairement. Dans ce cas, le meneur devra passer via d'autres moyens de maintenir la réactivité des joueurs, jusqu'à ce que le nœud narratif soit résolu et lui permette de rétablir au moins deux unités sur les trois.<br />
Il pourra ensuite concentrer ses efforts sur le rétablissement de la troisième unité, mais ce n'est pas nécessaire et les joueurs pourraient ressentir cette cohésion forcée comme une limitation de leur champ d'action, ce qui n'est pas souhaitable.<br /></p>
<p>Schématiquement, le meneur ne contraint plus les joueurs à rester en zone "réactive" (en vert dans le cycle de parole), mais s'efforce de maintenir deux unités pour les joueurs se trouvant en zone "inactive" (en jaune orangé), Dans l'exemple ci-dessous, l'un des joueurs se retrouve inactif car les deux unités n'ont pas été maintenues pour son personnage pendant plus de 30 secondes :<br /></p>
<p><a href="https://blog.xyrop.com/public/Gamemastering/Images/3States/3States_managed.png"><img src="https://blog.xyrop.com/public/Gamemastering/Images/3States/.3States_managed_m.png" alt="" style="display:table; margin:0 auto;" title="Les trois états gérés via les trois unités" /></a></p>
<h2>Conclusion</h2>
<p>Les outils présentés dans ce billet permettent, au cours d'une partie de jeu de rôle, d'augmenter l'intensité de l'action en maintenant artificiellement les joueurs dans un état de concentration accru. Il faut néanmoins prendre garde à ce que la partie demeure un plaisir et un divertissement, et non une contrainte pour les joueurs.<br />
Pour cela, le plus efficace est de faire des pauses toutes les deux heures, destinées à reposer l'esprit des participants. Le meneur de jeu pourra en profiter pour reposer sa gorge endolorie, pour mettre à jour son <a href="https://blog.xyrop.com/index.php/post/2014/08/29/Strategic-Gamemastering-part-2">Tableau Holistique d'Analyse Conceptuelle et Organisationnelle</a> grâce aux derniers faits et gestes des personnages, et pour anticiper les scènes suivantes dans l'intrigue.<br /></p>https://blog.xyrop.com/post/2016/11/07/%5BTactique-de-ma%C3%AEtrise%5D-Les-trois-%C3%A9tats-du-joueur%2C-et-comment-les-exploiter#comment-formhttps://blog.xyrop.com/feed/atom/comments/65[Aide de jeu] Illustration musicale en JdRurn:md5:876ea1aa3cd01fbf8afbd3ba7190a48d2016-12-12T21:30:00+01:002020-05-10T17:23:58+02:00LudoxAide de jeuconseilsillustration musicaleJdRmaîtrisermeneur de jeuMJmusiqueRPG TheorysonsorisationTactical gamemastering<p>Nombreux sont les meneurs de jeu qui mettent un fond musical sonore dans l'espoir d'ajouter une certaine intensité à l'ambiance de leurs parties. Ils ont raison : la musique peut ajouter énormément à l'atmosphère d'une partie. En effet, le jeu de rôle est un loisir qui se base sur la communication, et la musique a cette force qu'<ins>elle s'adresse directement aux émotions de ceux qui l'écoutent</ins>. Cela signifie qu'un meneur de jeu habile peut se servir de la musique pour émettre directement un message qui sera perçu au niveau <ins>émotionnel</ins> par les joueurs, et non pas au niveau intellectuel abstrait auquel la plupart des échanges en JdR se produisent. Cette illustration musicale devient dès lors partie intégrante de la narration réalisée par le meneur de jeu.<br />
<br />
Cependant, rares sont les meneurs qui parviennent réellement à exploiter efficacement les morceaux qu'ils passent à leurs joueurs.<br />
Voici par conséquent une série d'explications et de conseils éclairant les points sur lesquels un meneur de jeu souhaitant ajouter de la musique à ses parties devrait porter son attention.<br />
La plupart de ces conseils ont d'ores et déjà été distillés au compte-gouttes sur <a href="http://couroberon.com/Salon" hreflang="fr">le forum de la cour d'obéron</a>. Ils sont ici repris, étendus et - je l'espère - enrichis, en un seul et unique article complet.<br /></p> <h2>Sonorisation vs. Illustration musicale</h2>
<p>Avant d'entrer dans le vif du sujet, il importe de poser une différence essentielle entre "sonoriser" et "illustrer musicalement" une partie de jeu de rôle, au niveau terminologique comme au niveau technique.<br /></p>
<p>"Sonoriser" consiste à passer une musique de fond, afin d'avoir un son plus ou moins mélodieux en arrière-plan de la partie. L'objectif du meneur qui "sonorise" est ostensiblement d'augmenter le divertissement des joueurs en intensifiant l'ambiance. A cette fin, le meneur de jeu qui "sonorise" met en pratque un album ou une compilation qui correspondent au thème, en espérant que l'ambiance à la table de jeu s'en trouvera améliorée. Son effort se sera ainsi limité à trouver la musique qui lui semble "coller" au thème. Ains, un tel meneur de jeu choisira habituellement une musique qui correspond à ses goûts et son propre sens de l'esthétique, voire tiré de la bande originale du film dont il est en train de mener le scénario.<br /></p>
<p>En revanche, lorsqu'il aura recours à des accessoires de jeu (cartes, parchemins, objets, costumes, dessin) pour augmenter l'immersion de ses joueurs, ce même meneur "<em>sonorisateur</em>" ne les présentera pas comme des approximations de l'ambiance qu'il veut obtenir, mais comme des éléments illustratifs exacts : c'est <strong>la</strong> carte du bar, c'est <strong>le</strong> parchemin qui vous est remis par le comte, c'est <strong>le</strong> McGuffin / fusil de Tchekov, c'est <strong>précisément l'</strong>uniforme des Stormtroopers qui se tiennent devant vous, voici un <strong>portrait fidèle</strong> de la fille du magnat corporatiste. Ces accessoires de jeu ne sont donc pas des approximations, mais des <ins><strong>illustrations</strong></ins> précises à destination des personnages-joueurs.<br /></p>
<p>Ce meneur traite donc différemment les accessoires de jeu et la musique, cette dernière étant au final plus une manière pour lui de faire apprécier la richesse de sa discothèque et ses goûts esthétiques qu'un outil au service de la partie.<br />
<br />
L<em>'illustration musicale</em> plutôt que la sonorisation se veut répondre à la même préoccupation de précision illustrative que les autres accessoires de jeu.<br />
Pour rappel, la musique véhicule par elle-même des messages émotionnels, et suscite également des émotions chez ses auditeurs. Les émotions véhiculées par la musique et reconnues au niveau intellectuel par les auditeurs viennent renforcer les émotions ressenties naturellement à l'écoute de la musique, et réciproquement (cf. Egermann, McAdams, <ins><a href="http://www.egermann.net/wp-content/uploads/2013/12/Egermann_2013_MP.pdf" hreflang="en">Empathy and emotional contagion as a link between recognized and felt emotions in music listening</a></ins>).<br /></p>
<p>D'autres études de psychologie ont d'ailleurs permis de montrer que les messages émotionnels véhiculés par des morceaux particuliers sont intelligibles par les auditeurs indépendamment de leur maturité ou de leur formation musicale (cf. Swaminathan, Schellenberg, <ins><a href="http://www.utm.utoronto.ca/~w3psygs/SwaminathanSchellenberg2015.pdf" hreflang="en">Current emotion research in music psychology</a></ins>).<br />
<br />
Or, dans le cadre d'une partie de jeu de rôle, les vecteurs quasi-exclusifs de communication utilisés par les participants sont la parole intelligible et l'écrit, qui pour l'essentiel stimulent les capacités de raisonnement des joueurs participants, à l'exclusion de leurs perceptions émotionnelles, qui demeurent alors sous-exploitées. La sonorisation ne visant qu'à poser une ambiance aboutit à cette même insuffisance de stimuli émotionnels. La musique devient un bruit de fond, et non un vecteur de communication utilisé par le meneur de jeu afin de fournir des informations de nature émotionnelle aux personnages-joueurs.<br /></p>
<p>Le but de l'illustration musicale n'est <strong>pas</strong> d'obtenir une approximation d'ambiance, mais d'utiliser la musique comme un outil de précision destiné à illustrer des scènes et l'emploi de la musique dans le cadre de la partie de jeu de rôle doit avoir pour fonction d'évoquer et/ou susciter des émotions chez les joueurs et d'augmenter ainsi leur intérêt pour la partie et leur immersion dans le jeu. C'est tout le sens de cet article, qui a pour ambition de fournir les clés de compréhension de l'utilisation de la musique à titre d'illustration.<br /></p>
<h2>Principes de base</h2>
<p><strong>L'illustration musicale doit être au service de la partie, et pas l'inverse.</strong><br /></p>
<p><strong>Le "service de la partie" est le divertissement des joueurs en tant qu'ils participent à la partie de JdR.</strong><br /></p>
<p><ins>Corollaires de ce principe, les écueils à éviter impérativement</ins> :<br /></p>
<ul>
<li>diffuser des musiques trop bien connues et appréciées des joueurs (ex: le thème d'Indiana Jones). Il est indispensable de s'en abstenir afin d'éviter que les joueurs ne décrochent de la partie pour se concentrer plus sur la musique que sur la partie ("<em>Ah, écoutez, c'est le moment où Indy poursuit les nazis dans le camion !</em>"). C'est divertissant, certes, mais ce n'est plus le divertissement des joueurs en tant qu'ils participent à la partie de JdR ;<br /></li>
<li>gêner la concentration des joueurs. Il est indispensable que l'illustration musicale soit une aide et/ou un support de la narration, et non un obstacle à celle-ci. Si la musique gêne la concentration d'un ou plusieurs joueurs, il faut impérativement l'arrêter ou en diminuer le volume.<br /></li>
</ul>
<p>Il existe <ins>deux grands cas d'illustration musicale</ins> :<br /></p>
<ul>
<li><strong>représenter l'ambiance du lieu</strong> : illustration de la musique perçue par les personnages-joueurs, qui appelle à une immersion immédiate des joueurs dans l'univers de jeu puisque ceux-ci écoutent directement la musique entendue par leurs personnages (par exemple un "ragtime" joué par un pianiste de bar alors que les personnages-joueurs pénètrent dans un <em>speakeasy</em> des années 20). Ce type d'illustration musicale ne véhicule pas nécessairement une émotion particulière ;<br /></li>
<li><strong>véhiculer une atmosphère émotionnelle</strong> : illustration de l'état émotionnel intérieur des personnages-joueurs, qui ne correspond pas à une immersion des joueurs dans l'univers de leurs personnages, mais intervient à un niveau "<em>méta-jeu</em>".<br /></li>
</ul>
<p>L'envie du meneur de jeu de passer telle ou telle musique à tel ou tel moment devrait être totalement indifférente : ce qui importe est que la musique illustre <ins><strong>parfaitement</strong></ins> la scène, ou bien que le le message émotionnel véhiculé par le morceau corresponde <ins><strong>exactement</strong></ins> à l'émotion que veut faire passer le meneur.<br />
Un morceau véhiculant l'émotion souhaitée plus intensément qu'un autre devra en principe être privilégié, même si le meneur préfère le deuxième au premier : ses goûts personnels ne devraient pas entrer en ligne de compte.<br /></p>
<p>En pratique, il vaut mieux s'abstenir de passer un morceau qui ne convient pas parfaitement à ce qui est recherché. Le risque serait, sinon, soit d'affaiblir l'identité musicale du scénario / de la campagne, soit de faire baisser l'impact des illustrations musicales futures, soit de troubler les joueurs, trois écueils à éviter absolument. Par conséquent, et en cas de doute, il vaut mieux maîtriser "<em>seul que mal accompagné</em>" musicalement.<br />
Ainsi, il importe de rappeler que préparer à l'avance une illustration musicale devrait juste être une manière pour le meneur de prévoir non pas les ambiances et scènes qui VONT survenir, mais celles qui RISQUENT de survenir.<br /></p>
<h2>Quand illustrer?</h2>
<p>Il ne serait pas raisonnable pour un meneur de jeu de préparer sa partie en disposant d'illustrations visuelles de toutes les scènes et de tous les PNJ, jusqu'aux plus mineurs, de sa partie de manière exhaustive (mis à part peut-être pour les jeux <a href="http://www.legrog.org/jeux/sketch" hreflang="fr">Sketch!</a> et <a href="http://www.legrog.org/jeux/everway" hreflang="fr">Everway</a> qui sont des exceptions où l'illustration visuelle sont justement des éléments essentiels de la narration voire de la mécanique du jeu), compte tenu notamment de la charge de travail considérable qu'une telle entreprise impliquerait.<br />
Et serait-il vraiment utile d'avoir une illustration de tous les bars, de toutes les rues, de tous les PNJ découverts par les joueurs ? Évidemment non ! La plupart des meneurs se limitent, avec raison, aux seules illustrations "qui comptent" : lieux importants, personnages significatifs, etc.<br /></p>
<p>L'illustration musicale suit le même principe. On n'illustre pas tout, mais uniquement ce qui est important, soit qu'il s'agisse de l'ambiance sonore découverte par les personnages-joueurs, soit que la musique véhicule un message émotionnel à destination des joueurs incarnés dans leur personnage.<br /></p>
<p>Comme l'illustration musicale porte sur ce qui est important, il est tout à fait possible voire souhaitable de laisser des "blancs", des périodes sans musique. En effet, en n'illustrant pas musicalement des scènes, le meneur de jeu laisse le temps aux joueurs de "reposer" leur écoute.<br /></p>
<p>L'illustration musicale ne saurait pas non plus être forcée. Si le meneur a prévu une musique pour une taverne, et que les joueurs n'y vont pas : tant pis, il ne la passera pas !<br /></p>
<p>En outre, si la partie a été illustrée par de la musique presque constamment, alors la mise en oeuvre d'un silence total peut aussi procéder d'un effet : une neutralisation de toute émotion dans la scène. Un meneur de jeu habile pourrait renforcer la crudité d'une scène qu'il veut choquante par l'absence totale de musique et la mise en oeuvre d'un simple bruitage se rapprochant du <em>sound design</em> : un craquement, un cri, un bruit mouillé, etc.<br /></p>
<p>Alternativement, un meneur peut aussi délibérément rechercher la "saturation" de l'oreille de ses joueurs pour créer un effet - mais il devrait s'agir d'un cas rare et très particulier, comme par exemple le bip sonar d'un sous-marin revenant périodiquement au long d'une partie à la "Octobre rouge" - car la répétition d'un morceau ou d'un effet sonore peut aboutir à amoindrir l'effet recherché par l'illustration musicale.<br /></p>
<p>Pour autant, tant que dure la scène à l'origine de l'émotion que le meneur souhaite véhiculer via la musique, il est possible, si le morceau s'y prête, de mettre le morceau en question en boucle jusqu'à la fin de la scène ou jusqu'au prochain changement d'ambiance. Un morceau se prête en général à une diffusion en boucle pendant une scène s'il répond aux conditions alternatives suivantes :<br /></p>
<ul>
<li>le morceau est constant en termes de style, d'ambiance et de volume sonore, permettant de le "boucler".<br /></li>
<li>le meneur de jeu a la possibilité d'arranger, voire de faire un montage/mixage de passages du morceau de manière à ce que celui-ci "boucle" naturellement, et c'est cette boucle qui sera passée.<br /></li>
</ul>
<p>Si l'une ou l'autre de ces conditions ne peut être remplie, alors il est préférable de passer la séquence voulue une seule fois avant de faire un fondu au silence.<br /></p>
<p>A cet effet, beaucoup de musiques de beaucoup de jeux vidéo se prêtent bien au passage en boucle, dans la mesure où elles sont théoriquement conçues pour passer plusieurs fois à la suite sans agacer le joueur.<br /></p>
<h2>Comment illustrer ?</h2>
<p>Au-delà de la nécessité intermittente d'employer des morceaux spécifiques pour illustrer des scènes particulières, il semble important de garder à l'esprit une cohérence thématique dans l'illustration d'une partie/scénario/campagne de JdR.<br /></p>
<p>Choisir un morceau de Rhapsody, par exemple "Land of Immortals" pour illustrer une scène d'action, puis choisir l'ouverture du "Carmina Burana" d'Orff pour une scène de combat, puis employer "Black Forest" de l'album Suspiria des Goblin pour une ambiance trouble et nocturne, c'est prendre le risque de ne plus faire que démontrer l'éclectisme de sa discothèque à ses joueurs, sans forcément apporter quelque chose de plus à la partie.<br />
Ces morceaux sont en effet suffisamment différents pour que le changement de style finisse par troubler les joueurs, plutôt que de leur apporter une expérience voulue "immersive" au niveau musical.<br /></p>
<p>Illustrer musicalement la partie / le scénario / la campagne n'est en effet pas exclusif d'un effort de détermination d'une <strong>identité musicale</strong> cohérente pour le scénario ou la campagne, qui présente un certain nombre d'avantages.<br /></p>
<p>Le fait de disposer d'une identité musicale pour le scénario ou la campagne permet en premier lieu d'optimiser l'immersion des personnages-joueurs sur la durée. En créant et en se tenant scrupuleusement aux principes qu'il aura définis en décidant de l'identité musicale de sa campagne, le meneur de jeu aboutira à ce que les joueurs "se reconnaissent" dans l'atmosphère de la partie, et s'immergent plus rapidement dans l'ambiance au niveau émotionnel. Une musique pourrait même servir de "générique de début" à la partie.<br />
En deuxième lieu, si le meneur de jeu a à disposition suffisamment de morceaux correspondant à l'identité musicale qu'il a définie, il peut, sans risquer de se tromper, sélectionner très vite des morceaux et même d'improviser une illustration musicale lorsque cela s'avère nécessaire.<br /></p>
<h4>L'identité musicale d'une œuvre composite</h4>
<p>Pour définir l'identité musicale d'une œuvre, il y a plusieurs méthodes, notamment :<br /></p>
<p>1 - Choisir un(e) mélodie/harmonie/type d'accord/cadence/rythme/jingle reconnaissable entre tous (Bernard Hermann pour la musique de "Psychose" ; Mozart et ses cadences parfaites ; en clef de sol les trois notes (avec un mordant sur la troisième) <em>fa4 ré4 do#5</em> répétées 3 fois, puis <em>fa4 ré4 fa5</em> à l'octave supérieure, puis à nouveau <em>fa4 ré4 do#5</em> avec un tenuto & trille sur la 3e note sont ainsi la signature mélodique de la série "Les Envahisseurs" ) ;<br /></p>
<p>2 - Employer des <ins><a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Leitmotiv" hreflang="fr">leitmotivs</a></ins> ;<br /></p>
<p>3 - Choisir une orchestration très particulière et immédiatement reconnaissable (Danny Elfman orchestré par Shirley Walker, par exemple).<br /></p>
<p>Souvent, le meneur de jeu qui prévoit une illustration musicale va mettre en oeuvre un mélange de toutes ces méthodes, dans des proportions variables.<br /></p>
<p>L'identité musicale tient souvent à bien peu de chose. Par exemple, l'identité musicale des films de la trilogie Matrix, telle que crée par Don Davis, est, outre certains leitmotivs (exemple, le thème de la résurrection, les chevauchements de gammes ascendantes concomitants aux défilements de caractères verts, les effets dissonants et métalliques au synthé a chaque apparition d'agent...) caractérisée par deux accords de treizième diminuée, séparés entre eux par une quinte diminuée, se font écho l'un à l'autre, d'un côté stéréophonique à l'autre (des effets de <em>pan/balance</em>, quoi...), avec des effets alternatifs de molto crescendo immédiatement suivis de molto diminuendo.<br /></p>
<p>C'est pas très beau à lire, mais il suffit de faire jouer ces accords par n'importe quels instruments exactement comme décrit ci-dessus, afin d'évoquer immédiatement l'univers des films Matrix, ceci alors même qu'aucune note précise n'a été définie : cette identité musicale est uniquement définie techniquement, par un jeu d'intervalles et d'accords.<br /></p>
<h4>Application du principe d'identité musicale dans l'illustration sonore des parties de JdR</h4>
<p>Il est difficile pour le MJ de définir une identité musicale sachant qu'il va probablement tirer ses extraits sonores et morceaux de sources très disparates. Notamment, il est impossible d'obtenir une cohérence mélodique, à moins de tirer tous les morceaux de la même source (la même BOF, la même symphonie, et avec un peu de chance le même compositeur qui fait des "copier-coller" d'un morceau à l'autre) : cette solution est adéquate pour des scénarii "one-shot", mais ne tient pas la distance, en raison de la probable répétition des pistes sur une longue durée dans le cas de campagnes.<br /></p>
<p>Il faudra nécessairement sur le long terme se résoudre à employer des mélodies différentes. La méthode consiste donc à aller chercher ce qui n'est PAS mélodique, afin de conserver néanmoins une cohérence à l'ensemble des morceaux qui seront utilisés.<br /></p>
<p>En premier lieu, il semble essentiel de s'atteler à l'<strong>orchestration</strong>, et privilégier des formations similaires, et si possible identiques, pour les différents morceaux qui seront utilisés pour illustrer musicalement les scénarii de la campagne. Il est également préférable, au niveau de l'orchestration, de privilégier des formations instrumentales qui "cadrent" avec l'univers choisi. Une musique de synthétiseur sera mieux adaptée à un univers de science-fiction, un air de clarinette jazzy plus appropriée pour une enquête dans les années 30, tandis que les guitares électriques devraient - en principe - être proscrites pour illustrer un univers médiéval qui ne connaît pas encore l'électricité.<br />
Cette règle peut souffrir des exceptions, à condition que ces exceptions servent l'intensité narrative et augmentent l'investissement émotionnel des joueurs : ainsi, un monde médiéval-fantastique ultra-violent et peu réaliste, faisant la part belle à des barbares huilés et des batailles sanglantes, pourrait très bien s'accommoder de musiques relevant du genre du "métal symphonique", voire "métal tout court".<br />
Aussi, la rupture délibérée de la cohérence de l'identité musicale peut accentuer l'émotion suscitée par une rupture brutale des lois fondamentales qui régissent l'univers décrit. Par exemple, une campagne apparemment historique uniquement illustrée par des orchestrations philharmoniques, quand soudain : un morceau au synthétiseur alors que des aliens technologiquement hyper-avancés apparaissent dans le scénario...<br /></p>
<p>En deuxième lieu, les <strong>leitmotivs</strong>. Le leitmotiv est habituellement une mélodie, mais compte tenu de ce que les meneurs de jeu ne sont habituellement pas compositeurs et n'ont pas un orchestre à disposition, le leitmotiv lors de l'illustration musicale sera le plus souvent lié à ce qui ne relève pas de la mélodie : l'orchestration, à la gamme tonale, la présence d'un instrument.<br />
Un leitmotiv devrait ainsi être utilisé lors que les trois conditions suivantes sont <ins>cumulativement</ins> remplies :<br /></p>
<ul>
<li>lorsque le lieu / thème / personnage auquel correspond leitmotiv est sous les feux des projecteurs ;<br /></li>
<li>lorsque la scène est importante pour les personnages-joueurs (qu'elle se rattache directement à l'accomplissement de leurs objectifs, l'exploration de leur historique, ou la mise en oeuvre de leurs facultés) ;<br /></li>
<li>lorsque l'orchestration et le mode du leitmotiv à disposition correspond au message émotionnel que veut véhiculer le meneur de jeu.<br /></li>
</ul>
<p>Ainsi exploités, la répétition des leitmotivs crée artificiellement une cohérence musicale, surtout quand il est difficile de conserver une même orchestration ou une même gamme modale. Le changement d'orchestration ou de mode devient alors signifiant, et non plus obstacle à la cohérence, et permet même l'introduction de nouveaux morceaux répondant aux règles d'orchestration et/ou modales du leitmotiv choisi.<br />
Un leitmotiv peut être quelque chose de très discret, pour influencer inconsciemment les joueurs : par exemple, chaque morceau qui passe lors de la présence d'un certain personnage, quel que soit son style, contient systématiquement des chœurs de femmes et d'enfants, alors qu'il n'y a jamais de choeurs dans aucun des autres morceaux passés quand ce personnage est absent. Le meneur de jeu entend par là suggérer aux personnages-joueurs que ce PNJ est en réalité un archange incarné sur terre, ce qu'ils n'apprendront qu'au bout de 30 parties...<br /></p>
<p>Pour un meneur de jeu ambitieux et désireux de gérer des leitmotiv mélodiques, l'écueil majeur à éviter serait de répéter de manière systématique exactement le même morceau, parce que son utilisation deviendrait trop artificielle et lasserait alors les joueurs.<br />
Les voies les plus pratiques pour utiliser efficacement les leitmotivs mélodiques sont les suivantes :<br /></p>
<ol>
<li>Recourir aux reprises de chansons, qui conservent une mélodie identique avec une orchestration différente. Par exemple, si le meneur de jeu a choisi la chanson "Mad World" comme leitmotiv mélodique pour un personnage, les différentes reprises de cette chanson pourront lui servir à illustrer musicalement les états émotionnels de ce personnage : l'original de Tears for Fears, très rythmé, lui permettra de suggérer la détermination, la reprise de Gary Jules suscitera la mélancolie, des extraits de la reprise par Zonaria pourra être utilisée pour illustrer un coup de folie ou une bagarre, tandis que la reprise de Twenty-One Pilots, minimaliste, pourra évoquer une certaine sérénité ;<br /></li>
<li>Exploiter les variations d'un thème dans les bandes originales de films (ou de jeux vidéo) "à séquelles" et dans les musiques internes de séries télévisées : on y trouve souvent des variations sur les thèmes principaux et secondaires, lorsque le compositeur aura essayé d'éviter le recyclage, ou bien dans le cas fréquent des changements de compositeurs, le suivant essayant de reprendre les thèmes du premier tout en y apposant sa patte (exemple : la bande originale du film <em>Predator</em> par Alan Silvestri et celle du film <em>Predators</em> par John Debney). Ceci aboutit souvent à des mélodies identiques ou similaires mais interprétées dans des orchestrations, styles et modes différents, ce qui est particulièrement utile pour un meneur de jeu souhaitant recourir à un leitmotiv mélodique.<br /></li>
</ol>
<p>Une option intéressante consiste également à laisser les joueurs décider du leitmotiv de leur propre personnage selon les mêmes principes, avec l'aide du meneur de jeu afin de ne pas rompre la cohérence de l'identité musicale de la campagne.<br /></p>
<p>En troisième lieu, le <strong>compositeur</strong> (et s'il y a lieu ses imitateurs et les membres de son école). Nombre de compositeurs ont des habitudes, des idiosyncrasies, des compulsions dans leur manière d'écrire leur musique. D'une œuvre à l'autre, les compositeurs reprennent même certaines de leurs phrases musicales, leurs cadences, leurs accords, et parfois même des mélodies entières.<br />
Pour vous en convaincre, n'hésitez pas à comparer les bandes originales des films "Willow" et "Avatar", toutes deux composées par James Horner, dont certains accords sont parfaitement identiques (mais James Horner est connu pour faire du copier-coller entre ses partitions, ce qui est plutôt pratique). Autre exemple, le "<em>Blood Theme</em>" de la série Dexter, composé par Daniel Licht, apparaît pour la première fois comme "pont" dans la bande originale du segment "<em>the library</em>" du film à sketches "<em>Necronomicon</em>", du même compositeur.<br />
Le choix d'un même compositeur (ou d'une même école / studio de production) apparaît donc comme une manière simple d'assurer une cohérence musicale à l'ensemble des illustrations musicales qui seront exploitées par le meneur, sous réserve que le style du compositeur n'ait pas trop évolué entre les différents morceaux choisis.<br /></p>
<p>En quatrième lieu, le <strong>ton</strong> peut recevoir une certaine attention. Conserver le même mode n'est pas indispensable, étant donné que l'on peut vouloir faire varier l'ambiance selon les scènes à illustrer musicalement. Il est en revanche préférable, dans ce cas, d'essayer de conserver un même ton (ou une harmonie basée sur la dominante) : par exemple, do majeur pour les ambiances heureuses, et do mineur pour les ambiances plus sombres, ce qui reste toujours des gammes de do (et donc sol majeur et mineur pour les mélodies basées sur les accords de la dominante). Idéalement, il serait souhaitable de conserver la même gamme tonale sur tous les morceaux passés. En pratique, à moins de disposer d'un orchestre, la plupart des meneurs devront se passer d'uniformité tonale, d'où l'importance de conserver une cohérence dans l'orchestration.</p>
<p>En cinquième lieu, <strong>tout le reste</strong>. L'harmonie, les cadences, les rythmes, les riffs de guitare, tout élément commun à de nombreux morceaux destinés à l'illustration musicale est un "bon point" supplémentaire pour créer une identité musicale et garder une cohérence sur la longueur.</p>
<h2>Comment choisir les morceaux ?</h2>
<p>Pour un univers de jeu donné, le meneur de jeu est censé travailler en amont le choix de ses morceaux en fonction des émotions qu'il estime qu'il aura à évoquer au cours de ses parties.<br />
Cependant, il est difficile de savoir de manière intuitive ce qui va correspondre exactement à ce dont la campagne/le scénario/la partie a besoin à un instant précis, de sorte qu'au final, le meneur de jeu sera amené à improviser.<br />
Paradoxalement cette improvisation sera plus fluide grâce à une bonne préparation de son "échantillonnage" de morceaux : si l'échantillonnage est large mais respecte des règles de cohérence interne définies par le meneur de jeu, alors ce dernier pourra aisément sélectionner "à la volée" des pistes additionnelles sans risquer de rompre l'identité musicale de sa trame narrative.<br />
Pour sélectionner les morceaux les plus appropriés, il importe de déterminer leurs caractéristiques évocatrices, visant à susciter des réponses physiologiques chez leur auditeur.<br />
A cet effet, l'étude Kawakami, Furukawa, Okanoy "<em><a href="http://icmpc-escom2012.web.auth.gr/sites/default/files/papers/520_Proc.pdf" hreflang="en">Musical emotions: perceived emotion and felt emotion in relation to musical structures</a></em>" met en évidence la relation entre d'une part les structures musicales et les émotions perçues et ressenties. Pour approfondir cette approche, l'étude de Gomez et Danuser "<em><a href="http://www.cs.tufts.edu/~jacob/250hcm/gomez.pdf" hreflang="en">Relationships between musical structure and psychophysiological measures of emotion</a></em>" fournit de précieuses informations sur le degré d'impact des différents paramètres musicaux sur les auditeurs, qui varie en outre selon la coloration émotionnelle positive ou négative du morceau.<br />
L'étude de Gomez et Danuser utilise le modèle Excitation (intensité de l'émotion ressentie) / Valence (qualité intrinsèque plaisante ou déplaisante de l'émotion). Ce modèle de qualification des stimuli émotionnels est certes contesté par certains chercheurs, mais suffisamment fidèle aux ressentis de la plupart des individus pour permettre une exploitation efficace dans le cadre de l'illustration musicale des parties de jeu de rôle.<br />
La traduction psychophysiologique de différentes structures musicales est présentée ci-après afin d'éclairer les choix potentiels de morceaux pour illustrer des scènes.<br /></p>
<h3>Mode</h3>
<p>Dans le cas d'un mode mineur, l'ambiance émotionnelle du morceau sera sombre/tendue, évoquant des émotions telles que peur, tristesse, mélancolie, rage, etc.<br />
Dans le cas d'un mode majeur, le message émotionnel du morceau sera au contraire lumineux/optimiste, évoquant des émotions comme la joie, le sentiment de triomphe, la fierté, la sérénité, etc.<br />
Il y a certes des méthodes musicales pour déterminer la gamme modale à partir des principaux accords du morceau, mais plutôt que d'entrer dans les arcanes du solfège, une petite "règle de pouce" :<br /></p>
<ul>
<li>Quand la musique semble "sombre" (exemple : le thème de Batman par Danny Elfman), ou empreinte d'une certaine mélancolie sous-jacente, avec une tension, alors elle est probablement en mode mineur ;<br /></li>
<li>Quand la musique n'est pas sombre, qu'elle est vive, solaire, optimiste, flamboyante, souvent dans le genre pompier : c'est probablement un morceau en mode majeur (exemple : le thème de Superman par John Williams).<br /></li>
</ul>
<p>Le mode majeur ou mineur a non seulement un impact déterminant sur l'émotion (positive ou négative) véhiculée, mais de surcroît <ins>altère la signification et l'impact pour l'auditeur d'autres structures musicales</ins> telles qu'une gamme ascendante ou descendante ou encore une accentuation (<em>marcato</em>) des notes jouées par les instrumentistes. Ainsi, l'accentuation (ou l'absence d'accentuation) des notes n'a rigoureusement aucun effet sur la nature positive ou négative de l'émotion véhiculée par le morceau, mais a un impact sur l'<ins>intensité</ins> de cette émotion.<br /></p>
<h3>Mélodie</h3>
<p><strong>Gamme ascendante</strong> : accentue les émotions évoquées par le mode majeur.</p>
<p><strong>Gamme descendante</strong> : accentue les émotions évoquées par le mode mineur.</p>
<p><strong>Répétition d'un fragment mélodique</strong> : attente, expectative. Si la répétition du fragment est accompagnée d'une densification progressive du spectre musical (nouveaux instruments, complexification du contrepoint) et/ou d'un raccourcissement progressif du fragment et/ou d'une augmentation du volume sonore (avec éventuellement l'apparition d'unisons aux octaves supérieures), le morceau fait lors passer une <ins>sensation d'imminence</ins> d'un événement. Un exemple de morceau visant à susciter cette émotion serait "<em>Clarence frags Bob</em>" (bande originale du film Robocop composée par le regretté Basil Poledouris).<br /></p>
<p><strong>Mélodie dont toutes les notes sont séparées par des intervalles de seconde</strong> : platitude, ennui. Un certain nombre de chants monodiques (plain-chant) entre le Ve et le VIIe siècle présentent cette structure mélodique.</p>
<h3>Tempo</h3>
<p>Plus le tempo de la musique sera rapide, et plus l'excitation émotionnelle (Arousal) sera importante, avec des effets un peu plus plus significatifs pour des émotions dont la valence est désagréable qu'avec des émotions dont la valence est agréable.<br />
Ainsi, un morceau en mode mineur à la gamme descendante aura d'autant plus d'impact que son tempo sera rapide. Il en va de même pour un morceau en mode majeur à la gamme ascendante, mais dans une proportion moindre.<br /></p>
<h3>Intervalles et accords</h3>
<p>Les effets psychophysiologiques des intervalles et accords sont, assez curieusement, transverses aux cultures humaines. Les intervalles (i.e. les notes sont jouées successivement) impliquent une sensation d'évolution entre deux états, tandis que les accords (i.e. les notes sont jouées simultanément) évoquent directement un état. J'indique ici la manière dont les intervalles et accords sont généralement perçus.<br /></p>
<p><strong>Intervalles de seconde augmentée dans chaque tétracorde de l'octave</strong> : ambiance orientale. Si en outre la gamme est essentiellement pentatonique (c'est-à-dire que la gamme ne comporte que 5 tons : par exemple "do, ré, mi, sol la"), alors l'ambiance sera extrême-orientale.</p>
<h4>Intervalles à valence positive.</h4>
<p>Les intervalles et accords présentant une valence positive sont consonants. La nature de l'émotion positive suscitée dépend directement de l'intervalle consonant en question.<br /></p>
<p><strong>Tierce majeure</strong> : joie, victoire, fierté.<br /></p>
<p><strong>Quarte juste</strong> : solidité, puissance.<br /></p>
<p><strong>Quinte juste</strong> : perfection.<br /></p>
<p>Tierce majeure, quarte juste et quinte juste sont les intervalles principaux du thème de Superman composé par John Williams, ce qui, évidemment, n'est pas un hasard.<br /></p>
<p><strong>Sixte majeure</strong> : clarté, élévation.<br /></p>
<p><strong>Octave (unison)</strong> : harmonie, absolu, transcendance (pensez au "Alleluia" de Haendel).<br /></p>
<h4>Intervalles à valence négative</h4>
<p>La plupart sont des dissonances. La nature de l'émotion négative suscitée par la dissonance dépend en revanche des autres caractéristiques de la musique dans laquelle cet accord dissonant s'intègre.<br /></p>
<p><strong>Seconde diminuée</strong> : angoisse, tourment, mélancolie. Les premières notes des "Dents de la mer" de John Williams vous rappelleront à quel point une mélodie présentant des intervalles de seconde diminuée peut susciter l'angoisse. Dans le cas d'un accord, la seconde diminuée est dissonante car les notes ne sont séparées que d'un demi-ton, et crée une forme de battement / ondulation.<br /></p>
<p><strong>Loups</strong> : un loup est une ondulation perceptible et désagréable, résultant d'un écart très faible entre deux notes jouées simultanément - encore plus faible que l'intervalle de seconde diminuée. Il donne immédiatement une impression de fausseté, d'inexactitude. Rares sont les compositeurs qui en usent à des fins psychophysiologiques, mais on peut citer en exemple Joseph LoDuca, qui les exploite dans la bande originale du film Evil Dead pour augmenter l'étrangeté des séquences de possessions démoniaques.<br /></p>
<p><strong>Triton (quarte augmentée ou quinte diminuée "du Diable")</strong> : l'<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Triton_(musique)" hreflang="fr">article de wikipedia</a> est très bien fait et explicite. Il s'agit d'un intervalle faisant exactement trois tons. Il n'est pas désagréable à proprement parler, mais semble "dur" à l'oreille.<br /></p>
<p><strong>Septième augmentée</strong> : l'accord de septième augmentée est un accord entre la note tonique de la gamme et la note sensible - souvent altérée par un dièse. L'intervalle et l'accord de septième augmentée suscitent immédiatement une tension importante en raison de l'écart des notes.<br /></p>
<p><strong>Intervalles plus grands</strong> : les intervalles séparés de plusieurs octaves, en l'absence de notes intermédiaires, créent un "vide" dans le spectre musical, et suscitent une tension, laquelle est directement proportionnelle au "vide" dans le spectre musical. Les compositeurs de musiques de films usent (voire abusent) de cet effet, en posant une basse très grave et en superposant une mélodie mineure et légèrement dissonante plus aiguë de quatre voire cinq octaves - le meilleur exemple doit en être le thème de Halloween composé par John Carpenter.<br /></p>
<p>C'est ici qu'il importe de préciser les effets du <strong>spectre musical</strong>. <em>Plein</em>, c'est-à-dire avec une orchestration constituée de multiples instruments aux tessitures complémentaires permettant d'éviter des intervalles trop importants entre des accords "chevauchant" plusieurs instruments, il aura tendance à véhiculer des émotions compatibles avec des scènes diurnes, l'évidence. <em>Minimaliste</em>, c'est-à-dire avec une orchestration comportant peu d'instruments dont les tessitures sont éloignées les unes des autres sur la gamme, le morceau aura plutôt une tendance à véhiculer une impression de scène nocturne, de discrétion.<br /></p>
<h3>Le cas particulier du volume sonore</h3>
<p>Le volume sonore a pour principal effet de faire varier l'intensité de l'émotion ressentie. Plus le volume sonore est important, plus l'intensité de l'émotion est forte.<br />
Cependant, dans le cadre d'une partie de jeu de rôle, à la différence d'un concert ou d'un opéra, la musique n'est pas le vecteur unique, ni même le vecteur principal de la narration. Il est donc essentiel pour le meneur de jeu de rester vigilant afin d'empêcher que la musique ne couvre ou ne trouble les échanges entre les participants à la partie.<br />
En outre, le meneur peut avoir besoin de diffuser une musique avec un certain volume sonore, surtout dans le cas où ce volume est la principale caractéristique qui donnera de l'intensité à la scène que le morceau a vocation à illustrer - mais cette situation peut aboutir à faire passer la musique avant la narration, et il n'est jamais exclu que la réaction spontanée d'un joueur (l'incertitude permanente des jeux de rôle) ne gâche l'effet voulu.<br /></p>
<p>Dans cette hypothèse, il est préférable pour le meneur de travailler l'articulation entre la narration et l'illustration musicale, en préparant par avance les morceaux qui seront joués et le texte qui sera dit par le meneur.<br /></p>
<h2>Articuler narration et illustration musicale</h2>
<p>Articuler narration et illustration musicale requiert avant tout de minuter précisément les structures musicales des morceaux envisagés. Ce minutage est <del>nécessaire</del> indispensable afin de savoir de combien de temps réel de jeu le meneur et les joueurs disposent avant le prochain changement de structure musicale modifiant sa valence, son excitation, ou encore la nature de l'émotion suscitée.<br /></p>
<p>A titre d'illustration (musicale, hu hu hu), prenons <a href="https://www.youtube.com/watch?v=lLjwkamp3lI" hreflang="en">le deuxième mouvement de la <em>Symphonie n°94 en sol majeur dite "la Surprise"</em> de Joseph Haydn</a>. Au début de ce mouvement, qui a donné son nom à la symphonie (après 33 secondes dans l'interprétation dont le lien est fourni), la deuxième exposition de la mélodie principale donne lieu à un accord fortissimo propre à réveiller tout auditeur endormi, et qui peut avantageusement constituer l'illustration musicale d'un coup de théâtre soudain et stupéfiant.<br />
Pour utiliser efficacement ce morceau dans une narration, le meneur doit "caler" ses descriptions et éventuels échanges avec les joueurs afin d'éviter que celles-ci ne soient interrompues au mauvais moment par la survenance de cet accord : il sait que précisément 33 secondes après le début du morceau, les joueurs vont ressentir de la surprise.<br /></p>
<p>Autre exemple plus moderne, "<em>Careful with that axe, Eugene</em>" des Pink Floyd, met en place pendant plusieurs minutes une ambiance tendue (à cause de l'intervalle important entre basse et mélodie, spectre large peu comblé par les autres instruments) et languissante (des accords au rythme binaire de basse séparés d'une octave, soutenant une mélodie plutôt descendante en mode mineur) soudainement brisée par un roulé et un cri déchirant (un peu avant la 5ème minute), qui augmente encore l'excitation à valence négative du morceau.<br />
Ce morceau laisse plus de temps au meneur pour poser ses descriptions avant la survenance du changement de structure qui modifie la valence et/ou l'excitation du morceau et/ou les émotions véhiculées par la musique.<br /></p>
<p>Par conséquent, pour caler sa narration, le meneur de jeu doit avoir préparé son utilisation des morceaux musicaux, en connaissant (soit qu'il ait des fiches, soit qu'il ait une bonne mémoire) chaque changement important de valence, d'excitation, et/ou de nature de l'émotion suscitée - et la nature de ces changements.<br /></p>
<p>S'il parvient à identifier rapidement un morceau qui conviendrait et présenterait les changements de valence / excitation dont il a besoin, le meneur de jeu peut même parvenir à <strong>improviser</strong> l'illustration musicale d'une scène.<br /></p>
<h2>Aspects pratiques</h2>
<p>Mais assez de théorie ! Voyons comment mettre en pratique les informations ci-avant.</p>
<h2>Sources musicales</h2>
<p>Premier travail du meneur de jeu, sélectionner les sources musicales de ses illustrations, pour trouver celles qui correspondent aux émotions qu'il souhaite véhiculer. Évidemment, tout est possible, mais voici les différents avantages et inconvénients de certaines sources musicales.</p>
<h3>Musiques de compositeurs divers et variés (modernes ou non)</h3>
<p>Avantages : Évocatrices, de notoriété variable (certaines sont assez réussies et pourtant bien obscures, ce qui permet d'éviter l'effet de reconnaissance par un joueur), elles sont également la base de l'inspiration pour d'autres musiques de films. Tiens, par curiosité, n'hésitez pas à comparer "<em>Uranus, the Magician</em>" du compositeur Gustav Holst avec le morceau de John Willliams qui illustre l'abordage de la corvette corellienne par le Star Destroyer impérial au début du film "La Guerre des Étoiles".<br /></p>
<p>Inconvénients : Ces musiques sont la plupart du temps des morceaux qui contiennent leur propre narration, et sont donc peu propices à l'accompagnement. Les plus réussis de ces morceaux seront probablement connus des joueurs, sans compter qu'il peut toujours se trouver dans un groupe de joueurs un mélomane pour lequel Holst, Wagner et Mahler (ou bien Daft Punk, Mitch Murder et Betamaxx) n'ont pas de secret.<br /></p>
<h3>Chansons</h3>
<p>Avantages : habituellement relativement constantes dans leurs valence & excitation, c'est probablement le seul avantage en termes de transmission d'émotions qu'on peut leur trouver.<br /></p>
<p>Inconvénients : si l'on met de côté leur notoriété, à moins de tomber sur une version purement instrumentale, les chansons sont des musiques qui accompagnent déjà la narration constituée des vocalises du chanteur. Utiliser une chanson revient donc faire parler (en chant) quelqu'un d'autre pendant que le meneur et les joueurs parlent eux-mêmes, ce qui est contre-productif et contradictoire avec l'objectif de véhiculer une émotion.<br />
Cet inconvénient est nettement diminué lorsque la langue du chanteur est inconnue des joueurs.<br />
Échapper totalement à cet inconvénient est possible :<br /></p>
<ul>
<li>lorsque la chanson est précisément celle écoutée à ce moment dans l'univers de jeu par les personnages. Dans cette hypothèse, elle n'est pas utilisée pour véhiculer une émotion ;<br /></li>
<li>lorsque la chanson sert de "générique" à une partie à la manière d'une "série télévisée".<br /></li>
</ul>
<h3>Musiques de films et séries télévisées</h3>
<p>Avantages : Les musiques de films et séries télévisées sont particulièrement évocatrices, et ont d'ores et déjà été conçues pour l'accompagnement d'une narration. Pas étonnant dans ces conditions que de très nombreux meneurs de jeu privilégient fortement ces sources musicales pour l'illustration de leurs parties de jeu de rôle.<br /></p>
<p>Inconvénients : Les musiques de films et séries ont un défaut principal qui découle précisément de leur principale qualité. Celles-ci sont en effet d'ores et déjà conçues pour l'accompagnement d'une narration, mais cette narration est préexistante : ce sont les événements du film, de la série. Ce qui va se dérouler au cours de la partie de jeu de rôle ne correspondra donc pas nécessairement aux changements de valence et d'excitation du morceau utilisé pour illustrer musicalement la partie.<br />
Autre inconvénient, les musiques de films et séries sont souvent aussi célèbres que les œuvres vidéographiques dont elles sont extraites. Pour éviter que les joueurs ne reconnaissent une musique tirée d'une telle source, le meneur de jeu devra se débrouiller pour trouver des bandes originales de qualité provenant d’œuvres méconnues par ses joueurs. Or les films et séries méconnus le sont souvent pour de bonnes raisons (médiocrité ou manque de budget, les deux pouvant aller de pair) et leurs bandes originales sont pour ces raisons plus difficiles à trouver.<br /></p>
<h3>Musiques de jeux vidéo</h3>
<p>Avantages : les musiques de jeu vidéo ont parcouru énormément de chemin depuis l'époque de <em>pong</em> et ses effets sonores d'ondes en dents de scie ou les ritournelles en 8-bit. Les grosses productions de studios s'inspirent des orchestrations du cinéma, tandis que les applications de jeux mobiles un peu évoluées présentent parfois des musiques étonnantes de qualité.<br />
Deuxième avantage, et non des moindres : quand elles n'ont pas vocation à illustrer une cinématique, la plupart des musiques de jeu vidéo "bouclent" sans changement notable de valence / excitation / émotion. Cela signifie que leur durée n'est pas un problème si la scène avec les personnages joueurs dure plus longtemps que prévu, et le meneur peut les "laisser tourner" tant qu'il a besoin de véhiculer l'émotion qu'elles suscitent.</p>
<p>Inconvénients : les musiques de jeu de qualité demeurent encore l'exception plutôt que la règle, et les plus réussies deviennent vite notoires et surexploitées. Compte tenu de ce qu'il l'aura entendu de nombreuses fois, un joueur de jeu vidéo reconnaîtra très facilement une musique venant d'un jeu auquel il a joué. Enfin, comme ces musiques "bouclent", la tentation sera grande pour le meneur de jeu de choisir la voie de la facilité et de se mettre à "sonoriser" plutôt qu'"illustrer musicalement".</p>
<h3>Musiques sur Internet</h3>
<p>On trouve maintenant de nombreuses sources dédiées à l'écoute de musique sur Internet. Je ne mentionnerai pas Youtube, Deezer ou Spotify qui reprennent des catalogues de musiques appartenant aux catégories précitées.</p>
<p>Parlons donc de :</p>
<h4>Tabletopaudio.com</h4>
<p>Avantages : ces musiques sont non seulement conçues pour l'accompagnement, mais en outre spécifiquement pour l'accompagnement de parties de jeux de rôle, avec un classement thématique très utile. La plupart des musiques proposées, qui "collent" assez bien à leur classement thématique, ont en outre l'avantage de boucler. Le "soundpad" proposé par le site web permet également de bruiter les parties et de faire du sound design en temps réel (sous réserve d'avoir pris le temps d'écouter le caractère approprié des bruitages). Enfin, les musiques ne présentent pas de notoriété particulière.<br /></p>
<p>Inconvénients : le nombre limité de musiques disponibles, qui sont d'un mérite esthétique variable, et qui ne peuvent pas être utilisées sans connexion Internet. Comme celles-ci bouclent, attention à ne pas céder à la tentation de les laisser tourner en fond sonore en perdant de vue les objectifs de l'illustration musicale.<br /></p>
<h4>Soundcloud.com</h4>
<p>Avantages : le nombre de musiques disponibles sur Soundcloud est très important, et surtout nombre d'utilisateurs mettent des "tags" sur les musiques appropriées pour l'illustration de parties de jeu de rôle, à titre d'exemples : les tags "<em>roll20</em>" et "<em>soundscape vision</em>". Vous pouvez ainsi préparer des playlists thématiques en piochant dans les morceaux mis à disposition par les autres utilisateurs.<br />
Avantage très intéressant de soundcloud, la visualisation de l'avancement de la lecture des morceaux sous forme d'ondes, qui permet d'anticiper <ins>visuellement</ins> les changements de structure musicale et "surprises" à la Haydn.<br /></p>
<p>Inconvénients : la qualité et l'esthétique des morceaux sur Soundcloud est très variable, le meilleur y côtoie le pire d'une piste à l'autre. En outre, tous les morceaux ne sont pas téléchargeables - ce serait même l'exception - ce qui rend indispensable de demeurer connecté à Internet pour utiliser ce service pendant une partie.<br /></p>
<h4>Les sites de musique libre (par exemple Jamendo.com)</h4>
<p>Avantages : avantage immédiat et le plus évident des musiques libres, c'est leur liberté d'usage. Téléchargeables pour la plupart, ceci rend possible leur emploi dans une partie de jeu de rôle "offline". Le nombre de celles-ci est également tout à fait respectable, ce qui donne du choix aux meneurs de jeu.<br /></p>
<p>Inconvénients : inconvénient majeur de la musique libre, un fréquent manque de qualité esthétique. Ceci est d'autant plus fâcheux que ce sont bien les qualités esthétiques d'une musique qui aident de véhiculer une émotion. Hélas, rares sont les musiques qui se distinguent du lot sur des sites comme Jamendo.com.<br /></p>
<h3>Jouer les pistes</h3>
<p>Après avoir étudié les sources ci-avant et choisi les morceaux qui lui semblent les plus appropriés pour véhiculer ou susciter les émotions qui illustreront les scènes de sa partie, le meneur de jeu doit s'interroger sur la manière pratique de les faire entendre à ses joueurs pendant la partie. Il existe plusieurs solutions, qui ont leurs avantages et leurs inconvénients.<br /></p>
<h4>Sources de diffusion</h4>
<p>Le meneur de jeu dispose de nombreuses possibilités de sources principales pour diffuser la musique qu'il souhaite pendant une partie : l'ordinateur, le téléphone, le baladeur FLAC, la tablette, le flux audio d'une playlist via une enceinte reliée à un service de diffusion, etc.<br /></p>
<p>Toutes ces possibilités sont également valables tant qu'elles permettent une diffusion et un contrôle fluide des musiques. Le meneur de jeu doit trouver la solution qui lui fait perdre le moins de temps possible à chercher la bonne piste ou le bon morceau : pendant qu'il consacre ce temps à la recherche de la piste, il n'est pas en train d'interagir avec les joueurs. Par expérience, l'utilisation d'un lecteur CD portable est curieusement plus rapide que celle d'un lecteur audio digital, car pour le premier, il suffit de mettre le bon cd et d'avoir mémorisé le n° de piste pour tout de suite avoir la musique qui va bien, tandis que le second requiert de prendre le temps de naviguer jusqu'au bon fichier.<br /></p>
<p>L'ordinateur est plus encombrant mais permet d'afficher en même temps de nombreuses pistes (moins de temps perdu à rechercher la bonne), et peut également avoir d'autres utilités pour le meneur indépendamment de la diffusion musicale (prise de notes, etc.).<br /></p>
<p>Une possibilité souvent sous-estimée est celle de réaliser sa propre "<em>soundboard</em>", sa propre table d'échantillons sonores. De nombreuses applications mobiles et sur tablettes proposent à leur utilisateur de créer ses propres tables, en chargeant dans l'application ses propres échantillons sonores, et en préparant des "boutons" tactiles pour déclencher leur diffusion. La plupart de ces applications ne mettent pas de limite à la durée des échantillons, qui peuvent très bien être des morceaux de musique.<br />
En préparant très en amont ses tables de sons, par exemple une par ambiance, le meneur de jeu peut disposer d'un puissant outil qui lui permet, sans cesser d'interagir avec les joueurs, d'appuyer discrètement sur une zone de l'écran tactile et de lancer la musique appropriée. Il n'est donc plus besoin d'aller naviguer dans l'arborescence des dossiers du baladeur ou de l'ordinateur : tout ce dont le meneur a besoin est là, à portée de son doigt.<br /></p>
<p>Les applications de tables de son offrent pour la plupart une possibilité supplémentaire : celle de nommer le bouton tactile indépendamment du fichier de musique qui lui est associé. Or, l'astuce consiste à nommer chaque bouton selon une charte de nommage permettant de connaître la nature de l'émotion véhiculée, la durée du morceau, l'existence d'un changement soudain de valence et/ou d'excitation.<br />
L'auteur de ces lignes utilise ainsi la charte de nommage suivante :<br /></p>
<blockquote><p>
<strong>Mot-clef sur valence</strong> | <strong>Durée totale en secondes</strong> | _ | <strong>Changement</strong> | <strong>Temps en secondes auquel arrive le changement</strong></p></blockquote>
<p>Ainsi, un fichier s'appelant <em>BridgeOut30_Slash18</em> est l'indication, sur la table de sons de l'auteur de ces lignes, qu'il s'agit d'un extrait de 30 secondes issu du morceau "Bridge Out !" de Joseph LoDuca, provenant de la bande originale du film "the Evil Dead". Le <code>_Slash18</code> est une indication de ce qu'à la 18e seconde de cet extrait retentit un accord vif et dissonant, ressemblant aux glissandos rapides qui illustrent les coups de couteau dans le film "Psychose".<br /></p>
<p><img src="https://blog.xyrop.com/public/Gamemastering/Images/Screenshot_2016-12-12-19-51-11.png" alt="" style="display:table; margin:0 auto;" title="Exemple de SoundBoard" /></p>
<p>Évidemment, le morceau initial de Joseph LoDuca ne dure pas que 30 secondes. Cependant, il est nécessaire de le couper via un fondu vers le silence, car après 30 secondes, la structuration de la musique change pour accompagner la narration du film - problème habituel des musiques de film, que le recours à un mixage (par exemple via un outil libre comme <a href="http://audacity.fr/" hreflang="fr">Audacity</a>) permet de pallier.<br /></p>
<p>Dans tous les cas, quelle que soit la source de diffusion choisie, il est essentiel d'anticiper les changements de musique. Au moment où le meneur de jeu diffuse une musique particulière pour illustrer une scène, il est impératif qu'il se projette déjà dans la scène suivante, et qu'il commence à réfléchir si la musique sera nécessaire, et, si oui, à l'émotion qu'il voudra véhiculer et susciter : pour casser le moins possible le rythme de la partie, le choix de la piste musicale suivante devrait être arrêté avant le passage à la scène suivante.<br /></p>
<p>Une fois la source de diffusion choisie, reste la question des moyens de diffuser la musique.<br /></p>
<h4>Moyens de diffusion</h4>
<p>La qualité de diffusion d'une musique a un impact direct sur ses valences et excitation. Mis à part dans rares cas particuliers où par exemple le souffle crachotant d'un 78 tours peut avoir un véritable impact sur l'ambiance d'une scène située dans un passé proche, une bonne qualité d'écoute est nécessaire pour véhiculer et/ou susciter les effets psychophysiologiques voulus par le meneur de jeu.<br /></p>
<p>Les enceintes et hauts-parleurs internes de téléphones et d'ordinateurs portables sont à proscrire : elles émettent une bouillie sans ampleur qui est de plus couverte par les voix des joueurs.<br /></p>
<p>Beaucoup de meneurs favorisent de petites enceintes stéréo. Cependant celles-ci ont un inconvénient majeur : tous les joueurs ne vont pas percevoir également la musique diffusée. Le joueur plus près d'un baffle jouira du (ou sera gêné par le) volume plus important que celui qui en est éloigné.<br />
En outre, la stéréophonie implique que seul le joueur à équidistance des deux enceintes dispose d'une "balance" correcte. L'un bénéficiera du canal de droite, l'autre du canal de gauche, or les joueurs sont toujours répartis autour de la table.<br /></p>
<p>Une solution consisterait à éloigner les enceintes le plus possible de la table et l'une de l'autre, afin de couvrir une large zone, mais encore faut-il que ces enceintes soient suffisamment puissantes, et le son suffisamment clair pour que tout le monde puisse profiter de l'illustration sonore sans être gêné.<br /></p>
<p>Le son spatial d'une chaîne de qualité est nettement préférable, mais hors le coût de ce moyen de diffusion, les problèmes liés à la stéréophonie peuvent encore survenir selon la configuration de la table de jeu / de la pièce. Si les enceintes sont trop proches, l'un entendra surtout le canal des satellites surround, l'autre aura l'oreille collée au haut-parleur gérant le canal gauche.<br /></p>
<p>En fait, à part dans le cas où le meneur de jeu dispose d'une installation de très bonne qualité (et de très grand coût), la stéréophonie & le son spatial empêchent chaque joueur de percevoir également les canaux musicaux, ce qui trouble les effets psychophysiologiques que le meneur de jeu voudra susciter.<br />
De surcroît, une telle installation empêche toute mobilité : le meneur de jeu qui voudra illustrer musicalement devra illustrer musicalement chez lui et nulle part ailleurs.</p>
<p><strong>L'idéal serait de pouvoir distribuer à chaque joueur un son monophonique, rassemblant les canaux de son sans trop de distorsion, et de manière à ce que chacun soit en mesure de percevoir le son à peu près à la même distance.</strong><br /></p>
<p>Les enceintes monophoniques à haut parleur sont revenues à la mode, mais leur qualité est en général insuffisante. La plupart manquent de l'amplitude nécessaire pour susciter les effet psychophysiologiques voulus, sans parler de l'écrêtage, et toutes ont encore une fois le même défaut : selon sa place à la table, plus ou moins éloigné de l'enceinte, chaque joueur ressentira un volume sonore supérieur ou moindre.<br /></p>
<p>Or, des enceintes permettent actuellement de pallier ces insuffisances. Ce sont les enceintes vibrantes, qui transforment la table de jeu elle-même en moyen de diffusion sonore monophonique. Ainsi, chaque joueur jouit d'un son monophonique correct, et tous les joueurs se trouvent équidistants de l'appareil l'émetteur du signal sonore, puisqu'il s'agit de la table de jeu elle-même.<br /></p>
<p>Pour une cinquantaine d'euros environ, soit le prix d'un gros livre de base, l'enceinte vibrante est donc un investissement avisé pour un meneur souhaitant pratiquer l'illustration musicale de ses parties de jeu de rôle.<br /></p>
<h2>Pour aller plus loin :</h2>
<p><a href="http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3259101/" hreflang="en">Cognitive and affective judgements of syncopated musical themes (Keller, Schubert)</a></p>
<p><a href="http://www.utm.utoronto.ca/~w3psygs/SwaminathanSchellenberg2015.pdf" hreflang="en">Current emotion research in music psychology (Swaminathan, Schellenberg)</a></p>
<p><a href="http://www.egermann.net/wp-content/uploads/2013/12/Egermann_2013_MP.pdf" hreflang="en">Empathy and emotional contagion as a link between recognized and felt emotions in music listening (Egermann, McAdams)</a></p>
<p><a href="http://icmpc-escom2012.web.auth.gr/sites/default/files/papers/520_Proc.pdf" hreflang="en">Musical emotions: perceived emotion and felt emotion in relation to musical structures (Kawakami, Furukawa, Okanoy)</a></p>
<p><a href="http://www.cs.tufts.edu/~jacob/250hcm/gomez.pdf" hreflang="en">Relationships between musical structure and psychophysiological measures of emotion (Gomez, Danuser)</a></p>
<p><a href="http://www.claudegabriel.be/Acoustique%20chapitre%2011.pdf" hreflang="fr">Support pédagogique "Chapitre 11 : acoustique musicale et gamme(s)" (Claude Gabriel)</a></p>https://blog.xyrop.com/post/Illustration-musicale-en-JdR#comment-formhttps://blog.xyrop.com/feed/atom/comments/66[Octogones 2016] Conférence "Tactiques d'optimisation des parties de jeu de rôle"urn:md5:bac4578faa0927da7bbab7691692b83e2016-10-02T12:00:00+02:002016-12-29T18:37:15+01:00LudoxconseilsCreative agendaGamemasteringJdRJeu de rôlemener une partieMJOctogonesOptimizationSalontactique de maîtrise <p>En annexe de ce billet se trouve le support de présentation de la conférence
"Tactiques d'optimisation des parties de jeu de rôle", présentée à la
convention Octogones le 2 octobre 2016 au Double Mixte, à Lyon, sous le double
parrainage des associations <a href="http://www.legrog.org" hreflang="fr">GROG</a> et <a href="https://forum.opale-roliste.com/" hreflang="fr">Opale</a>.</p>
<p>Bonne lecture, et n'hésitez pas à poser des questions (ou faire toutes
remarques) en commentaires !</p>https://blog.xyrop.com/post/Octogones2016-Optimisation#comment-formhttps://blog.xyrop.com/feed/atom/comments/51[Octogones 2016] Conférence / Atelier "Courses-poursuites post apocalyptiques"urn:md5:10a5e2d4ccb14a19f6b011cc852178812016-10-01T08:58:00+02:002016-12-29T18:37:34+01:00LudoxconseilsConventionmener une partieOctogonespoursuitesSalontactique de maîtrise <p>En annexe de ce billet se trouve le support de présentation de la conférence
/ atelier "Courses-poursuites post-apocalyptiques", présentée à la convention
Octogones le 1er octobre 2016 au Double Mixte, à Lyon, sous le double
parrainage des associations <a href="http://www.legrog.org" hreflang="fr">GROG</a> et <a href="https://forum.opale-roliste.com/" hreflang="fr">Opale</a>.</p>
<p>Bonne lecture, et n'hésitez pas à poser des questions en
commentaires !</p>https://blog.xyrop.com/post/Octogones2016-Courses-poursuites-post-apo#comment-formhttps://blog.xyrop.com/feed/atom/comments/26[Tactique de maîtrise] Maîtriser des scènes oniriquesurn:md5:86f0e8717df04402a2990ee40735df4d2016-08-05T10:05:00+02:002016-08-05T10:05:00+02:00LudoxAdviceconseilsgamemasteringGamemasteringGMmener une partieMJrêvesTactical gamemasteringtactique de maîtrise<p>Il peut arriver que des meneurs de jeu souhaitent faire interpréter aux
joueurs les rêves de leurs personnages afin de favoriser leur immersion dans
l'univers de jeu ou distiller des indices relatifs à l'intrigue. Introduire une
telle scène onirique dans la narration a aussi un grand intérêt, en ce qu'elle
donne une ambiance surnaturelle sans aucunement violer les lois de la réalité,
puisque ce que semble vivre le personnage n'est qu'un rêve où tout est
possible.</p>
<p>Le présent billet donne une série de conseils et principes directeurs
destinés à optimiser l'impact des scènes oniriques sur les personnages et les
joueurs.</p> <h3>Personnages concernés par la scène</h3>
<p>Une scène onirique ne devrait, en théorie, jamais concerner directement
qu'un seul et unique personnage-joueur à la fois. Ses rêves lui sont
personnels, ce qui exclut normalement toute interaction avec les autres
personnages-joueurs. Une telle interaction peut cependant avoir lieu dans deux
cas :</p>
<ul>
<li>le personnage-joueur n'est pas conscient de rêver, et croit interagir
réellement avec un autre personnage-joueur. Il est dans ce cas possible voire
souhaitable que le joueur incarnant l'autre personnage "joue le jeu" et
interagisse dans le rêve. Si plus tard, à l'état de veille, le rêveur mentionne
à l'autre personnage-joueur leur interaction lors de la séquence onirique, il
faudra préciser à cet autre personnage-joueur qu'il n'a aucun souvenir de cette
prétendue interaction. C'est normal : il n'était tout simplement pas dans
le rêve du personnage-joueur endormi ;</li>
<li>des personnages-joueurs partagent leurs rêves ou leurs visions d'une
manière ou d'une autre, par exemple par magie ou pouvoirs psychiques.</li>
</ul>
<h3>Durée de la scène</h3>
<p>Comme le point focal d'une scène onirique est presque toujours un seul
personnage-joueur, une telle scène ne devrait pas dépasser quelques minutes
tout au plus, afin d'éviter que les autres personnages-joueurs ne décrochent de
l'ambiance ou ne s'ennuient. Au pire, si la séquence devait s'avérer plus
longue pour les versions de la narration, il faudrait trouver un moyen pour que
les autres joueurs puissent jouer dans celle-ci (leur donner à jouer des PNJ
n'appartenant qu'à l'univers onirique par exemple), ou leur permettre
d'intervenir dans les conditions rappelées ci-avant. Une séquence très courte
peut être extrêmement marquante en raison de son dynamisme, et de l'éventuel
sentiment d'impuissance qu'elle peut provoquer chez le joueur.</p>
<h3>Déclenchement de la scène</h3>
<p>Dès que les personnages s'endorment, ils sont susceptibles de rêver. Il
serait cependant pour le moins suspect de demander à un joueur si son
personnage s'endort : Sa méfiance éveillée, le joueur serait capable de
faire veiller son personnage toute la nuit. Quand les personnages-joueurs
indiquent ne rien faire avant le lendemain, il est possible de déduire qu'à un
moment ou à un autre, ils vont s'endormir et être susceptibles de vivre une
situation onirique. De manière générale, il est préférable de ne déclencher une
séquence onirique que quand tous les personnages-joueurs ont laissé entendre,
implicitement ou explicitement, qu'ils s'endormaient. Si les joueurs ont
organisé des tours de garde, c'est normalement l'un des joueurs endormis qui
expérimentera les rêves de son personnage. Cependant, afin d'éviter d'amener la
séquence de manière trop artificielle, ce qui en atténuerait l'impact, rien
n'empêche le meneur de commencer la séquence onirique en "trichant" de la
manière suivante : "<em>Alors que tu fais ton tour de garde et que le feu
de camp dans ton dos projette des ombres vacillantes sur les troncs d'arbres de
la forêt, tu contemples avec étonnement une clairière baignée par le soleil,
rafraîchie par un petit lac dans lequel de jeunes éphèbes nagent et
s'ébattent.</em>"</p>
<h3>Fréquence des scènes oniriques</h3>
<p>Afin de rendre les séquences oniriques intéressantes sur la durée, il est
préférable de ne pas les faire intervenir trop fréquemment, afin que les
personnages-joueurs ne soient pas blasés par ces situations inhabituelles. De
même, il est préférable qu'un seul personnage-joueur expérimente une séquence
onirique par période de sommeil. Aussi, des séquences oniriques occasionnelles
mais sans signification particulière évitent qu'un personnages-joueurs ne se
focalise sur séquence onirique particulière parce qu'il s'agit de la seule
séquence qui ait été jouée depuis un certain temps.</p>
<h3>Abolition des règles</h3>
<p>Les scènes oniriques, en ce qu'elles sont des manifestations des
inconscients respectifs des personnages-joueurs ou de l'influence de pouvoirs
magiques ou psychiques tiers sur ceux-ci, ne nécessitent pas que les règles de
base du jeu soient respectées : tout est possible dans une séquence
onirique, même l'impossible. Le respect apparent des règles du jeu apparaît
alors, dans ce cadre, comme un outil destiné à donner au personnage-joueur
l'impression qu'il est réveillé, ou qu'il dispose d'une marge de manœuvre
réelle, comparable à celle dont il dispose quand il est éveillé.</p>
<h3>Lignes directrices</h3>
<p>Les séquences oniriques peuvent être courtes ou longues, anodines ou
intenses, réalistes ou au contraire fantasmagoriques. Néanmoins, les rêves se
caractérisent la plupart du temps par une ou plusieurs lignes directrices qui
motivent l'action et l'implication du rêveur dans son propre rêve, et en
assurent la cohérence. Par exemple, une personne préoccupée par le fait de
retrouver un objet perdu pourrait faire un rêve dans lequel elle recherche cet
objet à des endroits très improbables à travers le monde, rencontrant des amis
dans des lieux inconnus, observant des créatures imaginaires, mais avec
toujours pour thématique motrice le fait de retrouver l'objet perdu.</p>
<p>Utiliser une telle ligne directrice permet d'assurer une cohérence interne
au rêve, tout en permettant aux événements de la scène onirique de prendre un
tour complètement délirant par ailleurs. Pour plus d'intensité de la séquence
onirique, la ligne directrice devrait porter sur un thème qui tient à cœur au
personnage-joueur rêvant. Ceci permet également de placer une influence ou un
indice éventuel de la partie comme élément de décor du rêve, et de ne pas
attirer artificiellement l'attention du personnage-joueur sur cette influence
ou ce message.</p>
<h3>Ambiance et marge de manœuvre du personnage-joueur</h3>
<p>La marge de manœuvre dont dispose un personnage rêvant est très variable. Il
existe en effet des rêves sur lesquels le rêveur n'exerce pas de contrôle
conscient, et dont il se limite à subir les événements. A l'inverse, certains
rêveurs ont la capacité de prendre des initiatives voire de modifier
consciemment certains détails de leurs rêves.</p>
<p>De la même manière, la marge de manœuvre d'un personnage-joueur rêvant
devrait être variable, plus ou moins importante selon l'ambiance de la séquence
onirique voulue par le meneur de jeu.</p>
<p>Dans le cas où la séquence onirique serait entièrement narrée par le meneur
de jeu, sans interactivité, des joueurs pourraient se sentir frustrés de ne
pouvoir que subir la séquence de manière comparable aux cinématiques des jeux
vidéo. Cette manière de narrer une séquence onirique présente donc le risque de
limiter le ressenti du joueur ou son investissement dans la séquence onirique.
Ce mode de narration de la séquence permet toutefois au meneur de jeu de garder
un contrôle total sur celle-ci et d'en limiter la durée si nécessaire.</p>
<p>Dans le cas d'une séquence où le personnage-joueur dispose d'une large marge
d'action, l'investissement et le ressenti du joueur seront certainement plus
intenses, mais ce mode de narration ralentit la narration, allongeant le temps
d'inactivité des autres joueurs, et peut aboutir à une impasse narrative si le
joueur se comporte de manière à « sortir » du rêve.</p>
<p>Le mélange de ces deux approches permet de faire varier l'ambiance de la
séquence onirique.</p>
<p>Afin d'obtenir un rêve oppressant et intense, il est possible de laisser
d'abord une certaine latitude au personnage-joueur dans la séquence, puis de
resserrer sa marge de manœuvre au fur et à mesure de ses actions dans le rêve,
afin de lui donner l'impression qu'il s'enferre dans une situation dont il ne
peut plus sortir, et/ou qu'il perd le contrôle alors que les scènes
désagréables s'enchaînent à un rythme qui va s'accélérant.</p>
<p>Afin de susciter au contraire un rêve positif, il est souhaitable de
commencer par une narration peu interactive, puis d'augmenter progressivement
le niveau de contrôle du personnage-joueur sur son rêve, améliorant sa marge de
manœuvre et ainsi la gratification qu'il peut tirer du rêve.</p>
<h3>Le basculement dans et hors d'un rêve</h3>
<p>Idéalement, le basculement entre les séquences oniriques et les scènes
réellement vécues par le personnage-joueur ne devrait pas être explicitement
signalé par le meneur de jeu, mais venir de manière naturelle dans la
narration.</p>
<p>En effet, les gens n'ont que rarement conscience de basculer de l'état de
veille à l'état de sommeil. Par suite, il n'est pas nécessaire d'indiquer au
personnage-joueur qu'il rêve, même si le joueur lui-même peut en prendre
conscience, par exemple à cause d'un changement brutal et inexplicable du
décor : Les rêveurs se comportent, dans leurs rêves, d'une manière qui
leur semble naturelle.</p>
<p>Dans cette situation, le rêve pourrait naturellement commencer à l'endroit
où le personnage-joueur s'est endormi, et croit être demeuré éveillé, ou encore
à un endroit où il est normal que le personnage-joueur se trouve peu après son
réveil.</p>
<p>Alternativement, tous les rêves ne brillent pas pas leur cohérence, et il
est également loisible au meneur de jeu de plonger le personnage-joueur dans un
univers onirique particulièrement différent de son quotidien.</p>
<p>Le meneur de jeu peut jouer sur le basculement de l'état de sommeil à l'état
de veille en prétendant que le personnage-joueur « se réveille »,
alors que ce faux réveil est uniquement un élément de son rêve. Le
personnage-joueur qui se croit réveillé alors qu'il ne l'est pas est dans un
état de réceptivité particulière, propice à des descriptions marquantes ou des
effets destinés à provoquer la fascination, la peur ou la surprise.</p>
<p>Ainsi, le "double réveil" : un personnage-joueur a fui, dans son rêve,
un monstre affreux qui le poursuivait. Il se réveille en sursaut, va jusqu'à sa
salle de bains, s'asperge le visage d'eau, prend une serviette pour s'essuyer.
Quand il regarde dans le miroir ou ouvre le placard : "<em>LA CRÉATURE EST
LA !</em>" Le meneur de jeu élève brusquement la voix dans le cadre de sa
description pour surprendre et provoquer le retour brutal d'une tension extrême
chez le personnage-joueur, qui, tout de suite après, se réveille
<ins>vraiment</ins> en sursaut.</p>https://blog.xyrop.com/post/2016/08/05/%5BTactique-de-ma%C3%AEtrise%5D-Scenes-oniriques#comment-formhttps://blog.xyrop.com/feed/atom/comments/45[Tactique de maîtrise] Les descriptions instables (et trop stables)urn:md5:0821fdc9ec2e42cafde95bc4afa1a9b92016-08-02T19:19:00+02:002016-08-02T19:19:00+02:00LudoxAdviceconseilsgamemasteringGamemasteringGMmener une partieMJTactical gamemasteringtactique de maîtrise<p>Les conseils aux meneurs de jeu qu'on peut lire dans des ouvrages récents
tels que Monsterhearts pour ne citer que celui-ci mettent fréquemment l'accent
sur le fait que je meneur de jeu devrait décrire fidèlement l'univers de jeu et
être "honnête". Si ce principe relève d'une saine gestion des capacités
d'action des joueurs, celui-ci peut être remis en cause dans une certaine
mesure par le biais de descriptions instables, trompeuses, aux fins de générer
une sensation d'étrangeté ou de malaise.</p>
<p>Une autre sensation d'étrangeté peut également être suscitée par des
descriptions artificielles et répétitives, qui n'ont pas tout à fait le même
effet.</p> <p>Les descriptions réalisées par le meneur sont le mécanisme principal par
lesquels les personnages-joueurs, et donc par extension les joueurs, vont
percevoir et appréhender l'espace imaginaire partagé, socle de la
narration.</p>
<p>C'est la raison pour laquelle les descriptions réalisées par le meneur de
jeu se doivent en théorie d'être les plus fidèles à la réalité perçue par les
personnages afin que les joueurs disposent de toute latitude pour effectuer des
actions qui s'inscrivent dans la logique de la situation.</p>
<p>Il est cependant possible de remettre en cause ce principe de fidélité des
descriptions afin de faire passer directement aux joueurs une sensation
d'étrangeté ou de malaise de manière implicite, en évitant l'écueil de
l'affirmation explicite et maladroite : "<em>vous ressentez une impression
d'étrangeté</em>".</p>
<p>Les deux techniques visent à susciter une angoisse liée à l'incertitude de
la réalité dans laquelle évoluent les personnages - l'une remettant en cause
les fondements du décor, l'autre faisant paraître ce décor totalement
artificiel.</p>
<h3>Descriptions instables</h3>
<p>L'exemple cinématographique le plus évident de cette technique se trouve
dans <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/%C2%AB_Il_%C2%BB_est_revenu" hreflang="fr">l'adaptation télévisuelle de l’œuvre "Ça", de Stephen King</a>,
où les successions de champs/contre-champs sont l'occasion pour le réalisateur
d'altérer des détails des illusions générées par la créature du film, révélant
ainsi précisément leur nature illusoire.</p>
<p>La tactique de maîtrise des descriptions instables consiste, de manière
incidente à l'action, à modifier les détails de descriptions successives d'un
même élément de décor. Cette technique a un intérêt pour susciter une sensation
d'étrangeté et donner un indice sur le caractère chimérique ou fantasmagorique
de leurs perceptions - ou bien que la réalité de leur univers s'effondre
progressivement. Par exemple, si la description introductive de la scène
mentionne un <em>pont de bois apparemment solide, verni et neuf</em>, et que
les personnages-joueurs s'engagent sur ce pont, la description suivante de
cette action précisera que <em>les vieilles planches vermoulues et usées du
pont grincent et se fendillent sous leurs pas</em>.</p>
<p>Plusieurs cas de figure sont alors possibles :</p>
<ol>
<li>Aucun joueur ne réagit par rapport à cette curieuse évolution du décor, qui
n'a au final aucun impact narratif (le fait que les planches du pont soient
neuves ou vermoulues est sans importance pour la suite de l'action). Cela ne
veut pas obligatoirement dire que l'effet est raté : il n'est pas possible
de savoir ce que les différents joueurs ont perçu. Peut-être que l'écart des
perceptions des personnages-joueurs aura un impact plus tard (ce qui
démultipliera la sensation d'étrangeté) ou peut-être que ceux-ci n'ont pas
voulu réagir à ce qui semble une erreur du meneur de jeu, ou encore peut-être
que le joueur a cru mal comprendre. Cela ne fera que renforcer l'impact de ces
descriptions instables lorsque les joueurs s'apercevront qu'elles ne sont pas
erronées mais correspondent à la réalité des perceptions de leurs personnages.
Si l'évolution n'est vraiment pas détectée, il sera toujours temps de réitérer
la technique au détour d'une autre description ;</li>
</ol>
<ol>
<li>Aucun joueur ne réagit, mais au détour d'une action, l'écart est
détecté : "PJ1 : - <em>J'arrache une des planches vermoulues du pont.
PJ2 : - Hein ? Mais le MJ a dit que le pont était neuf, comment
veux-tu faire cela ?</em> MJ : - <em>Tu parviens à glisser tes mains sous
une planche disjointe et à l'arracher de la structure du pont, le bois usé et
poreux cédant facilement sous tes efforts.</em> PJ2 : - <em>Qu...
Quoi ? M... Mais ?!</em>". Cette situation est peut-être la plus riche car
l'étrangeté de la description aura un impact supérieur sur les joueurs en
raison des enjeux liés à leurs actions.</li>
</ol>
<ol>
<li>Au moins un joueur s'aperçoit de l'évolution de la description, et le
manifeste. L'absence d'enjeu lié à une action particulière diminue l'impact de
cette découverte, mais la découverte spontanée de l'instabilité de leurs
perceptions devrait tout de même les inquiéter.</li>
</ol>
<p>Dans tous les cas demeure la question de la gestion par le meneur de la
situation d'instabilité une fois qu'elle est découverte par les joueurs. Il est
inutile de rester vague, puisque l'instabilité des descriptions est découverte.
Des joueurs pourraient aussi vouloir tirer avantage de l'instabilité pour
augmenter leur pouvoir narratif. Par expérience, l'attitude la plus efficace
pour maintenir la sensation d'étrangeté consiste pour le meneur de jeu à
respecter les deux principes suivants :</p>
<ul>
<li>tout ce qui a été dit a bien été dit par le conteur, y compris en cas de
contradictions successives (sur lesquelles le meneur de jeu se refusera à tout
commentaire) ;</li>
<li>seule la description la plus récente est valable en termes de jeu :
les anciennes descriptions n'ont a priori jamais existé.</li>
</ul>
<p>Un point est à garder à l'esprit : si plusieurs de ces instabilités
descriptives sont réitérées à brève échéance, les joueurs s'en apercevront
nécessairement, car aussi flexible que puisse être l'univers mental qu'ils
construisent par l'intermédiaire des descriptions réalisées par le conteur,
l'accumulation d'incohérences apparentes ne pourra qu'être détecté consciemment
par les joueurs, soulignant trop "l'effet de maîtrise" - ce qui fait sombrer à
nouveau dans l'écueil "démonstratif".</p>
<h3>Descriptions répétitives</h3>
<p>Rappelons-nous un instant le premier film de la trilogie Matrix, et le
déjà-vu du chat. Si cet effet fonctionne dans le film, il n'est pas possible
pour un conteur de mettre directement en œuvre le même effet sans l'amener
artificiellement - et donc attirer spécifiquement l'attention sur la
description de ce phénomène ce qui en atténuerait l'impact par rapport à une
détection "spontanée".</p>
<p>Afin de recréer cet effet dans le cadre d'une narration contée, la tactique
de maîtrise est exactement inverse de celle des descriptions instables. Au lieu
de modifier des détails, le conteur va répéter mot pour mot, intonation pour
intonation, et idéalement geste par geste les détails dont il veut souligner
l'artificialité.</p>
<p>Cela peut aussi passer à travers des dialogues de personnages non-joueurs,
qui vont se comporter de manière si parfaitement prévisible que les joueurs
auront l'impression - exacte ou au contraire erronée - que ceux-ci ne sont pas
"de vrais gens". <a href="http://www.legrog.org/jeux/exquisite-replicas" hreflang="fr">Que ce décor soit véritablement un mensonge ou que cette
impression vienne uniquement des personnages-joueurs</a>, cette tactique de
maîtrise est un outil à ne pas négliger.</p>https://blog.xyrop.com/post/2016/08/02/%5BTactique-de-ma%C3%AEtrise%5D-Descriptions-Instables-Repetitives#comment-formhttps://blog.xyrop.com/feed/atom/comments/21[Tactique de maîtrise] Les descriptions synesthétiquesurn:md5:5af3307903f1b4100c48c0ab229d1a702016-07-25T15:00:00+02:002016-07-25T14:02:58+02:00LudoxAdviceAide de jeuconseilsGamemasteringgamemasteringGMGM ToolsJdRJeu de rôlemener une partieMJOptimizationRPGRPG theoryTactical gamemasteringtactique de maîtrise<p>La mise en œuvre de descriptions captivantes est l'un des piliers d'une
narration réussie. Ce billet explore la manière dont le recours à la
synesthésie peut constituer un outil utile pour raccourcir les descriptions
tout en les faisant s'adresser aux émotions et au ressenti plus qu'à la seule
raison.</p> <p>La plupart des conseils aux conteurs, écrivains ou meneurs de jeu, mettent
l'accent sur l'implication des cinq sens au lieu des deux seuls sens de vue et
de l'ouïe afin d'obtenir des descriptions immersives et captivantes.</p>
<p>Or, certains sens évoquent plus facilement des émotions que d'autres. La vue
et de l'ouïe permettent de percevoir de loin, tandis que les odeurs, le
toucher, le goût, ont tendance à affecter plus directement l'intimité du sujet
de perception.</p>
<p>Ainsi, les parties visuelles et auditives d'une description susciteront
difficilement des réactions émotionnelles, tandis que les parties olfactives,
tactiles et gustatives de cette même description y parviendront plus
facilement.</p>
<p>Le remède habituel à cette difficulté consiste pour le conteur à décrire
également les effets émotionnels des perceptions visuelles et auditives.
Cependant, sauf bien entendu pour les gens de grand talent, capables à la fois
de décrire et de faire avancer l'action, rallonger la description implique de
ralentir l'action.</p>
<p>Le conteur moyen devra nécessairement se contenter, quant à lui, de
pratiquer un arbitrage entre le temps qu'il consacrera à décrire les
perceptions des personnages et le temps qu'il consacrera à narrer l'action,
afin que l'intrigue se poursuive à un rythme acceptable.</p>
<p>C'est là qu'intervient une technique bien utile basée sur la
synesthésie.</p>
<p>D'après <a href="https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Synesth%C3%A9sie" hreflang="fr">Wikipedia, la synesthésie</a> (du grec syn, avec, union), et aesthesis,
sensation) est un phénomène neurologique par lequel deux ou plusieurs sens sont
associés.</p>
<p>Utiliser la synesthésie dans une description consiste à affecter à une
description visuelle ou auditive des caractéristiques, adjectifs, aspects,
connotations, dénotations, associés normalement à d'autres sens.</p>
<p>Par exemple, une odeur bleue, une couleur nauséabonde, une voix glissante,
un goût strident. Howard Philips Lovecraft ne fait pas autre chose en décrivant
la voix profonde, vide et gélatineuse de la créature dans sa nouvelle "La
déclaration de Randolph Carter".</p>
<p>Ces juxtapositions synesthétiques, apparemment absurdes, ne peuvent être
interprétées directement par la raison. Elles suscitent directement un ressenti
basé sur la combinaison des connotations associées aux mots employés.</p>
<p>Lorsque la juxtaposition directe n'est pas possible, ou que le temps manque
au conteur pour créer un effet (par exemple s'il souhaite improviser), il
demeure possible de décrire de manière synesthétique en procédant à des
comparaisons.</p>
<p>À titre d'exemple, "les remparts de la cité se dressent dans un désordre
harmonieux comme le chant cristallin d'une myriade d'oiseaux à l'aube".</p>
<p>L'emploi de la synesthésie permet donc au conteur de faire des descriptions
plus synthétiques, plus courtes, et néanmoins de conserver un certain impact en
termes de ressenti émotionnel.</p>
<p>Il n'est pas matériellement possible de présenter les infinies possibilités
du langage et de ces juxtapositions synesthétiques.</p>
<p>Cependant, le meilleur outil pour s'aider à réaliser de telles descriptions
sera probablement le recours à un simple dictionnaire des synonymes.</p>https://blog.xyrop.com/post/2016/03/11/Descriptions-synesthetiques#comment-formhttps://blog.xyrop.com/feed/atom/comments/17[Salon Fantastique 2016] Atelier : Devenir MJurn:md5:339858866a7b4297b8e37ee618ddc0c22016-02-27T17:30:00+01:002016-12-29T18:37:48+01:00LudoxAide de jeuconseilsJdRJeu de rôlemener une partieMJSalontactique de maîtriseÉvénement <p>Bonjour !</p>
<p>Vous trouverez, en annexe du présent billet, les slides pour
l'Atelier : "Devenir MJ", présenté le 27 février 2016 de 17h30 à 19h00 et
le 28 février 2016 de 14h30 à 16h00 sur la Petite Scène du Salon
Fantastique.</p>
<p>Bonne lecture, et si vous en prenez connaissance en même temps : bonne
conférence et bon salon !</p>https://blog.xyrop.com/post/2016/02/27/%5BSalon-Fantastique%5D-Devenir-MJ#comment-formhttps://blog.xyrop.com/feed/atom/comments/27[Salon Fantastique 2016] Conférence : Illustration musicale d'une narrationurn:md5:17c0add430af4425d765a7d2c5cbeaf22016-02-27T13:00:00+01:002016-12-29T18:38:24+01:00LudoxAide de jeuconseilsJdRJeu de rôleMJSalon <p>Bonjour !</p>
<p>Vous trouverez, en annexe du présent billet, les slides de la conférence
"Illustration musicale d'une narration", présentée le 27 février 2016 de 13h à
14h30 sur la Petite Scène du Salon Fantastique.</p>
<p>Bonne lecture, et si vous en prenez connaissance en même temps : bonne
conférence et bon salon !</p>https://blog.xyrop.com/post/2016/02/27/%5BSalon-Fantastique%5D-Illustration-musicale#comment-formhttps://blog.xyrop.com/feed/atom/comments/31[Aide de jeu] Mener une scène de poursuiteurn:md5:1177ed92971acecaadd2258dbde9ed2b2016-01-03T20:38:00+01:002020-05-10T17:25:32+02:00LudoxAide de jeuconseilsGamemasteringgamemasteringmener une partiepoursuitesTactical gamemasteringtactique de maîtrise<p>De nombreux jeux de rôles tentent d'émuler des scènes tirées d'autres média narratifs comme par exemple les films de cinéma et surtout les films d'action. Passage quasiment obligé de ce type d'histoire, la scène de poursuite, où les protagonistes prennent en chasse un antagoniste, ou au contraire sont eux-mêmes pourchassés.
Or, très souvent, les meneurs de jeu (et les réalisateurs de films !) échouent à créer une scène de poursuite palpitante. Le présent billet a donc pour objet de donner les clés de compréhension des caractéristiques ce qui, dans une narration, rend palpitante une scène de poursuite.</p> <h2>Exemples tirés du cinéma</h2>
<p>Étudions en détail deux scènes de poursuite (attention, cela risque de vous gâcher la surprise si vous n'avez pas vu les films) :<br /></p>
<h3>Dans "<em>l'Arme Fatale 3</em>" :</h3>
<ul>
<li>Les malfaiteurs utilisent un pick-up adapté aux rails du métro pour s'enfuir ;</li>
<li>Martin Riggs les poursuit à travers la foule du métro ;</li>
<li>Il se jette devant la cabine d'une rame de métro et s'y accroche, tapant sur la vitre pour inciter le conducteur à accélérer et rattraper les malfaiteurs ;</li>
<li>Le métro ralentit tandis que les malfaiteurs quittent les rails pour rejoindre la route ;</li>
<li>Riggs court après, et réquisitionne une moto de police pour poursuivre les criminels ;</li>
<li>Les malfaiteurs, face à un blocage sur la route, prennent l'autoroute à contresens, poursuivis par Riggs en moto ;</li>
<li>Les malfaiteurs provoquent le dérapage d'un semi-remorque, obligeant Riggs à passer sous la remorque, ce qui casse le pare-brise de la moto ;</li>
<li>La poursuite continue sur une bretelle d'autoroute inachevée. Après avoir envoyé valdinguer barrières, matériaux et équipements de construction, les malfaiteurs font demi-tour et tirent sur Riggs qui est contraint de sauter dans le vide avec sa moto (il s'accroche à un câble pour se sauver - la moto tombe dans le vide et explose).</li>
</ul>
<h3>Dans "<em>Les Aventuriers de l'Arche Perdue</em>" :</h3>
<ul>
<li>Indy poursuit le convoi des soldats nazis (et l'arche) à cheval et emprunte un raccourci ;</li>
<li>Indy, sous les tirs de mitrailleuse, s'accroche au côté du camion ;</li>
<li>Il entre dans la cabine, éjecte le passager, et son combat fait varier la vitesse et la trajectoire du camion, entraînant une collision avec la voiture à l'arrière du convoi, la chute d'un soldat et une autre collision avec des échafaudages - un ouvrier projeté contre le pare-brise faisant rire le conducteur, Indy éjecte ce dernier du camion ;</li>
<li>Indy accélère pour percuter la voiture de tête et lui faire quitter la route, détruit un aqueduc, puis se débarrasse de soldats qui tentent de le rejoindre dans la cabine ;</li>
<li>Le capitaine des soldats parvient à rejoindre Indy dans la cabine, le blesse et l'éjecte à travers le pare-brise, sur le capot ;</li>
<li>Indy glisse, se retient à la grille du radiateur, manque de se faire écraser contre la voiture en tête de convoi, puis passe sous le camion et utilise son fouet pour remonter à bord ;</li>
<li>Indy escalade le côté du camion, avant d'éjecter à son tour le conducteur sur le capot ;</li>
<li>Indy utilise le camion pour percuter à nouveau la voiture de tête du convoi et la faire sortir - cette fois-ci définitivement - de la route.</li>
</ul>
<p>La grande question demeure : Qu'est-ce qui fait que ces scènes sont plus palpitantes, plus mémorables que d'autres ?<br />
Ces scènes fonctionnent parce qu'elles se basent sur les deux principes d'<strong>ASYMÉTRIE</strong> et de <strong>PÉRIPÉTIE</strong>, qui s'alimentent l'un l'autre en un cercle vertueux.<br /></p>
<h2>L'asymétrie dans la narration d'une scène de poursuite</h2>
<p>L'intensité d'une scène de poursuite, contrairement à ce que l'on pourrait penser, n'est pas liée à la question en suspens : le poursuivant arrivera-t-il ou non à rattraper le poursuivi ? La réponse à cette question n'a en effet pas d'importance, puisque l'objectif poursuivi (hem) est de créer une tension dans le cadre de la poursuite, indépendamment de l'issue de la scène. Ainsi, pour reprendre l'exemple de l'Arme Fatale 3, la scène aurait été tout aussi bien troussée si Riggs avait fini par rattraper les malfaiteurs. La seule contrainte réside dans la nécessité de conserver la possibilité que le poursuivant puisse rattraper le poursuivi.<br /></p>
<p>Essayer d'augmenter l'intensité d'une scène de poursuite avec du "<em>rattrapera, rattrapera pas ?</em>" est donc inutile, voire contraire à l'effet recherché lorsque les poursuivis et les poursuivants ont des véhicules strictement identiques en tous points, qui ne peut aboutir qu'à une longue situation où les choses évoluent peu - et où selon toute vraisemblance le poursuivant restera toujours à la même distance du poursuivi.<br /></p>
<p>Par exemple, dans le film "<em>Volte-Face</em>" de John Woo, les protagonistes se poursuivent l'un l'autre en utilisant chacun un hors-bord aux capacités équivalentes. Tant que chaque protagoniste reste dans son hors-bord, il ne se passe pas grand chose mis à part des mouvements de caméras, ce qui, dans le cadre d'un jeu de rôle, est assez inutile. Ce n'est que lorsque le poursuivant décide de sauter sur le bateau du poursuivi, qu'il se bat et qu'il finit accroché au côté du hors-bord - en train de faire du ski nautique en chaussures de ville - que la scène devient spectaculaire. En effet, à partir de ce moment, la scène introduit une asymétrie entre les protagonistes de la poursuite : le poursuivant est devenu ici plus lent, plus fragile et n'a pas le contrôle de sa trajectoire.<br /></p>
<p>Pour narrer une poursuite palpitante, il faut donc <strong>créer</strong> et <strong>entretenir</strong> des asymétries entre poursuivant et poursuivi. Les paramètres des scènes de poursuite sur lesquels il est possible d'introduire de l'asymétrie sont les suivants :<br /></p>
<ul>
<li>Vitesse et accélération</li>
<li>Résistance et endurance</li>
<li>Mode de déplacement</li>
<li>Contrôle (de la trajectoire, de la vitesse, de l'accélération)</li>
<li>Nombre de participants</li>
</ul>
<p>Tous ces paramètres peuvent être liés tant aux protagonistes eux-mêmes qu'à leurs véhicules.<br /></p>
<h4>Vitesse et accélération</h4>
<p>Ce premier type d'asymétrie est le plus évident, et devrait idéalement s'exercer dans un seul sens : il n'y a bien entendu aucun enjeu si le poursuivant n'a pas une chance de rattraper le poursuivi, sinon la poursuite ne durera pas suffisamment longtemps pour que l'intensité de la scène augmente.<br />
Le poursuivant devrait donc en général être plus rapide, en vitesse de pointe, que le poursuivi. Ceci ne va pas nécessairement de pair avec l'accélération : il est possible, si la vitesse est un avantage qui semble déterminant compte tenu des circonstances de la poursuite, de considérer que les possiblités d'accélération du poursuivi sont meilleures que celles de son poursuivant afin que le premier puisse régulièrement échapper au second, avant d'être progressivement rattrapé.<br />
Cet avantage de vitesse du poursuivant sur le poursuivi sera en général contrebalancé par une autre asymétrie, cette fois-ci en faveur du poursuivi. Très fréquemment, il s'agit d'un avantage de résistance.<br /></p>
<h4>Résistance et endurance</h4>
<p>L'asymétrie dans la résistance relative des protagonistes est le deuxième type d'asymétrie qui ajoute de la tension à la poursuite. De manière générale, les véhicules les plus fragiles devraient être affectés aux poursuivants et non aux poursuivis, ceci afin de donner une chance à la poursuite de durer suffisamment longtemps pour accumuler des péripéties et pour connaître des renversements d'asymétrie.<br />
Une asymétrie dans l'endurance des participants à la poursuite peut également être une manière d'apporter de la tension à la scène, et plus particulièrement dans le cas précis où les personnages-joueurs sont poursuivis par une force lente mais implacable : <em>serial killer</em> du 31 octobre, endosquelette de métal venu de l'avenir, démon possesseur, morts qui marchent lentement mais sûrement, etc.<br /></p>
<h4>Mode de déplacement</h4>
<p>Le troisième type d'asymétrie envisageable réside dans la différence des modes de déplacement des poursuivis et poursuivants.<br />
La tension narrative sera renforcée utilement dès lors que les protagonistes évolueront dans des milieux différents. Ainsi, dans une scène célèbre de "<em>Terminator 2</em>", les héros s'enfuient dans un fourgon, et sont poursuivis par leur ennemi à bord d'un hélicoptère. On trouve ce même type d'asymétrie dans de nombreuses autres courses-poursuites cinématographiques, avec souvent des changements de modes de déplacement au cours de la même poursuite.<br /></p>
<h4>Contrôle</h4>
<p>Le quatrième type d'asymétrie exploitable dans le cadre d'une poursuite est celle du contrôle qu'ont les participants à la poursuite sur leur véhicule, sa trajectoire, sa vitesse et/ou son accélération. Par exemple, un poursuivi peut disposer d'un véhicule lent et résistant, mais qu'il ne sait pas piloter, ou encore un poursuivant peut se retrouver sur le dos d'un coursier qui file comme le vent... sans savoir monter à cheval.<br />
Ce type d'asymétrie est fondamentalement source et souvent conséquence de péripéties. Ainsi, la péripétie consistant en la mort du pilote du char d'assaut dans "<em>Indiana Jones et la dernière croisade</em>" est précisément l'événement qui prive les protagonistes tout contrôle sur la trajectoire du véhicule blindé, ce qui est par la suite source d'autres péripéties.<br /></p>
<h4>Nombre de participants</h4>
<p>La cinquième type d'asymétrie exploitable dans le cadre d'une poursuite est le nombre total de participants, et le nombre de participants partageant le même véhicule selon qu'ils sont poursuivis ou poursuivants. Ainsi, les poursuivis seront préférablement regroupés dans un seul véhicule, les uns par véhicule. Une tension supplémentaire pourra être obtenue en multipliant le nombre de véhicules des poursuivants, tandis que les poursuivis se regrouperont dans un nombre de véhicules faible voire un seul. Ainsi, les poursuivis peuvent partager leurs efforts pour tenter d'échapper à leurs poursuivants, mais - mis à part le pilote du véhicule poursuivi - aucun n'a de contrôle sur la trajectoire, ce qui est source de péripéties.</p>
<h2>Péripéties dans la narration d'une scène de poursuite</h2>
<p>Deux grandes catégories de péripéties se distinguent dans le cadre des poursuites, qui sont liées d'une part aux dangers de l'environnement, et d'autre part aux imprévus.<br /></p>
<h3>Les dangers de l'environnement</h3>
<p>Les dangers de l'environnement sont des menaces constantes liées aux circonstances spatiales de la poursuite, normalement extrinsèques aux participants.<br />
Par exemple, pour une poursuite se déroulant sur le bord d'un cratère de volcan sur le point d'entrer en éruption, un danger de l'environnement pourrait être la retombée régulière de pyroclastes sur les véhicules, la faible adhérence au sol et le risque de glissade dans le cratère, etc.
Dans certains cas, ces menaces peuvent parfois découler tout simplement de la nature même des véhicules utilisés par les protagonistes de la poursuite - ainsi, une prise en chasse par un F16 implique nécessairement tous les dangers liés à la haute altitude, basse pression, très grande vitesse, accumulation des G, etc.<br />
Ces dangers "passifs" ne requièrent pas d'action particulière (sinon une certaine prudence) de la part des protagonistes de la poursuite, et augmentent le <a href="https://blog.xyrop.com/post/Geekopolis2015-Tuez-vos-PJ">risque de mort</a> et la tension de la poursuite, ajoutant à l'intérêt de celle-ci. En revanche, ces dangers peuvent être des facteurs aggravants des accidents et autres péripéties qui se produisent.<br /></p>
<h3>Imprévus</h3>
<p>Toutes choses égales par ailleurs, les trajectoires peuvent nourrir une tension dans la poursuite sans qu'il soit besoin de recourir à une asymétrie : souvenez-vous des trajectoires différentes de wagonnets de mine, pourtant équivalents en vitesse et solidité, dans "<em>Indiana Jones et le Temple Maudit</em>" ! Mais dans ce cas précis, il s'agit plus d'un danger de l'environnement, constant et ne requérant pas d'action particulière des protagonistes.<br />
En revanche, les imprévus requièrent une action des protagonistes. Il ne s'agit plus d'une menace diffuse, mais d'un péril imminent et grave dont les conséquences potentielles, pour le protagoniste de la pousuite qui n'arriverait pas à l'éviter ou à le gérer, sont :<br /></p>
<ul>
<li>l'apparition ou la disparition d'une nouvelle asymétrie ;</li>
<li>l'aggravation ou le renversement d'une asymétrie existante ;</li>
<li>une nouvelle péripétie.</li>
</ul>
<p>Pour reprendre l'exemple de la poursuite au bord du volcan, des imprévus pourraient être la retombée d'un rocher pyroclastique géant juste devant un véhicule ou bien la présence d'un nuage de poussières incandescentes à traverser.<br /></p>
<h2>Le cercle vertueux des asymétries et péripéties</h2>
<p>Dans la narration idéale d'une poursuite, asymétries et péripéties devraient s'enchaîner en un cercle vertueux, chaque péripétie altérant les asymétries et provoquant de nouvelles péripéties en cascade.<br />
Cependant, ces altérations et évolutions des asymétries suite à des péripéties ne <strong>doivent jamais aboutir à un déséquilibre total entre poursuivis et poursuivants</strong>.<br />
En effet, dans l'hypothèse où l'un ou l'autre camp serait trop avantagé, la poursuite serait résolue et s'arrêterait immédiatement. Par suite, il importe que toute aggravation d'une asymétrie soit contrebalancée en même temps par une asymétrie en sens inverse, que celle-ci soit nouvelle ou résulte du renversement ou au contraire de l'aggravation d'une asymétrie existante. Ce sont justement ces altérations des asymétries et surtout ces alternances et renversements qui donnent du sel à la scène de poursuite et relancent l'action.<br />
Tout l'art du meneur de jeu sera donc :</p>
<ol>
<li>de déterminer jusqu'où ne pas aller trop loin, en évitant de donner à l'un ou l'autre camp un avantage déterminant pour se laisser le temps de multiplier les imprévus et ainsi donner la possibilité aux personnages-joueurs de se livrer à des morceaux de bravoure aboutissant à des altérations successives des asymétries entre poursuivis et poursuivants.<br /></li>
<li>mettre en place des occasions de multiplier les renversements successifs des asymétries entre poursuivants et poursuivis, ce qui à chaque fois permettra de relancer l'action jusqu'au dénouement de la scène de poursuite.</li>
</ol>
<h2>Mise en oeuvre dans les exemples ci-dessus</h2>
<p>Reprenons pas à pas la scène de "<em>L'Arme Fatale 3</em>" et tentons d'identifier les asymétries, évolutions d'asymétrie, et les péripéties qui rendent cette scène de poursuite intéressante :<br /></p>
<ol>
<li>Les malfaiteurs utilisent un pick-up adapté aux rails du métro pour s'enfuir, tandis que Martin Riggs les poursuit à travers la foule du métro : la poursuite commence par une asymétrie de vitesse et de résistance (pick-up plus rapide et plus solide qu'un humain), et une péripétie liée à des environnements différents (les rails d'un côté, la foule de l'autre).<br /></li>
<li>Martin Riggs se jette devant la cabine d'une rame de métro et s'y accroche, tapant sur la vitre pour inciter le conducteur à accélérer et rattraper les malfaiteurs, mais le métro ralentit tandis que les malfaiteurs quittent les rails pour rejoindre la route : l'asymétrie de vitesse est cette fois-ci en faveur du poursuivant (le métro est plus rapide) mais asymétrie de contrôle de la vitesse et de la trajectoire en faveur des poursuivis (c'est le conducteur du métro qui décide et pas Riggs, alors que les malfaiteurs n'ont pas ce problème).<br /></li>
<li>Riggs court puis réquisitionne une moto de police pour poursuivre les criminels : remarquez l'inversion rapide de l'asymétrie de vitesse, d'abord en faveur des poursuivis puis en faveur du poursuivant, à la faveur de la résolution d'une péripétie (le fait de récupérer la moto de police) qui conserve la tension de la scène. L'asymétrie de résistance entre pick-up et moto n'a pour l'instant pas d'importance.<br /></li>
<li>Les malfaiteurs font face à un blocage sur la route, prennent l'autoroute à contresens, poursuivis par Riggs en moto : une double péripétie sous la forme d'un danger de l'environnement (il y a des véhicules d'urgence qui bloquent la route), qui aboutit à un imprévu de trajectoire (l'autoroute à contresens), ce qui transforme l'asymétrie de résistance entre le pick-up et la moto en un enjeu vital en cas de collision.<br /></li>
<li>Les malfaiteurs provoquent le dérapage d'un semi-remorque, obligeant Riggs à passer sous la remorque, ce qui casse le pare-brise de la moto : il s'agit ici d'une péripétie jouant sur le danger de l'environnement et la relative fragilité de la moto.</li>
<li>La poursuite continue sur une bretelle d'autoroute inachevée : imprévu de la route qui s'arrête sur le vide.</li>
<li>Après avoir envoyé valdinguer barrières, matériaux et équipements de construction, augmentant ainsi le danger de l'environnement, les malfaiteurs font demi-tour et tirent sur Riggs qui est contraint de sauter dans le vide avec sa moto (il s'accroche à un câble pour se sauver - la moto tombe dans le vide et explose) : dans cette situation, les deux asymétries de résistance et du nombre de participants par véhicule entre poursuivis et poursuivant jouent en défaveur de Riggs, qui ne peut pas à la fois piloter la moto et tirer sur les malfaiteurs, et dont la moto ne saurait supporter une collision avec le pick-up.</li>
</ol>
<p>Reprenons pas à pas la scène des "<em>Aventuriers de l'Arche Perdue</em>" et tentons d'identifier les asymétries, évolutions d'asymétrie, et les péripéties qui rendent cette scène de poursuite si palpitante :<br /></p>
<p>Pendant toute cette scène, Indiana Jones est seul et subit donc les inconvénients d'une asymétrie de nombre fortement en sa défaveur. Toutefois, il y a dans cette scène deux renversement complets de l'asymétrie de contrôle, ce qui la rend particulièrement mémorable.</p>
<ol>
<li>Indy poursuit le convoi des soldats nazis (et l'arche) à cheval et emprunte un raccourci : asymétrie de vitesse et de résistance entre le camion d'une part et le cheval de l'autre ;</li>
<li>Indy s'accroche au côté du camion sous le feu d'une mitrailleuse : asymétrie de résistance entre Indy et le camion (surtout lorsqu'on considère la mitrailleuse), et asymétrie de contrôle (trajectoire, vitesse, accélération) en défaveur d'Indy. La présence des soldats dans le camion pourrait être assimilée à un danger de l'environnement ;</li>
<li>Indy entre dans la cabine, éjecte le passager. Son combat avec le conducteur dans la cabine fait varier la vitesse et la trajectoire du camion, entraînant une collision avec la voiture fermant le convoi, la chute d'un soldat et une nouvelle collision avec des échafaudages - la situation, faisant rire le conducteur, permet à Indy de l'éjecter du camion : outre l'asymétrie de contrôle qui se renverse, l'action d'Indy provoque des péripéties de type "imprévu" dont la dernière consiste en une collision du camion avec des échafaudages et un ouvrier terrifié plaqué contre le pare-brise. Le conducteur du camion n'ayant pas été en mesure de gérer les conséquences de l'imprévu (la terreur du malheureux ouvrier l'ayant fait rire), il se voit jeter hors du camion par le héros. À cet instant, l'imprévu a eu pour conséquence la disparition de l'asymétrie de contrôle entre Indy (le poursuivant) et le reste du convoi (les poursuivis) ;</li>
<li>Indy accélère pour percuter la voiture de tête et lui faire quitter la route, détruit un aqueduc, puis se débarrasse de soldats qui tentent de le rejoindre dans la cabine : Indy parvient à éjecter la voiture de tête parce que l'asymétrie d'accélération et de résistance est en sa faveur. La destruction de l'aqueduc est un simple danger de l'environnement, tandis que les soldats qui tentent d'accéder à la cabine sont un imprévu qui requiert une action positive de la part d'Indy ;</li>
<li>Le capitaine des soldats parvient à rejoindre Indy dans la cabine, le blesse et l'éjecte à travers le pare-brise, sur le capot : il s'agit d'un nouveau renversement de l'asymétrie entre les protagonistes de la poursuite - les asymétries de résistance, d'endurance et de contrôle sont en la défaveur du héros, à présent ;</li>
<li>Indy glisse, se retient à la grille du radiateur, manque de se faire écraser contre la voiture en tête de convoi, puis passe sous le camion et utilise son fouet pour remonter à bord : ces péripéties permettent à Indy d'annuler les asymétries en sa défaveur. Le fait de passer sous le camion lui permet de gérer le danger d'écrasement contre la voiture de tête. Le fait d'utiliser son fouet pour remonter dans le camion lui permet de surmonter l'asymétrie d'endurance en sa défaveur. Comme il est à nouveau dans le camion, Indy ne subit plus d'asymétrie de résistance par rapport au camion ;</li>
<li>Indy escalade le côté du camion, avant d'éjecter à son tour le conducteur sur le capot : cette péripétie permet à Indy de renverser une nouvelle fois l'asymétrie de contrôle ;</li>
<li>Indy utilise le camion pour percuter à nouveau la voiture de tête du convoi et la faire sortir - cette fois-ci définitivement - de la route jusqu'à un marais : c'est cette dernière péripétie qui met fin à la poursuite.</li>
</ol>
<h2>Conclusion</h2>
<p>Une scène de poursuite réussie est une scène qui introduit des asymétries entre poursuivis et poursuivants, et qui les entretient ou les renverse régulièrement par l'accumulation et/ou la succession de péripéties.</p>
<p>Cet article a fait l'objet d'une <a href="https://blog.xyrop.com/index.php/post/Octogones2016-Courses-poursuites-post-apo">présentation à la convention Octogones 2016</a>.</p>https://blog.xyrop.com/post/%5BAide-de-jeu%5D-Scenes-de-poursuite#comment-formhttps://blog.xyrop.com/feed/atom/comments/44